Читать книгу Traité des opérations de banque, de bourse et de change, à l'usage des capitalistes, des employés de banque et des candidats aux administrations financières - Charles Lejeune - Страница 33
BANQUE D’ANGLETERRE
ОглавлениеLa Banque d’Angleterre, fondée en 1694, a obtenu, depuis cette époque, le privilège de l’émission de billets de banque ayant cours légal. Cependant, le cours forcé fut donné aux billets pendant deux périodes de difficulté économique, de 1797 à 1821, et de 1837 à 1886. La Banque est actuellement réglementée par le «Banking Act» du 19 juillet 1844, appelé aussi «Act de Sir Robert Peel».
En vertu de cette loi, le privilège de la Banque d’Angleterre a été limité à un rayon de 106 kilomètres autour de l’Abbaye de Westminster de Londres. Les banques, au nombre d’une centaine environ, qui avaient jusqu’à cette époque pratiqué l’émission concurremment avec la Banque d’Angleterre, conservèrent ce privilège, mais au delà seulement du périmètre ci-dessus indiqué, et aucune autre banque ne devait pouvoir être autorisée à l’avenir à émettre des billets. Depuis 1844, le nombre des banques ayant ainsi le privilège d’émission a diminué en Angleterre, tantôt par la disparition d’une banque ou par sa fusion avec une autre, tantôt par renonciation d’une banque à son privilège soit de façon pure et simple, soit au profit de la Banque d’Angleterre. Il n’y avait plus, en 1914, que 33 banques en Grande-Bretagne ayant le droit d’émettre des billets, dont 19 en Angleterre, 8 en Écosse et 6 en Irlande où le privilège de la Banque d’Angleterre a été renouvelé.
Le «Banking Act» de 1844 a également fixé les conditions financières de l’émission. D’abord limitée à la valeur totale de l’encaisse métallique et du capital de la Banque d’Angleterre (14.550.000 livres sterling), elle a été portée, vers 1900, à la valeur de l’encaisse augmentée de 18.450.000 livres sterling.
Au point de vue de son organisation intérieure, la Banque d’Angleterre est, malgré son privilège, une société privée complètement indépendante, sous réserve de la limitation du pouvoir d’émission et de l’obligation, où l’a placée l’«Act» de 1844, de publier hebdomadairement sa situation (comme la Banque de France). Son capital n’est pas divisé en actions, mais en un stock d’inscriptions nominatives de 100 livres sterling chacune, qui peuvent chacune appartenir à plusieurs propriétaires. Les propriétaires d’au moins 500 livres sterling de stock se réunissent tous les six mois, et c’est par eux que sont élus tous les ans le Gouverneur et le Sous-Gouverneur ainsi que les 24 Directeurs ou Régents. La Banque d’Angleterre est donc plus indépendante que la Banque de France.
La Banque d’Angleterre ne possédait avant la guerre que 12 succursales: 2 à Londres et 10 en province (en Angleterre seulement); elle représente à Londres la Banque royale d’Écosse et la Banque d’Irlande.
Elle est divisée en trois grands services:
1° Département de la Dette nationale. — Depuis le 27 juin 1892, la Banque d’Angleterre est chargée du transfert et du paiement des dividendes ou coupons de la Dette nationale, des Bons du Trésor et des emprunts des colonies. Elle joue aussi le rôle de banquier du Trésor anglais; elle reçoit en effet les fonds provenant des impôts, sur lesquels elle a dû parfois faire des avances au Gouvernement;
2° Service de l’émission («Issue Department»). Dans ce service qui, malgré l’indépendance de la Banque, est considéré comme une division détachée du Ministère des Finances, la Banque d’Angleterre est chargée de la fabrication et de l’émission des billets, d’une part, et, d’autre part, de la conservation de l’encaisse métallique et des fonds publics ou valeurs industrielles de premier ordre qui garantissent la circulation fiduciaire.
D’après ses statuts, la Banque est tenue d’acheter et de payer en banknotes tout l’or en lingots qui lui est présenté, à raison de 3 livres 17 shillings 9d. par once standard.
Les billets de la Banque d’Angleterre ont cours légal dans toute l’Angleterre, sauf en Écosse où l’on peut les refuser. Tous les billets qui rentrent à la Banque pour quelque motif que ce soit, sont retirés de la circulation, même s’ils sont encore presque neufs, et sont conservés pendant cinq ans, puis brûlés.
L’État anglais participe aux bénéfices que réalise la Banque d’Angleterre sur l’émission des billets. Mais cette émission n’a jamais été très considérable, par suite de sa limitation à l’encaisse métallique augmentée des 14.550.000 livres sterling, représentant le capital, et des 4 millions environ de livres sterling représentés par des fonds publics ou valeurs industrielles. C’est cette insuffisance de circulation, par rapport à l’activité des opérations commerciales dans le Royaume-Uni, qui y a favorisé l’usage si répandu des dépôts en banque et des paiements par chèques ou virements. Ces dépôts étaient évalués avant la guerre à 21 milliards 1/2de francs.
Au cours de plusieurs crises économiques et financières, l’insuffisance d’émission s’est montrée de façon si évidente qu’il a été nécessaire, en 1847, 1857 et 1866, que des lois autorisent la Banque d’Angleterre à dépasser la limite permise. Au début de la guerre de 1914, il fut question de lui permettre d’étendre son pouvoir d’émission. Mais le Gouvernement anglais préféra, pour laisser tout le crédit aux billets de banque, émettre lui-même des billets appelés «Currency Notes» ou dans le langage courant «Bradburies» (du nom de lord Bradbury, Chancelier de l’Échiquier, c’est-à-dire Ministre des Finances). De plus, l’exportation de l’or fut interdite. En 1921, les billets émis par la Banque d’Angleterre se montaient à 145 millions de livres sterling avec une encaisse métallique et une réserve de 127 millions de livres (tandis que l’émission était en France à la même époque de 39 milliards de francs);
3° Le Service de la Banque ou «Banking Department». — On peut dire que la Banque d’Angleterre n’est pas une banque de commerce, comme la Banque de France sait l’être. Elle se borne à recevoir des dépôts privés pour lesquels elle ne verse pas d’intérêt, et les chèques ne peuvent être inférieurs à 5 livres. Elle conserve aussi les titres de ses déposants ayant au moins 500 livres sterling à leur compte. Mais elle joue surtout le rôle de banquier de la Chambre de compensation de tous les banquiers anglais.
Elle pratique aussi l’escompte, mais sur une faible échelle, laissant ce rôle à des spécialistes, les «bill dealers» ou «bill brokers». Elle ne prend pas de papier sur l’étranger. Les traites sont nécessairement non acceptables, revêtues de deux signatures connues, et à moins de 95 jours d’échéance. Le taux officiel de l’escompte n’est pas appliqué à tous les clients de la Banque d’Angleterre, mais il varie selon le crédit des présentateurs. Les «bill dealers» escomptent toujours à meilleur compte que la Banque d’Angleterre, contrairement à ce qui se passe en France.
La Banque d’Angleterre fait le commerce des métaux précieux, comme les changeurs du moyen âge. Elle se chargeait avant la guerre de procurer de l’or, pour les règlements internationaux, à tous ses clients. Malgré cela, elle a souvent été à court de lingots, et elle a dû plusieurs fois en faire venir du Transvaal ou d’Australie. En 1890 et en 1907, elle a été obligée d’en emprunter à la Banque de France (75 et 80 millions).
Avec ses dépôts, la Banque d’Angleterre fait, en dehors de l’escompte, quelques avances à court terme sur garanties à des particuliers, et des avances à long terme à l’État anglais, aux Municipalités et à des entreprises de travaux publics.