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CHAPITRE IX.

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Table des matières

DES AFFLUENTS DES COURS D’EAU DU DOMAINE PUBLIC ET DU DROIT DU PROPRIÉTAIRE DU CHAMP OU NAIT UNE SOURCE.

129. — Les cours d’eau dépendant du domaine public sont inaltérables. En est-il de même des eaux de leurs affluents?

Tout cours d’eau qui se jette dans un fleuve ou une rivière en est considéré l’affluent.

130. — Il ne peut y avoir d’exception qu’à l’égard d’une source bornée à un simple filet d’eau qui se perd naturellement dans les terres après avoir parcouru une certaine distance.

Il serait, ce me semble, dérisoire de comprendre un tel filet d’eau au nombre des affluents, malgré que, dans la saison de l’hiver, il vienne, par intervalles, se perdre, sans intermédiaire et par l’impulsion de sa propre force, dans les eaux du domaine.

On ne doit pas le considérer comme d’intérêt général; difficilement il pourrait être l’objet d’une convention: il est seulement utile au propriétaire du champ où il prend naissance. Il s’en sert dans la saison de la sécheresse pour arroser quelque plante: c’est le seul avantage qu’il puisse en retirer; il ne peut s’en servir comme moyen d’irrigation.

131. — Il est bien vrai que, règle générale, les affluents donnent la vie, si je puis m’exprimer ainsi, aux cours d’eau qui les reçoivent. Malgré cela, les eaux en sont soumises à un régime diamétralement opposé à celui des eaux du domaine.

132. — L’art. 44, tit. 27 de l’ordonnance de 1669, défend à toutes personnes de détourner l’eau des rivières navigables ou flottables, ou d’en affaiblir et altérer le cours par tranchées, fossés et canaux, à peine contre les contrevenants d’être punis comme usurpateurs, et les choses réparées à leurs dépens.

133. — A la vérité, par l’art. 4, sect. 1re, du tit. 1er de la loi du 28 septembre, 6 octobre 1791, concernant les biens et usages ruraux, les propriétaires étaient autorisés, en vertu du droit commun, à faire des prises d’eau dans les fleuves et rivières, sous la condition de n’en détourner ni embarrasser le cours d’une manière nuisible au bien général et à la navigation établie.

134. — Mais l’article cité de l’ordonnance de 1669 a été rétabli par les dispositions de l’art. 644 du Code civil, portant que celui dont la propriété borde une eau courante, autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public par l’art. 538, au titre de la distinction des biens, peut s’en servir à son passage pour l’irrigation de cette propriété.

135. — La différence que l’on remarque entre les deux législations ne pouvait tirer à conséquence; il en résultait seulement que le législateur de 1669 avait craint les abus, et que celui de 1791 avait placé sa confiance dans les agents du pouvoir pour les empêcher.

Ce n’était que le superflu des cours d’eau navigables ou flottables qui était livré aux riverains, afin d’augmenter la fertilité de leurs champs, et, sous ce rapport, le tempérament porté à la rigueur de l’ordonnance était un bien.

136. — Les eaux attribuées au domaine ne sont autres que celles renfermées dans leurs lits, et les prohibitions que je viens de signaler ne se rapportent qu’à elles exclusivement. Les eaux des affluents sont de toute autre nature, quoique alimentant les fleuves et rivières navigables ou flottables; de là, elles sont franches de la main mise du domaine.

Si les riverains peuvent s’en servir comme moyen d’irrigation (art. 644), si ceux dont elles traversent les héritages peuvent même en user dans l’intervalle qu’elles y parcourent, en vertu du paragraphe du même article, les uns et les autres à la charge de les rendre, à la sortie de leurs fonds, à leurs cours ordinaires, il ne faut pas en conclure que ces eaux soient d’intérêt général; elles sont plutôt d’intérêt privé ; le législateur a seulement entendu, par là, établir une espèce de communauté entre les rive-tains de chaque cours d’eau qui n’appartient pas au domaine, et les faire participer au bienfait qui peut en résulter, sans établir de privilège, laissant néanmoins entiers les droits naturels de préférence, si tant est qu’il y en ait, par la situation respective des propriétés riveraines.

C’est ce qui résulte des dispositions de l’art. 645 du Code civil qui, en cas de contestation, commet les tribunaux pour régler l’usage de ces eaux, en conciliant l’intérêt de l’agriculture avec le respect dû à la propriété. Cette dernière condition me paraît d’un sens profond.

On ne trouve donc rien, pas même par voie d’analogie, qui puisse autoriser à déclarer inaltérables les eaux des affluents, quels qu’ils soient. La maxime, qui veut la fin veut les moyens, vraie généralement, fléchit en pareil cas.

137. — Les eaux des affluents étant ainsi livrées aux riverains, on pourrait craindre pour la navigabilité ou le flottage des cours d’eau du domaine, et, par voie de suite, pour la prospérité publique.

Un tel inconvénient, pour être grave, devrait résister à tout moyen propre à le faire disparaître; mais il n’en est pas ainsi dans notre législation, la loi donne à l’administration publique les moyens d’y pourvoir.

J’entends parler de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, au moyen de laquelle tout rentre dans l’ordre, sinon dans l’ordre naturel, du moins dans un ordre d’intérêt général, sans affaiblir les intérêts privés, l’indemnité de l’expropriation étant ou devant être une équitable compensation des dommages soufferts .

138. — Les affluents sont de toute autre nature que les canaux qui se forment par la division des eaux des fleuves et des rivières. On ne peut les confondre dans une seule et même catégorie: les affluents viennent grossir les cours d’eau du domaine, et les canaux ou bras en sont au contraire un démembrement, une dérivation.

Ordinairement ces canaux rentrent dans le lit du fleuve ou de la rivière d’où ils dérivent, après un espace plus ou moins long; ils en sont une dépendance nécessaire dans toute leur longueur: d’où il suit qu’il n’est pas permis aux riverains d’invoquer l’art. 644 du Code civil pour se servir des eaux qu’ils renferment, comme ils en ont le droit à l’égard des eaux courantes ordinaires constituant des affluents, lors même que ces canaux seraient reconnus non navigables et non flottables, circonstance qui ne doit être d’aucun poids, étant écartée par différents motifs également puissants, les uns puisés dans la nature de la matière, et les autres s’évinçant de l’intérêt de la navigation et du service public.

En un mot, de pareils cours d’eau étant absolument de la même nature que ceux d’où ils dérivent sont sous la protection des mêmes règles.

139. — Mais si, au lieu de rentrer dans le lit du fleuve ou de la rivière d’où elles ne sont qu’une pure dérivation, les eaux du canal venaient se perdre dans tout autre cours d’eau ou dans la mer, faudrait-il adopter d’autres règles?

Il faut, avant tout, supposer que le canal n’est ni navigable ni flottable; dans le cas contraire, il n’y aurait pas de question.

140. — Dans la première hypothèse, les eaux du canal ne peuvent plus être considérées dépendances du fleuve ou de la rivière; elles en sont une décharge, comme il en est à l’égard d’un bassin, de celles qui s’échappent par son trop plein. Rejetées ainsi par leur mère nourricière, elles doivent être rangées dans la classe des affluents et en subir toutes les conséquences.

Cette assimilation, malgré qu’elle ne soit pas naturellement exacte, ne doit pas moins être considérée telle, afin d’aboutir par là à la possibilité d’appliquer au cours d’eau d’un pareil canal un régime conforme aux principes, devant passer pour évident qu’il n’y a aucun moyen de s’en tenir à l’application de ceux se rapportant au canal dont les eaux rentrent dans le lit du fleuve ou de la rivière qui les lui a d’abord fournies.

141. — La seconde hypothèse se confond dans la première, et sur ce motif je n’ai rien à ajouter à ce que je viens de dire dans le numéro précédent. Il me suffit d’y renvoyer.

142. — Le développement que je viens de fournir sur les canaux ou bras par dérivation des fleuves et des rivières, navigables ou flottables, manquerait d’ensemble, si je ne disais quelques mots sur les canaux creusés de main d’homme et entretenus par les particuliers.

143. — Il est hors de tout doute qu’un canal de dérivation, navigable ou flottable, appartient au domaine. Sa consécration à l’usage public en rend l’aliénation impossible. Tel est le droit commun qui résiste à tout acte de possession de la part des tiers, même aux titres qu’ils pourraient rapporter.

144. — Il en est de même à l’égard d’un canal non flottable, mais rentrant dans le cours d’eau navigable ou flottable d’où il dérive.

145. — Cependant la règle fléchit dans certaines circonstances. C’est lorsque, dans le premier cas, le canal a été creusé de main d’homme dans des propriétés particulières étant entretenu par les propriétaires, et où la navigation n’a d’autre objet que le service et l’exploitation de ces héritages .

C’est, dans le second cas, lorsque le canal ne sert qu’à l’irrigation des fonds qui le bordent, en ajoutant encore la condition que son entretien n’est nullement à la charge de l’Etat .

L’art. 1er de la loi sur la pêche fluviale vient à l’appui de ces principes; il le fallait ainsi pour être juste, d’autant qu’on ne doit pas douter que, lors de l’établissement d’un canal quelconque par dérivation d’un fleuve ou d’une rivière navigable ou flottable, les agents du pouvoir soient intervenus, soit parce que, avant 1789, l’Etat était propriétaire des cours d’eau portant bateaux de leur fond, sans artifices et ouvrages de mains (ordonnance de 1669, tit. 27, art. 41), et qu’il était naturellement surveillant des cours d’eau qui, quoique seulement flottables, ne laissent pas que d’être d’intérêt public ou de localité, soit parce que, après 1789, l’Etat était comme il l’est encore propriétaire de tous les cours d’eau navigables ou flottables en train.

Cette présomption de l’égalité dans l’existence des canaux aurait été un motif de retenue dans la volonté du législateur, s’il avait cru nécessaire d’affranchir les cours d’eau formés par dérivation des fleuves et des rivières navigables ou flottables de tout droit d’usage particulier ou de servitude. Les choses anciennes existantes matériellement d’intérêt public, de communauté ou de compagnie, inspirent toujours un certain respect, lors surtout qu’on ne peut invoquer contre elles aucune plainte qui indique l’état de souffrance ou de privation d’une masse d’habitants, ou d’un certain nombre d’industriels comme sont les voituriers par eau. Il est alors prudent de s’en tenir au statu quo. Une innovation pourrait froisser l’intérêt général ou tout au moins l’intérêt de localité sans nul avantage pour personne; du reste on ne doit pas craindre pour l’avenir, les règles sont trop sures pour qu’il arrive jamais que la moindre usurpation soit convertie en droit irréfragable sur les cours d’eau du domaine.

146. — Une question très-importante, d’autant qu’elle se présente assez souvent dans la pratique, est celle de savoir quels sont les ouvrages nécessaires pour acquérir, par la prescription contre le propriétaire du fonds où naît la source, le droit de se servir des eaux qui en découlent.

L’art. 641 du Code civil autorise celui qui a une source dans son fonds d’en user à sa volonté, sauf les droits des tiers acquis par titre ou par prescription et sauf encore en vertu de l’art. 643. Le cas où les habitants d’une commune, village ou hameau, se servent pour leurs besoins des eaux qu’elle fournit, dans lequel cas le propriétaire peut réclamer une indemnité, si les habitants n’en ont pas acquis ou prescrit l’usage.

147. — Il y aurait entrave, même désordre, dans l’exercice du droit de propriété, si ce droit n’était pas entier: la source qui naît dans un champ en est donc une dépendance nécessaire. Cela tient au principe posé par l’art. 552 du Code civil. La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, et ce serait violer ce principe, si l’on admettait tout autre tempérament que celui posé par l’art. 643, qui constitue une espèce d’expropriation pour une cause que l’on peut appeler d’utilité publique, et qui doit être considérée tellement raisonnable qu’on ne doit pas supposer qu’il y ait jamais personne qui juge la loi trop dure, avec d’autant plus de raison que le propriétaire est dédommagé par une indemnité réglée par experts.

148. — Ainsi, en l’absence de toute modification par vente ou prescription, ou pour les besoins des habitants d’une commune, village ou hameau, le propriétaire d’une source peut en disposer souverainement. Il ne doit compte à personne de ses actions à cet égard. Il en retient les eaux par tels ouvrages que bon lui semble, et il les emploie de même. Il peut les détourner, il peut même en étouffer la source .

149. — S’il les détourne, il est entendu qu’il doit avoir le consentement des propriétaires sur le fonds desquels les eaux vont prendre un nouveau cours.

150. — S’il étouffe la source et que les infiltrations portent quelques dommages aux voisins, il est tenu de les réparer et d’en supprimer la cause (art. 1382 du Code civil).

151. — Il en serait de même dans tout autre cas où il serait reconnu que le dommage est le résultat du nouvel état des lieux.

Les ouvrages de main d’homme, quels qu’ils soient, font perdre à la servitude naturelle son caractère essentiel.

152. — Tout ce qui est dans le commerce peut être vendu, lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé l’aliénation (art. 1598 du Code civil).

Or, les tiers peuvent acquérir des droits sur les eaux d’une source. Cet un objet qui est dans le commerce, et aucune prohibition légale n’en entrave l’aliénation.

Le titre ou la convention fait la loi des parties; mais la prescription pour être valable, c’est-à-dire pour remplacer le titre, est soumise à une condition sévère mais juste.

153. — L’art. 642 du Code civil dispose que la prescription, dans ce cas, ne peut s’acquérir que par une jouissance non interrompue, pendant l’espace de trente années, à compter du moment où le propriétaire du fonds inférieur a fait et terminé des ouvrages apparents destinés à faciliter la chute et le cours de l’eau dans sa propriété.

154. — La condition dont j’entends parler, c’est que les ouvrages soient placés sur le fonds supérieur ou appuyés contre. La loi l’a voulu ainsi, afin qu’il y eût par ce moyen une espèce d’interpellation adressée au propriétaire du fonds supérieur, et qu’il restât sans excuse s’il gardait le silence pendant l’espace de trente années.

155. — S’il suffisait d’ouvrages pratiqués sur le fonds inférieur, il serait trop facile d’usurper sur le droit du propriétaire de la source, chacun pouvant sur sa propriété, en observant les distances légales, faire de son pur mouvement tels ouvrages que bon lui semble, sans crainte d’être querellé par ses voisins.

La volonté du législateur se remarque encore mieux si l’on s’arrête sur les expressions que l’on trouve dans l’article cité, «destinés à faciliter la chute et le cours de l’eau dans sa

» propriété.»

Ce dernier membre de la phrase fait disparaître le doute qui aurait pu résulter des expressions isolées ouvrages apparents; car on ne conçoit pas la chute d’un courant quelconque d’un fonds sur un autre, s’il y a un intermédiaire qui d’abord le reçoit.

Si, pendant quelques années, la question a fourni matière à controvorse, il n’a pu en être ainsi depuis l’arrêt de la cour de cassation du 5 juillet 1837, que je rapporterai plus bas; il a établi que, pour prescrire contre le propriétaire de la source, il était indispensable que les ouvrages fussent pratiqués sur son fonds ou appuyés contre.

C’était le sentiment de certains auteurs, et ils en donnaient un bien puissant motif: ils disaient que le propriétaire du fonds inférieur devait avoir fait les travaux jure servitutis, puisqu’il s’agissait pour lui d’acquérir un droit de servitude; or les travaux qu’il faisait sur son fonds, il ne les faisait jamais qu’en sa qualité de propriétaire, jure dominii.

D’autres auteurs plus nombreux soutenaient que les ouvrages apparents, faits sur le fonds inférieur, suffisaient pour prescrire; ils se fondaient principalement sur cette circonstance, que le conseil d’état, dans la discussion de l’article, avait remplacé le mot extérieurs qui se trouvait dans le projet du Code, par cet autre mot apparents, pour qu’on ne pût penser que les ouvrages devaient être faits hors du fonds inférieur.

Ces derniers auteurs avaient perdu de vue que le mot extérieurs, dans le sens qu’ils lui attribuaient, rendaient inutiles les mots destinés à faciliter la chute et le cours de l’eau dans sa propriété. Il fallait, pour être correct, éviter un pléonasme inutile, et laisser exister, ou le mot extérieurs en retranchant les autres, ou le projet tel qu’il avait été présenté, sauf à substituer le mot apparents au mot extérieurs.

La cour suprême a consacré la première opinion, par son arrêt du 25 août 1812, rapporté par M. Dalloz, année 1812, 1, 599.

La même cour a adopté l’opinion contraire, par arrêt du 6 juillet 1825, chambre des requêtes; Dalloz, année 1825, 1, 356. Elle a pensé qu’on ne devait pas exiger qu’il fût prouvé que les ouvrages ont été faits sur le fonds supérieur par le propriétaire du fonds inférieur; qu’il suffisait d’établir que les ouvrages ont été faits dans l’intérêt du fonds inférieur.

Un troisième arrêt conforme au second, sous la date du 12 avril 1830, est rapporté par Sirey, t. XXX, 1, 174.

Mais, par un quatrième arrêt du 5 juillet 1837, rapporté par Dalloz, année 1837, 1, 365, la même cour suprême est revenue à sa première jurisprudence, et l’a consacrée en termes formels:

«Attendu, en droit, que, d’après l’art. 642 du Code civil, la

» prescription du droit de recevoir les eaux du fonds supérieur

» ne court au profit du propriétaire inférieur qu’à compter du

» jour où il a fait et terminé des ouvrages apparents destinés à

» faciliter la chute et le cours de l’eau dans sa propriété ; que, si

» cette disposition n’exige pas d’une manière bien explicite que

» les ouvrages apparents dont elle parle soient en tout ou en

» partie pratiqués sur le fonds supérieur, cela résulte de son esprit,

» et est d’ailleurs pratiqué par la nature même des choses

» et des principes généraux des servitudes; que le simple écoulement

» des eaux ne peut constituer un droit, puisque, de la

» part du propriétaire supérieur, il n’est que l’usage d’une faculté

» naturelle; que ce propriétaire ne saurait être gêné dans une

» autre disposition des eaux de son fonds par des ouvrages pratiqués

» sur un autre et auxquels il n’aurait pu s’opposer; attendu

» que, si ce principe a pu être contesté lors de l’émission du

» Code civil, il est aujourd’hui consacré par l’opinion unanime

» des auteurs et par une jurisprudence invariable; attendu, en

» fait, que l’arrêt attaqué constate que, si les demandeurs ont reçu

» des eaux d’arrosage venant de la propriété de Guibert, défendeur

» éventuel, ils ont pratiqué cet arrosage sans faire aucuns

» travaux sur ladite pièce de Guibert, en prenant l’eau à la sortie

» de la propriété d’Hautpoul, et qu’il constate pareillement

» que la servitude, etc., etc.»

156. — Je ne dois pas m’arrêter là. Il est nécessaire que, m’occupant de la même question, je désigne la nature des ouvrages sur lesquels le propriétaire du fonds inférieur peut fonder son droit de prescription.

Point de difficulté lorsque les ouvrages sont faits en maçonnerie, dont les fondements se trouvent établis sur les deux fonds inférieur et supérieur, ou lorsque les fondements n’étant que sur le fonds inférieur, il y a prise sur le fonds supérieur des eaux de la source par un avancement d’une forme concave assis sur le fonds supérieur et faisant corps avec la maçonnerie. De tels ouvrages signalent leur auteur, et ne laissent à prouver que l’époque de leur établissement.

157. — Il n’en est pas de même des ouvrages en maçonnerie placés uniquement sur le fonds supérieur, non plus que des tranchées, rigoles ou fossés dans le même fonds; ils sont présumés être l’œuvre du propriétaire ( art. 552, 553, 712 et 1350 § 2, du Code civil ).

Le propriétaire du fonds inférieur ne peut en tirer aucun avantage, lors même qu’il existerait sur son propre fonds d’ouvrages en rapport avec ceux du fonds supérieur, et qui, ensemble, faciliteraient le cours des eaux de la source jusque dans l’intérieur du fonds inférieur.

Cela résulte des principes se rattachant à l’assujettissement du fonds inférieur, de recevoir à titre de servitude naturelle les eaux qui découlent du fonds supérieur, ce qui écarte tout fait acquisitif par de pareils ouvrages.

Le propriétaire de la source se débarrasse des eaux qu’elle fournit, et le propriétaire du fonds inférieur les utilise à son gré en les prenant à l’entrée de son fonds.

Il n’y a en cela, surtout de la part du propriétaire du fonds inférieur, aucun acte offensif, seulement on pourrait reprocher à sa partie adverse d’apporter des entraves au cours naturel des eaux de la source par les ouvrages par elle pratiqués; reproche qui ne pourrait avoir d’autre résultat que de la forcer à les faire disparaître, leur existence n’ayant rien de commun avec les actes nécessaires au propriétaire du fonds inférieur pour acquérir, par la prescription, droit à l’usage des eaux de la source.

Duparc-Poullain, cité par M. Daviel, n° 772 de son Traité des Cours d’eau, professe que l’existence de fossés ou canaux creusés dans le champ du propriétaire de la source, pour conduire l’eau chez le voisin, est un intersigne très-équivoque de servitude au profit de ce voisin, parce qu’il est difficile de découvrir si le canal a été fait pour le voisin ou seulement pour l’écoulement des eaux, et qu’on doit présumer le second plutôt que le premier, puisque les servitudes ne se présument pas sans preuves.

Je crois que c’est ce dont tout le monde convient. C’est, du reste, ce que je viens d’établir moi-même en thèse, en supposant des faits plus saillants.

Mais cette présomption en faveur du propriétaire de la source, pour si raisonnable qu’elle puisse être, doit s’évanouir en présence de preuves contraires; car jusqu’ici je n’ai entendu raisonner que dans la supposition que le propriétaire du fonds inférieur voudrait, dans le second cas comme il en est dans le premier, faire prévaloir ses prétentions à l’usage des eaux de la source, par le seul état matériel des lieux et la preuve de l’existence des ouvrages depuis plus de trente années.

158. — Il me paraît évident qu’aucun des ouvrages qui rentrent dans le second cas ne constitue par lui-même nulle interpellation qui puisse mettre en demeure le propriétaire de la source. J’en ai donné plus haut les motifs.

Le propriétaire du fonds inférieur se trouvera donc dans la nécessité de prouver qu’il est l’auteur des ouvrages ou qu’il les possède depuis plus de trente années. Cette preuve aura-t-elle toujours l’efficacité de remplacer le titre?

Je me détermine à poser des exemples, j’ai cru que c’était le meilleur moyen pour être net et précis.

Traité des cours d'eau navigables ou flottables

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