Читать книгу Les misères d'un fonctionnaire chinois - Francisque Sarcey - Страница 14
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BELLES RÉSOLUTIONS
Song-Kong-Chou est une des plus jolies villes de la Chine méridionale. Elle est bâtie sur une colline, et les maisons descendent en pente douce jusqu’à la plaine, où elles s’éparpillent au milieu de jardins qui ressemblent de loin à des corbeilles de verdure. De la ville haute, la vue s’étend sur un vaste et riche paysage. Ce sont des rizières coupées de canaux dont l’eau étincelle au soleil en longs filets d’argents. Des fermes et des maisons de plaisance, semées au hasard dans la campagne. l’égayent par leur air de propreté rustique. Quelques prairies s’étendent sur le bord de la rivière, comme de grandes taches vertes, où brillent des fleurs de pourpre. Un long rang de collines arrête les yeux sans terminer l’horizon, qui se perd dans un brouillard de vapeurs lumineuses.
–L’aimable séjour! s’écria le jeune Fo–hi transporté, et que l’on doit y être aisément heureux!
Il fut installé, avec la solennité convenable, dans ses nouvelles fonctions, par M. l’administrateur en chef. On lui présenta tous les agents qui devaient travailler sous ses ordres, et il les reçut avec cet air de bienveillance noble qui fleurit naturellement sur le visage des supérieurs administratifs. Il rendit le même jour visite à tous ses chefs de service, et à tous les chefs de service des autres administrations, et compta le soir avec satisfaction qu’il avait fait dans sa journée cent quatorze révérences, à raison seulement de deux révérences par visites. Il se coucha, l’épine dorsale un peu fatiguée, mais content de lui-même.
Il se traça pour l’avenir un plan de conduite, dont il résolut de ne se départir jamais; et pour mieux se le graver dans la mémoire, il le réduisit en aphorismes qu’il prit la peine de mettre par écrit, sous forme de vers:
I
Tes chefs toujours honoreras
Et salueras profondément
II
Tes subordonnés conduiras
A la baguette et rudement.
III
Pour ta besogne, la feras
Sans zèle et sans empressement.
IV
Femme au grand jamais ne prendras,
Ni maîtresse pareillement.
V
L’œuvre de chair ne commettras
Qu’à tout le plus une fois l’an.
VI
D’eau claire et de pain sec vivras
Sans te griser aucunement.
VII
Et jour et nuit ne songeras
A rien qu’à ton avancement.
Le jeune Fo-hi voulait aller à dix et faire une croix. Mais il ne trouva pour le moment d’autre recommandation à se faire. Il ne se doutait guère que les événements lui apporteraient bientôt de quoi compléter son décalogue. Qui lira verra, comme dit le proverbe.