Читать книгу Les Ouvriers Européens - Frédéric Le Play - Страница 3
AVERTISSEMENT.
ОглавлениеLivré depuis vingt années environ à une suite d’études concernant l’extraction et l’élaboration des métaux usuels, j’ai été naturellement conduit à observer la condition des ouvriers attachés aux usines métallurgiques, et subsidiairement celle des agriculteurs parmi lesquels ces ouvriers se recrutent, ou qui entreprennent, pour le service des mines et des usines, le transport des combustibles, des minerais et des autres matières premières. Le prix de revient des métaux se compose, en effet, pour la majeure partie, des frais qu’entraîne la subsistance de ce personnel: l’économie des ateliers métallurgiques, je dirai même le principe des procédés techniques qu’on y emploie, ne sauraient donc être étudiés d’une manière philosophique, à moins que l’on n’ait préalablement déterminé les conditions essentielles de l’existence des populations attachées à ces travaux.
La nature même de mon sujet m’a conduit à étendre ces recherches à toutes les contrées de l’Europe, et même à plusieurs régions de l’Asie. J’ai donc observé des types d’ouvriers formés sous l’influence d’organisations sociales fort diverses; et la comparaison de ces types m’a fait entrevoir plusieurs conclusions qui n’ont rien de nouveau sans doute, puisqu’elles ne sont qu’un résumé de la tradition européenne, mais qui ne sont peut-être pas suffisamment connues de tous ceux qui interviennent par leurs fonctions ou par leurs écrits dans la direction des sociétés de l’Occident. Les faits que révèle l’observation méthodique sont souvent en contradiction avec leurs opinions ou avec leurs doctrines; et plus d’une fois il m’a suffi de citer ceux qui étaient à ma connaissance pour modifier les idées de personnes ell en raison de leur position ou du mérite de leurs travaux, ont, en ce qui concerne les questions économiques et sociales, une autorité à laquelle il ne m’est pas permis de prétendre. Ayant ainsi constaté que des documents exacts ne sont pas moins utiles aux questions de cette nature qu’à celles qui constituent ma principale étude, j’ai pensé qu’un exposé de mes observations sur les ouvriers européens pourrait aider à la solution de plusieurs problèmes qui s’agitent aujourd’hui. Telle est la pensée qui m’a déterminé à sortir momentanément du cercle de mes travaux ordinaires, et à publier l’ouvrage que je soumets au jugement du public.
Qu’il me soit permis de rendre ici un témoignage de reconnaissance à feu M. Legrand, qui a longtemps dirigé, en qualité de sous-secrétaire d’État des travaux publics, le corps des ponts et chaussées et des mines; à M. le comte Duchâtel et à feu M. Martin (du Nord), anciens ministres de l’intérieur et du commerce: ces hommes d’État ont bien voulu accorder à mon ouvrage un intérêt particulier, et j’ai reçu d’eux plusieurs missions qui m’ont permis den étendre le plan à toutes les catégories d’ouvriers.
Je suis également fort redevable à M. le Ministre de la justice, à MM. les Membres du Comité scientifique de l’Imprimerie impériale, et particulièrement à M.J. Dumas, sénateur, ancien ministre du commerce et de l’agriculture, pour le bienveillant appui qu’ils ont accordé à cette publication.
Parmi les personnes qui m’ont aidé à recueillir les matériaux que j’ai mis en œuvre, je dois citer en première ligne mon ami M. le comte A. de Saint-Léger, ancien membre du conseil général de la Nièvre, dont la collaboration mest acquise depuis longtemps. Il s’est associé à la plupart des voyages que jai entrepris depuis1836; il a accompli seul, en1848, plusieurs voyages en France et en Allemagne; et tout récemment il a bien voulu partager les fatigues d’un voyage en Russie et en Sibérie, dans lequel nous avons étudié les trois types de nomades, d’émigrants et de paysans sédentaires, dont la description est présentée en tête de l’Atlas formant la seconde partie de cet ouvrage. Partout ses connaissances spéciales m’ont été d’un grand prix en ce qui concerne les ouvriers-agriculteurs; les habitudes conservées traditionnellement dans l’administration de ses propriétés du Morvan ont contribué à nous faire entrevoir plusieurs principes essentiels des anciennes institutions économiques de la France; et les observations que nous avons faites en commun, dès l’année1839, sur les populations agricoles de cette partie du Nivernais ont été le point de départ des monographies groupées dans l’Atlas. Tout en restant seul responsable des imperfections de cet ouvrage, je dois donc reporter en partie à mon ami les faits utiles et les idées justes qu’on y pourra trouver.
Plus récemment, mon ami M. Augustin Cochin, maire du Xe arrondissement de Paris, a bien voulu me prêter son concours pour observer les ouvriers parisiens; il a également pris part aux études relatives à plusieurs ouvriers étrangers. Les relations de patronage et de bienfaisance qu’il entretient conformément à ses traditions de famille ont été pour moi la source d’utiles renseignements; j’y ai surtout trouvé des indications pratiques pour apprécier la condition des populations urbaines de l’Occident.
Parmi plusieurs centaines d’études que j’ai faites en Europe, j’ai choisi de préférence, pour composer l’Atlas, celles dont les éléments ont été réunis avec le concours de savants, de chefs d’industrie et de propriétaires habitant les localités que j’ai successivement parcourues; j’en ai tiré occasion de placer en tête des monographies de l’Atlas les noms des collaborateurs qui ont le plus contribué à l’achèvement de mon entreprise. J’ai trouvé, en outre, un concours empressé clans plusieurs personnes que je n’ai pu citer de cette manière: au premier rang de celles-ci je dois nommer M. le prince A. Demidoff, qui a bien voulu mettre à ma disposition les faits constatés dans ses propriétés de Russie et de Toscane; c’est également pour moi1111devoir de mentionner: pour la Suède, M.C.F. Woern, de Baldersnaes, et M. le baron P.A. Tamm, d’Osterby; pour la Russie, M. le général Tcheffkine, membre du Sénat, M. le prince Ouroussoff, gouverneur de Nijni-Novogorod, M. le colonel A. Péretz et M. le capitaine Vlangaly, du corps des ingénieurs des mines; pour les provinces polonaises, M. Puslowski; pour l’Allemagne du Nord, MM. les professeurs Mitscherlich et G. Rose, de Berlin, et M. de Dechen, président du conseil supérieur des mines de Bonn; pour l’Italie, M. Ubaldino Péruzzi, ancien gonfalonier de Florence; pour l’Angleterre, M.T. Twining, de la société des arts, et feu G. Porter, du bureau de commerce de Londres; pour la France, M.H. de Sénarmont, ingénieur en chef des mines, M. le comte de Bizy, M. le comte L. de Kergorlay, M. le docteur Ferrand de Missol et M.H. Maistre, de Villeneuvette. Je suis aussi très-redevable à mes anciens élèves, MM. P. Benoist d’Azy et A. Saglio, qui m’ont accompagné dans plusieurs voyages, et à M. Landsberg, qui m’a secondé dans la rédaction de l’Atlas. Enfin, parmi les personnes auxquelles je dois des documents précieux qui n’ont pu entrer dans le cadre de cet ouvrage, je citerai surtout: pour l’Algérie, M. Nestor Urbain; pour les deux Amériques, M. Sumner, de Boston, et M.P. Gia, ingénieur des mines à Cuba; pour l’Inde, M.A. de Closets, de Porto-Novo. Leurs études fourniraient les premiers matériaux de l’ouvrage plus complet et plus étendu (voir l’Appendice) qu’il serait facile d’exécuter aujourd’hui pour toutes les régions du globe.
Le plan que j’ai suivi est sommairement exposé dans la table des matières consignée ci-après; à la suite de cette table, le lecteur trouvera l’explication des signes fréquemment employés, entre parenthèses et a titre de renvois, dans les quatre subdivisions de l’ouvrage.