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CHAPITRE III.
ОглавлениеDE L’USAGE DU CHEMIN DE HALAGE ET DU MARCHEPIED QUANT A LA MARINE ET A LA PÊCHE.
37. — Il est nécessaire que je m’occupe de la destination précise, soit du chemin de halage, soit du marchepied.
Il existe une grande différence entre ces deux voies: la première est appelée chemin royal, dénomination dont le large sens embrasse les opérations du halage et du flottage en train au moyen de chevaux ou d’hommes, et toute autre espèce de manœuvre s’y rapportant.
38. — Les dépôts de marchandises quelconques ne peuvent y être tolérés. Les lois spéciales s’y opposent tout aussi bien que les lois générales de police.
39. — La seconde voie, qui est simplement le marchepied, que je ne confonds pas avec le chemin de halage, malgré que le législateur moderne ait généralisé ce terme dans l’art. 650 du Code civil, est destinée, comme le chemin de halage, à faciliter les opérations de la marine marchande, avec cette différence remarquable que l’un, d’une largeur suffisante, a, pour principe de son établissement, le motif d’une large facilité dans la remonte des bateaux par chevaux ou hommes; tandis que l’autre, posé dans des limites resserrées, est étranger à cette manœuvre essentielle, ne devant son existence que pour fournir au navigateur un lieu de station libre particulièrement pour la nuit, un moyen facile dans la descente, soit des bateaux, soit des trains en flottage, et un libre concours de relations entre les différents équipages stationnés sur la même rive, et avec toute personne ayant intérêt direct ou indirect à la conservation des objets voiturés.
40. — Ce n’est pas que le marchepied ne puisse servir pour d’autres opérations secondaires se rapportant à la navigation, comme aussi pour certaines opérations de la pèche; mais on ne doit pas tenir pour certain qu’il soit permis de s’en servir avec chevaux pour le tirage des bateaux et des trains.
41. — L’administration des ponts-et-chaussées ne s’occupe nullement de l’entretien du marchepied. Les cantonniers de la marine sont placés sur les chemins de halage, et c’est là où ils emploient tout leur temps.
42. — Il n’est pas de rivage, sur les fleuves et rivières navigables ou flottables en train, qui ne soit coupé de distance en distance, non-seulement par des enfoncements naturels, mais encore par des ruisseaux; malgré cela, nul pont dans la longueur des marchepieds pour faire disparaître les difficultés qui s’ensuivent.
Ces deux motifs me semblent plus que suffisants pour se déterminer contre la faculté de haler avec chevaux, sur le marchepied.
Il n’est pas de règle générale qui ne comporte quelque exception: il est très-possible que le halage par trait de chevaux soit pratiqué dans certains lieux sur le marchepied; il faut céder à la loi de la nécessité, et l’administration publique est seule juge en pareille matière; mais, dans ce cas, la partie nécessaire sur la longueur du marchepied est rendue viable par les soins de la même administration et à ses frais. Le riverain n’a pas à se plaindre, pourvu que l’on s’en tienne à la largeur de 3 m. 25 c. réservés par l’ordonnance.
Ainsi, à part les exceptions de la nécessité, le halage par trait de chevaux n’est nullement permis sur le marchepied.
43. — Il n’est pas non plus permis d’amarrer les bateaux en les attachant aux arbres plantés en dehors de la limite de l’espace réservé. Ce fait constituerait un acte arbitraire, et exposerait son auteur à des dommages envers le propriétaire.
Un fait de cette nature a été jugé par la cour de cassation, le 11 juin 1822, sur le pourvoi contre un jugement du tribunal civil de Rouen qui avait condamné le sieur Dubourg à des dommages-intérêts en faveur du sieur Lallemant, propriétaire de l’île Brouilly près Rouen, pour avoir, le sieur Dubourg, attaché ses bateaux aux arbres plantés sur les rives de ladite île. «La cour,
» attendu que l’île Brouilly est une propriété privée, qu’aucun
«titre de servitude n’est rapporté par Dubourg, et que l’amarrage
» n’a pas eu lieu pour cause de péril imminent, rejette le
» pourvoi.
44. — L’art. 36 de la loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale porte: «Les fermiers et porteurs de licences ne pourront user
» sur les fleuves, rivières et canaux navigables, que du chemin
» de halage; sur les rivières et cours d’eau flottables, que du
» marchepied. Ils traiteront de gré à gré avec les propriétaires
» riverains pour l’usage des terrains dont ils auront besoin pour
» retirer et assener leurs filets.»
Cette disposition législative fut le résultat d’une vive discussion aux deux chambres. Les uns voulaient accorder aux pêcheurs le droit de se servir du chemin de halage ou du marchepied pour jeter leurs filets dans l’eau, l’en retirer et récolter le poisson, et généralement pour tous autres usages relatifs à l’exercice de la pêche.
Telle était la première rédaction du projet; mais elle fut combattue par cette principale considération que les chemins de halage et les marchepieds n’ayant été établis que comme servitude à la charge des fonds riverains pour le tirage des bateaux dans l’eau, il fallait la restreindre à l’objet de sa première destination, et s’en expliquer d’une manière précise dans la loi, afin d’écarter toute fausse interprétation; que, procéder différemment, ce serait étendre la servitude au préjudice des riverains.
45. — Les pêcheurs ne peuvent donc se servir du chemin de halage ou du marchepied que pour le tirage de leurs bateaux et pas autre chose. C’est le sens des termes restrictifs et impératifs de la loi, ainsi que de la disposition finale qui renvoie le pêcheur à traiter de gré à gré avec le propriétaire riverain pour les emplacements dont il pourrait avoir besoin.
46. — Le législateur moderne n’a pas voulu porter atteinte aux dispositions de l’ordonnance de 1669 qu’il a jugées conformes aux vrais principes, la profession de pêcheur ne pouvant être d’ailleurs un motif suffisant pour étendre la servitude. Il n’était pas juste de placer cette classe de citoyens dans une règle exceptionnelle, la propriété privée ne devant être attaquée que pour cause de nécessité ou d’utilité publique, auxquels cas il y a lieu à indemnité.