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II
LE JEUNE FO-HI ENTRE AU COLLÈGE

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Table des matières

La naissance du garçon qu’ils attendaient combla de joie les deux époux. Quand il eut atteint le premier degré de la vie, à l’âge de dix ans, son père résolut de le mener à la forêt des pinceaux. C’est le nom que les Chinois, dans leur langue poétique, donnent à leurs collèges: Madame Fo-hi en avertit un bonze, à qui elle avait la bonne habitude de conter les affaires de son mari, en même temps que les siennes. Le bonze accourut tout échauffé, et dit:

–Que le Tao répande sur vous ses bénédictions! Vous êtes des imprudents. Votre fils est perdu si vous le conduisez à la forêt des pinceaux. Sous prétexte de lui apprendre le sanscrit et le prâkrit, on corrompra sa jeune âme, en y versant du poison. Les livres qu’on lui mettra entre les mains ont été composés il y a deux mille ans. Ils ne parlent donc point du vrai Dieu, qui n’existait pas encore. Ce sont des poésies abominables qui chantent les métamorphoses de Vichnou et les superstitions du culte des idoles. Elles donnent pour des modèles de piété ces fakirs ridicules, qui allaient tout nus.–

–Qui! tout nus! s’écria madame Fo-hi en rougissant.

–Oui, tout nus, reprit le bonze, et qui s’entonçaient des clous dans les cuisses, et qui se jetaient sous les roues du char de Jagernaut. Vous sentez aisément combien ces exemples sont contagieux! Confiez-moi votre fils; nous lui apprendrons un tout autre sanscrit et à bien meilleur compte. Nous l’élèverons dans la crainte du Tao et de ceux qui le représentent sur la terre. Nous en ferons un jeune homme selon notre cœur, qui s’abstiendra de viandes immondes, distribuera, par nos mains, d’abondantes aumônes, et ne se mettra jamais de clous dans les cuisses.

Le marchand répondit:

–Il n’y a pas grande apparence que cette envie lui prenne jamais. Cela pouvait être à la mode il y a deux mille ans. L’usage en est passé depuis trop longtemps pour qu’on y revienne aujourd’hui, et tous les livres du monde n’y feront rien. Je ne connais point les poètes dont vous parlez; mais leurs vers, si beaux qu’ils puissent être, ne persuaderont plus personne. Je n’ai pas d’inquiétude à cet égard, et vous êtes trop bon d’en prendre. Je vous confierais volontiers mon fils, si j’avais l’intention de le consacrer au culte du Tao; mais j’en veux faire un homme et non un bonze. Il vaut donc mieux qu’il soit élevé par des hommes, et qu’il apprenne dès à présent à vivre dans leur société. Il m’en coûtera ce qu’il pourra. J’ai bien l’honneur de vous saluer, et que Dieu vous assiste!

Le bonze resta seul avec madame Fo-hi.

–Hélas! s’écria-t-il, un tel aveuglement fait trembler. Malheureux Chinois! malheureuse Chine! C’est à vous, chère madame, de réparer les erreurs de votre mari, et d’appeler les bénédictions de Dieu sur votre fils, qui en aura besoin. Nos établissements sont pauvres. Sa Majesté, le fils du ciel, qui dépense beaucoup d’argent pour ses collèges, nous en donne aussi quelque peu pour soutenir la concurrence que nous leur faisons; mais cela ne nous suffit pas. Il faut que les âmes pieuses viennent à notre secours. Nous vivons de la charité publique.

–Tenez, dit madame Fo-hi, prenez et priez pour mon pauvre fils, mais n’en dites rien à mon mari; il me gronderait.

–Ne craignez rien, madame, je suis l’humble serviteur de celui qui a dit: «Que votre main gauche ignore toujours l’argent qu’a reçu votre main droite.»

Les misères d'un fonctionnaire chinois

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