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INTRODUCTION.

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Table des matières

1.

Contraste existant, en Europe, dans la condition et dans les tendances des ouvriers de l’Orient et de l’Occident; problèmes à résoudre; réformes à accomplir.

Les deux régions extrêmes de l’Europe présentent aujourd’hui un spectacle bien différent: tandis que les populations du Nord et de l’Orient vivent, pour la plupart, satisfaites de leur sort, dans un état de quiétude qui frappe tous les observateurs, celles de l’Occident, poussées par la nécessité ou excitées par une sorte de vertige, ne cessent de s’agiter pour modifier leurs habitudes et leurs institutions. Les études que résume cet ouvrage ont donné occasion de constater ce fait, qui domine, sous plusieurs rapports, les questions sociales posées à notre époque: la situation comparée de ces populations se révèle surtout dans l’atlas, composé de 36monographies, offrant la description d’autant d’ouvriers agriculteurs ou industriels. Ces types, observés dans toutes les contrées de l’Europe, jettent quelque lumière sur le caractère propre des civilisations de cette partie du monde; ils fournissent, en particulier, des résultats précis sur l’état de bien-être relatif des diverses populations, et donnent ainsi l’explication du singulier contraste qu’on vient de signaler.

Le bien-être d’une famille appartenant à la classe ouvrière est fondé, dans tout état de civilisation, sur deux éléments essentiels: le travail, qui crée les moyens d’existence; la prévoyance, qui en règle l’emploi. Or l’amour du travail fait souvent défaut dans les sociétés peu avancées; la prévoyance y est plus rare encore. Chez les peuples mêmes que l’opinion générale et d’irrécusables symptômes placent a la tête de la civilisation (43) (voir l’avertissement), ces vertus ne sont développées dans les masses que d’une manière imparfaite. Les sociétés ne pourraient donc se conserver, si les institutions ou les mœurs ne suppléaient, dans la mesure commandée par l’imperfection des classes imprévoyantes, à l’insuffisance des individus. Ce besoin est tellement impérieux, les classes populaires tombent dans une situation si violente dès qu’il cesse d’être satisfait, que les moyens employés pour y pourvoir forment partout, à vrai dire, le trait le plus saillant de chaque organisation sociale. A cet égard, l’Europe offre encore, dans ses diverses subdivisions, trois régimes dominants (5) qui se sont produits successivement dans l’histoire des peuples les plus avancés, de même que l’enfance, la jeunesse et la virilité, se succèdent dans le cours des existences individuelles.

Le régime des engagements forcés, adopté pour les populations dont le sens moral est peu développé, celui qui exige de la classe supérieure et du Gouvernement le moindre effort d’intelligence, celui enfin qui, au point de vue pratique, peut être considéré comme le plus simple et le plus efficace, consiste à laisser peu d’ouverture au libre arbitre des ouvriers, et à rejeter sur les maîtres (5) la responsabilité de leur bien-être. Cet ordre de choses, décrit dans le présent ouvrage par plusieurs exemples remarquables, règne encore, avec une multitude de nuances, dans une moitié de l’Europe, particulièrement en Russie et dans les provinces slaves de la Turquie et de l’Europe centrale [monographies I à VI, VIII et IX]; d’une part, on y impose le travail à l’ouvrier, dans des conditions fixées par la loi et par la coutume; de l’autre, on soumet le patron à l’obligation de pourvoir en toute éventualité aux besoins de l’ouvrier et a ceux de sa famille, en attribuant à ce dernier une véritable hypothèque légale sur les produits du travail. Dans toute constitution fondée sur ce principe, et où l’ordre social est convenablement garanti, les obligations qui pèsent sur les deux classes de la société s’aggravent ou s’allégent dans des proportions qui se correspondent exactement. On prendrait, du reste, une idée fort inexacte des sociétés où règne le régime des engagements forcés, si l’on pensait que les populations, tout en jouissant de la sécurité et du bien-être qui en résultent, souffrent impatiemment l’état de dépendance qui leur est imposé. Partout où cet ordre social n’est point faussé par la décadence des mœurs, et où les patrons remplissent honorablement leurs obligations, les ouvriers montrent un attachement passionné pour les institutions et une insurmontable aversion pour le changement. L’aveugle obstination qui pousse les populations à conserver le régime établi s’étend même aux détails qui, en se modifiant, exerceraient sur leur bien-être l’influence la plus heureuse et la plus immédiate; elle est poussée a ce point, que l’autorité des patrons est souvent impuissante pour amener le moindre progrès dans les habitudes sociales et dans les procédés de travail.

Dans plusieurs contrées du Nord, dans le centre et dans l’occident de l’Europe, où l’amour du travail s’est développé dans les masses par une longue succession d’influences tutélaires, on a pu, sans compromettre le bien-être des familles, faire jouir les sociétés des avantages assurés par le régime des engagements volontaires permanents, qui implique un plus grand développement de liberté individuelle. Mais, chez aucune nation, la prévoyance et les qualités morales qui s’y rattachent ne sont encore ni assez éminentes, ni assez répandues, pour qu’on puisse se passer de certaines institutions protectrices favorisant la transition de l’état présent vers le régime de libre arbitre, dont les peuples paraissent incessamment se rapprocher. Ces institutions, fruit de l’expérience et de la nécessité, concilient, partout où elles fonctionnent convenablement, la liberté nécessaire aux individualités les plus distinguées, avec la protection dont ne sauraient se passer les classes placées, sous le rapport de la moralité, de l’intelligence et de l’énergie, a un niveau moins élevé. Peu connues pour la plupart, parce qu’elles reposent sur la tradition et les mœurs, plutôt que sur des lois écrites, ces institutions, dont la description se trouve également dans plusieurs monographies de l’atlas [VII, X a XVII, XX, XXI, XXVI, XXVII, etc.], sont dominantes, ou, du moins, fort répandues en Suède, dans l’Europe centrale et dans beaucoup de provinces du Midi et de l’Occident; elles peuvent encore être considérées comme le véritable fondement des sociétés européennes. Dans cet ordre social, les conditions qui assurent le bien-être et la sécurité des populations ne sont plus formellement imposées par la loi; mais les familles acceptent avec reconnaissance lordre légué par la tradition, et maintenu de génération en génération, conformément a la tendance générale des moeurs ou des lois, et surtout par la bienveillante sollicitude des propriétaires et des chefs d’industrie. Ce régime, où le patronage de la classe supérieure exerce presque toujours une influence prépondérante, donne, plus que le précédent, satisfaction aux nobles exigences de l’individualité humaine: il se prête mieux aussi a ce mouvement de progrès (5) qui est devenu, pour tous les membres de la société européenne, une préoccupation générale et presque une con dition d’existence. Les individus, en effet, n’étant plus liés absolument par lordre ancien, peuvent s’élever a une condition supérieure, lorsqu’ils sont doues de qualités éminentes. Cet. essor continuel des familles les plus distinguées initie, par la force de l’exemple, les populations au désir des perfectionnements: la constitution sociale réunit donc, dans une juste mesure, le respect de la tradition, qui assure le bien-être du plus grand nombre, avec l’esprit d’innovation, qui favorise le succès de la minorité d’élite. Le progrès social n’est plus exclusivement confié, comme dans le régime précédent, à l’initiative des classes dirigeantes; adoptant docilement l’impulsion générale qui leur est imprimée, mais cessant d’être passives, les classes populaires apportent elles-mêmes un large contingent aux tentativesdamélioration qui, désormais, préoccupent si vivement la société européenne.

Ce régime de tradition et de patronage, qui a succédé, pour la majeure partie des peuples européens, au régime des engagements forces, a ete modifie lui-même dans plusieurs États, et remplacé, sous l’empire d influences assez diverses, par le régime des engagements momentanés. La propagation des institutions démocratiques a parfois eu pour résultat d’amoindrir l’influence des classes supérieures, ou même de détruire les grandes situations sociales: il en est résulté, pour la classe la plus nombreuse, l’obligation de pourvoir elle-même, sous la responsabilité des chefs de famille, aux nécessités de son existence. Cette transformation a pu s’accomplir progressivement sans entraîner la décadence des nationalités, et même avec avantage pour le caractère moral des populations [VII (B), XIX (B), XX (A)], en Norwége, dans plusieurs cantons de la Suisse et dans plusieurs provinces de l’Espagne, chez des races offrant, pour ce régime, une aptitude spéciale: elle a surtout réussi dans les localités largement pourvues de biens communaux exploités dans le système de l’indivision, avec le concours de fortes institutions municipales [VII, XVIII a XXI]. En Angleterre, en France, en Belgique, dans le nord-ouest de l’Allemagne, les mêmes tendances politiques, combinées avec les modifications profondes introduites, sous l’influence d’inventions mémorables, dans la technologie industrielle, ont également rompu, dans beaucoup de provinces, les anciennes habitudes de patronage. Ce changement de régime, où le bien et le mal se manifestent simultanément, a entraîné des conséquences d’autant plus graves, qu’il a pris les sociétés au dépourvu, et s’est accompli, pour ainsi dire, sous les yeux de la génération actuelle. La circonstance la plus caractéristique de la nouvelle organisation sociale qui tend a se constituer, est l’avénement subit de grandes agglomérations d’ouvriers (29), établies à proximité des bassins houillers qui abondent dans cette région de l’Europe. Dans ces métropoles industrielles, le maître et l’ouvrier, devenus étrangers l’un a l’autre, se lient à peine par quelque contrat éphémère, et restent indépendants de toute obligation réciproque. Renonçant parfois aux bienfaits de la vie sédentaire, et aux conquêtes qui semblaient définitivement acquises à la civilisation, l’ouvrier cesse de s’attacher à l’atelier qui l’emploie, à la maison qu’il habite, au sol qui l’a vu naître: on le voit même, en certains cas, revenir aux habitudes des peuples placés au degré inférieur de l’échelle européenne [I, §1er]. Trop souvent ces nomades d’un nouveau genre tombent au-dessous de ces derniers, sous le rapport de la moralité et du bien-être, et les enquêtes officielles constatent que cette infériorité est accompagnée des circonstances les plus affligeantes pour l’humanité [XXII (A), XXIV (A)].

Ce nouvel ordre de choses semble envahir fatalement toutes les régions industrielles de l’Occident, en même temps qu’un progrès incontestable se manifeste dans toutes les branches de l’activité humaine: de nouveaux types, étrangers aux sociétés anciennes, se développent dans toutes les classes, témoignages vivants de ce double mouvement de progrès et de décadence; nonobstant les forces nouvelles qui surgissent de toutes parts, on voit une sorte d’ébranlement se communiquer de proche en proche à tous les éléments de l’ordre social. Ces symptômes opposés se manifestent surtout dans les États éprouvés par des commotions politiques: une multitude d’individualités éminentes y surgissent incessamment des rangs inférieurs de la société et portent la civilisation occidentale à une hauteur inconnue des âges précédents; mais, en même temps, les masses, abandonnées sans direction et sans assistance aux impulsions de leur libre arbitre et aux dangers de lisolement, s’agitent pour trouver la sécurité qui est leur premier besoin. Par un renversement complet des tendances propres aux autres régimes sociaux, ce sont les classes les moins éclairées qui montrent le plus d’ardeur pour les innovations. Mais ce besoin de changement est aussi aveugle que l’est, dans le régime opposé, lattachement aux anciens usages: trop souvent il met momentanément les masses a la disposition d’hommes mal intentionnés exploitant à leur profit les passions populaires; et c’est ainsi que plusieurs sociétés de l’Occident sont incessamment menacées d’une catastrophe qui mettrait à néant l’œuvre des siècles.

Dans les lieux où de telles misères se sont développées, où fermentent de tels éléments de dissolution sociale, les gouvernements ou les classes chargées de l’administration publique encourent une grave responsabilité. On conçoit que, pour remédier aux maux qui se sont produits, ils aient a faire des efforts qui ne sont nullement nécessaires au milieu de civilisations moins avancées. La nécessité des réformes que cet état de choses commande est vivement appréciée de tous les hommes éclairés: elle est désormais l’une de leurs principales préoccupations.

Les réformes que commande la situation actuelle des ouvriers doivent être basées sur la connaissance des faits qui les concernent.

Toutes les fois qu’une grande nécessité se fait sentir, des hommes surgissent en foule pour y donner satisfaction. Depuis longtemps déjà, et surtout a notre époque, il sest produit une multitude de systèmes généraux ayant pour objet l’amélioration du sort des classes souffrantes et la réorganisation de la société. Sans entrer ici dans l’examen de ces systèmes, il est irrécusable qu’aucun d’eux n’a obtenu, à un degré suffisant, la sanction de l’expérience. Les hommes voués a la pratique du gouvernement et ceux dont la haute autorité domine en quelque sorte l’opinion publique, s’accordent à penser, nonobstant la diversité de leurs tendances politiques et administratives, que les théories générales exposées jusqu’à ce moment sont incompatibles avec les faits, et ne sauraient être utilement appliquées. A la vérité, les écrivains voués à la propagation de ces théories en expliquent parfois l’insuccès par l’égoïsme des classes préposées au gouvernement des sociétés. Mais l’observation attentive de l’Europe dément cette accusation: il n’existe point de gouvernements ayant le désir, encore moins le pouvoir, de repous ser une amélioration qui serait réclamée par l’opinion publique. Ce qui manque au contraire, aux hommes d’État ayant à prendre l’initiative des réformes, c’est le concours de ces opinions unanimes déterminant sûrement la voie où les sociétés doivent s’avancer. Aujourd’hui, ainsi que cela a eu lieu dans le passé, l’ignorance et les préjugés sont les principaux obstacles au progrès. Mais, a notre époque aussi plus que jamais, l’humanité, obéissant à un irrésistible besoin d’améliorations, est prête à accepter toute vérité empreinte du cachet de l’évidence.

Si les sociétés de l’Occident ne peuvent guère s’appuyer sur des doctrines générales pour remédier aux désordres qui se sont produits dans leur sein, elles ne sont point cependant restées inactives: chaque jour on y adopte des réformes partielles dont l’utilité n’est point douteuse; et, à ce sujet, il importe de le constater, les tentatives les plus heureuses, et qui réunissent le mieux l’assentiment général, sont celles qui peuvent s’appuyer sur la pratique même des autres sociétés. Les succès déjà obtenus semblent donc déterminer le caractère de ceux qu’on doit attendre de l’avenir. Il est probable que la réforme continuera à se produire au moyen d’une suite de solutions spéciales indiquées par l’expérience, et qu’elle ne sortira pas d’un seul jet du cerveau d’un penseur. Pour atteindre le but, il faut donc entrer plus profondément et avec plus de méthode dans la voie de l’observation: sous ce rapport, la science sociale suivra, dans son développement progressif, les mêmes phases qu’ont parcourues l’astronomie, la physique, la chimie, l’histoire naturelle, et, en général, les connaissances fondées sur l’observation des faits.

Dans la première période de l’histoire de ces sciences, en effet, la description et le classement des phénomènes tenaient peu de place: ils étaient, d’ailleurs, subordonnés à quelque idée conçue a priori, à quelque théorie fondée sur un fait saillant, mais incomplétement observé. Dans la dernière période, aussi féconde que l’autre avait été stérile, la méthode contraire a été suivie. On s’est soustrait par degrés, autant que le comporte la faiblesse de l’esprit humain, au joug des idées préconçues; on a pris l’étude attentive des phénomènes pour base de leur appréciation; on n’a tenu ces phénomènes pour suffisamment connus que lorsqu’on a pu en donner le poids, la mesure ou l’image exacte; et c’est alors seulement qu’on a cru pouvoir en présenter la théorie. Sous l’empire de cette méthode, les forces les plus précieuses, celles qui s’emploient à la recherche de la vérité, ne s’épuisent plus dans des discussions sans fin; les controverses scientifiques, promptement ramenées a la vérification contradictoire de certains faits, sont désormais tranchées par la force même de l’évidence.

La science sociale, au contraire, est restée dans l’état d’impuissance qui a caractérisé la première période des sciences naturelles; elle se compose surtout de systèmes qui se révèlent, en général, par l’antagonisme mutuel de leurs auteurs; en sorte quil est vrai de dire que cette science a pour ennemis les plus ardents ses propres adeptes. Les débats concernant l’organisation du travail, de la propriété, des échanges, sont presque aussi épineux que l’étaient, pendant les derniers siècles, ceux qui concernaient la transmutation des métaux, la panacée universelle, le phlogistique, etc.; ils s’éteindront sans retour possible, comme ces classiques controverses, sous l’influence de la méthode expérimentale.

Ce rapprochement entre les principes qui doivent présider au progrès de la science sociale et des sciences physiques ne préjuge rien contre la différence profonde qui doit être maintenue dans lappréciation de faits essentiellement différents, il ne doit point non plus donner le change sur le caractère de la méthode qui doit être appliquée a lobservation des faits sociaux. Par leur nature même, ces faits sont places a la portée de l’observateur encore plus que ceux qui se rattachent a lensemble et aux détails du monde physique. Pour en acquérir une connaissance suffisante, il n est nullement nécessaire de recourir à des procédés d’une précision extrême, tels que ceux, par exemple, qui conviennent aux études de physique, de chimie et d’astronomie. Sans doute la convenance de rapprocher toujours les faits matériels de considérations appartenant à l’ordre moral donne lieu à quelques difficultés spéciales; mais cet obstacle est moins difficile à franchir que ne lont ete ceux dont l’esprit humain a triomphé dans d’autres genres de recherches.

Pour prévenir toute controverse sur les règles de morale et de justice d après lesquelles les faits seront appréciés, il convient d’écarter les considérations secondaires pour s attacher aux principes primordiaux adoptés par les nations civilisées. Ainsi, en ce qui concerne la constitution de l’industrie et la direction à donner au gouvernement des classes ouvrières, on ne se croira pas autorisé à trancher les questions conformément à des idées préconçues touchant la liberté des transactions, ta fixation des salaires, l’intervention de l’État, l’association des travailleurs, ou tout autre principe exclusif d’organisation sociale; mais on n’hésitera pas à constater que de deux systèmes sociaux mis en pratique dans des conditions analogues, le meilleur est celui qui garantit le mieux la moralité et le bien-être des familles, ainsi que l’affection mutuelle des maîtres et des ouvriers. Afin qu’aucun vague ne puisse subsister sur ces appréciations, on prendra pour mesure de la moralité et du bien-être certains faits dont l’importance est universellement reconnue. On affirmera, par exemple, qu’une famille est placée dans de bonnes conditions lorsque son chef, modéré dans ses goûts, juste et affectueux envers ceux qui dépendent de lui, trouve dans un travail régulier des moyens assurés de subsistance; lorsque la femme, fidèle à ses devoirs d’épouse et de mère, fait régner l’ordre et la propreté dans l’habitation et dans les vêtements; lorsque les enfants sont respectueux envers leurs parents; lorsque tous enfin accordent aux vieillards, aux infirmes et aux malades le respect, l’affection et les soins qui leur sont dus. Tout système nouveau d’organisation qui compromettrait la sécurité de la famille, ou qui tendrait à affaiblir ces vertus acquises, sera considéré comme défectueux, alors même que, sous d’autres rapports, il se montrerait conforme aux tendances générales de la civilisation.

Tels sont les principes suivis dans cet ouvrage pour constater la condition des ouvriers européens; telle est la règle morale d’après laquelle les faits ont été appréciés: il reste à indiquer les considérations qui ont déterminé le choix des procédés pratiques d’observation.

3.

Appréciation des deux procédés communément employés pour observer les faits sociaux: supériorité des enquêtes directes sur les recherches statistiques.

Les moyens d’investigation suivis, jusqu’à présent, par les gouvernements et parles particuliers qui ont étudié avec le plus de succès les questions sociales, se rattachent à deux principes différents et dont il est utile d’apprécier ici fa valeur.

Le premier moyen d’investigation, celui des statisticiens, a eu, jusqu’à ce jour, pour base principale, les documents numériques fournis par l’autorité publique touchant le système financier, la défense du pays, l’administration de la justice, etc. Il est employé surtout dans les États où la centralisation administrative a pris un grand développement, où le Gouvernement exerce, avec le concours de ses agents, des fonctions confiées ailleurs à des particuliers, et où, tout au moins, il intervient par sa surveillance dans les principales branches de l’activité nationale. Les résultats que le Gouvernement constate dans le cours de son action sont de véritables observations auxquelles leur origine officielle communique un cachet spécial d’authenticité. Les statisticiens se sont donné la mission de coordonner ceux de ces résultats qui peuvent s’exprimer en chiffres, et ils en ont déduit des moyens assez exacts de comparer, sous divers rapports, la puissance relative des États.

Cependant, ces comparaisons n’ont pas toujours la justesse et l’étendue désirables. Les statisticiens ne disposent pas des moyens d’observation, et ils doivent se contenter de ceux qui sont mis en oeuvre dans un but étranger à la science: ils ne peuvent donc embrasser les branches les plus essentielles de l’activité sociale, qui sont toujours confiées à l’initiative individuelle, même dans les États où l’action gouvernementale a le plus d’étendue. Les tentatives faites pour rattacher à la statistique les opérations de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, ont ordinairement échoué. C’est en vain qu’on a essayé de combler ces lacunes en faisant appel au bon vouloir des particuliers et des compagnies industrielles ou en chargeant les agents de l’autorité publique de recueillir directement les données qui ne sont point fournies par l’exercice de leurs fonctions officielles; ces recherches ont rarement conduit à des résultats dignes de confiance, soit parce que les agents employés manquaient de bonne volonté ou d’aptitude spéciale, soit parce qu’ils ne disposaient pas de l’autorité nécessaire pour triompher des difficultés qu’elles soulèvent.

Les statisticiens ont été moins heureux encore dans les études qui se rattachent plus spécialement à la nature intime de l’homme, à l’appréciation des conditions sociales, à la comparaison des qualités morales et intellectuelles, et, en général, aux éléments qu’il faut prendre en considération pour constater la situation des populations ouvrières. Les causes de cette impuissance sont évidentes: les résultats officiels concernant l’ensemble d’un pays font abstraction de toutes les considérations qui ne se rattachent qu’accessoirement au fait qui intéresse l’autorité publique; ils ne tiennent compte ni de la nature spéciale des individus, ni du caractère propre au milieu dans lequel ils vivent; les données officielles négligent donc les laits principaux que la science doit considérer quand elle veut arriver aux conclusions qui intéressent les existences individuelles ou les diverses catégories sociales. Ainsi, en comparant, pour deux pays d’égale population, les crimes et les délits constates par le relevé des jugements rendus par les tribunaux, on pourra être conduit a émettre, touchant la moralité relative des populations, des conclusions fort inexactes. Pour se convaincre des erreurs que comportent les appréciations de ce genre fondées sur une simple comparaison de chiffres, il suffira de constater, par l’observation directe, les inégalités existant entre les institutions et les moeurs des deux pays, en ce qui concerne l’efficacité des moyens de répression, la vénalité des juges, l’arrivée incessante d’hommes vicieux étrangers au pays, etc.

Assurément, des savants ingénieux, en élaborant les résultats fournis par la statistique, ont parfois surmonté les difficultés inhérentes à l’insuffisance ou au défaut de spécialité des observations officielles; ils ont heureusement complété, par des appréciations morales, par des distinctions tirées d’observations particulières, les conclusions fournies par le simple rapprochement des chiffres. Cependant, ces méthodes mixtes n’offrent plus la rigueur propre à la méthode pure: elles exigent, de celui qui les emploie, des qualités qui se trouvent rarement réunies, une grande rectitude de jugement, une impartialité complète, une connaissance approfondie du sujet. Lorsque ces qualités font défaut, l’emploi des méthodes mixtes peut conduire à des conséquences fort inexactes; on a souvent fait remarquer avec raison que l’art de grouper les chiffres permettait de démontrer avec un certain degré de vraisemblance toute conclusion établie a priori.

En résumé, la méthode des statisticiens n’est pas l’observation directe des faits; c’est la compilation et l’interprétation plus ou moins plausible de faits recueillis à des points de vue fort différents, étrangers pour la plupart à l’intérêt scientifique. Malgré leur généralité apparente et leur séduisante régularité, les documents statistiques ont médiocrement contribué au progrès de la science sociale. Les hommes d’État en ont parfois tiré un utile secours pour défendre une thèse déterminée, mais ceux qui ont l’expérience des affaires en ont rarement fait la base de leur politique et de leur administration.

Beaucoup de personnes pratiquent pour elles-mêmes, sur une échelle plus ou moins vaste, une seconde méthode d’investigation qui diffère, par plusieurs points essentiels, de celle des statisticiens. On ne s’y propose pas d’embrasser, dans un cadre général, toutes les questions sociales, on étudie chaque question séparément, en la circonscrivant autant que possible, afin de la traiter plus complétement, et de tirer des conclusions plus d’utilité pratique. Au lieu de considérer d’un point de vue unique, pour chaque question spéciale, l’ensemble d’un pays, on s’attache, autant que le comporte le sujet, à des cas particuliers ou à des localités spéciales, qu’on envisage sous tous les aspects. L’observation n’est plus confiée à une multitude d’agents chargés d’exécuter un acte matériel ou de constater un fait avec une rigueur méthodique, mais bien à quelques hommes spéciaux versés dans la connaissance du sujet, et qui ne séparent jamais le fait matériel des considérations morales qui en déterminent l’importance ou qui en fixent le caractère précis. Dans ce système, on n’est plus obligé d’arriver à la connaissance des faits spéciaux par des inductions plus ou moins éloignées; on les constate directement aux sources même de l’observation. Cette méthode directe est employée journellement avec succès pour la conduite des grandes opérations de commerce et d’industrie; elle est appliquée avec plus de succès encore dans quelques États à l’administration publique. En Angleterre, par exemple, lorsqu’il y a lieu d’introduire une modification dans l’administration générale du pays, dans les intérêts privés ou dans la condition de certaines classes de la société, le Parlement ordonne une enquête où lon constate l’état actuel des choses et le résultat probable de la mesure proposée. Les personnes chargées de conduire cette enquête sont toujours en petit nombre; elles sont désignées au choix du Gouvernement par une aptitude spéciale que des travaux antérieurs ont mise en lumière, et elles reçoivent, pour l’accomplissement de cette mission, des pouvoirs étendus. Elles ont le droit de citer devant elles tout sujet de la Grande-Bretagne dont elles espèrent recevoir des renseignements utiles; elles l’interrogent sous la foi du serment; elles peuvent le frapper d’une amende s’il ne se rend pas à leur citation ou s’il dissimule visiblement la vérité. Parmi les enquêtes de ce genre, les plus riches en informations utiles, on peut citer celles qui ont eu pour objet, depuis1830, les corporations municipales, et surtout les ouvriers employés dans l’agriculture, dans les mines et dans les manufactures. C’est à la suite de ces enquêtes qu’ont été modifiées les opinions économiques les plus enracinées; de cette époque aussi datent ces mémorables réformes [XXV (B)] dont la promulgation, en inaugurant une ère nouvelle, a vraisemblablement préservé ce pays des perturbations qui, depuis lors, ont frappé plusieurs États de l’Occident. Cette période des travaux parlementaires de la Grande-Bretagne a mis dans tout son jour l’utilité pratique que la science sociale peut tirer de la méthode directe d’observation. Le cadre des enquêtes parlementaires n’est pas, d’ailleurs, arrêté d’une manière absolue; l’expérience a prouvé qu’il y avait avantage à laisser, sous ce rapport, une grande latitude aux personnes chargées de les diriger, aussi bien qu’à celles qui ont à rendre compte des résultats de leur pratique et de leurs réflexions. On a pu souvent constater les avantages dus à cette élasticité du cadre des enquêtes; parfois, un résultat inattendu, indiqué par la déclaration spontanée d’une personne expérimentée, a imprimé tout à coup une direction nouvelle aux recherches, et exercé en définitive, sur les réformes projetées, une influence prépondérante. On pourrait désirer, cependant, que, sans rien perdre de leur liberté d’allures, les enquêtes anglaises fussent conduites avec plus d’ordre et de précision. Des améliorations introduites, sous ce rapport, n’enlèveraient rien à l’utilité spéciale de ces travaux, elles permettraient souvent d’en tirer, pour la science sociale, des conséquences plus fécondes.

Pour déterminer les améliorations que réclamé la situation actuelle des classes ouvrières, les hommes d’État et les économistes du continent ne peuvent mieux faire nue de suivre la voie ouverte par le Gouvernement assez heureux et assez sage pour avoir accompli, dans cette direction, et sans rien compromettre, les réformes les plus radicales; c’est, en effet, le système qu ont adopte de préférence les personnes qui, dans ces derniers temps, ont dirigé leurs études vers le même but. En France, par exemple, il a été appliqué avec succès, sous la haute direction de l’Académie des sciences morales et politiques, par d’habiles observateurs qui ont constaté personnellement tous les faits qu’ils ont décrits. L’impulsion donnée par l’Académie à ce genre d’études prouve qu’elle apprécie la supériorité de la méthode des enquêtes directes, nonobstant la juste importance que les formes gouvernementales donnent, en France, à la méthode des statisticiens.

4.

Utilité de l’étude comparée des ouvriers européens pour les reformes a accomplir dans l’Occident; exécution de cette étude; plan de l’ouvrage.

L’utilité de la méthode directe d’observation s’est, révélée avec des caractères frappants dans le cours des études qui ont été le point de départ du présent ouvrage; l’auteur, en effet, en a recueilli les premiers matériaux avant de penser que ceux-ci pussent devenir l’objet d’une publication spéciale (voir l’avertissement). Et cependant, il a suffi de comparer quelques données partielles, recueillies dans ce système, pour entrevoir la portée des conséquences quon pouvait déduire d’études plus complètes. Son attention commença surtout à se diriger vers cette partie accessoire de ses travaux, lorsqu’il eut constaté les différences considérables qui existent entre les ouvriers métallurgistes de la France et de l’Angleterre, et ceux qu’il avait eu occasion d’observer dans les usines du Nord et de l’Orient.

Dans la zone manufacturière de l’Occident, qui, nonobstant sa faible étendue, exerce sur le reste du monde une influence si considérable, le temps des ouvriers est ordinairement consacré à un seul genre de travail: l’existence des familles y repose presque exclusivement sur le salaire, c’est-à-dire sur une rétribution proportionnelle au travail accompli par l’ouvrier. Sauf quelques anomalies accidentelles, les occupations, les recettes et les dépenses, restent invariables à toutes les époques de l’année; en sorte que la situation d’une famille a pu souvent être résumée par l’établissement d’un budget hebdomadaire. Il en est autrement dans le reste de l’Europe, et même dans les districts agricoles intercalés au milieu des districts manufacturiers. Indépendamment du salaire proprement dit, les ouvriers y reçoivent ordinairement des usufruits de propriétés immobilières, des droits d’usage sur les propriétés contiguës à leurs habitations, enfin une multitude de services, de denrées et d’objets de consommation. Ces allocations en nature offrent une diversité infinie, selon les lieux, les temps, les professions et les conditions sociales; elles n’ont pas seulement pour objet de rétribuer l’ouvrier en proportion du travail accompli; elles tendent aussi à lui assurer en toute éventualité, des moyens de subsistance proportionnels aux besoins de la famille. Ces modes de rétribution jettent une extrême variété dans les recettes et les dépenses de chaque famille; ils fournissent, en outre, à tous ses membres, l’occasion d’exercer une multitude d’industries accessoires, dont les produits, venant se joindre à ceux du travail principal, contribuent encore à introduire de la complication dans le budget domestique. C’est ainsi qu’il existe peu de familles qui ne cumulent avec l’occupation spéciale de leurs chefs quelques-unes de celles que fournissent les cultures propres à la localité; l’exploitation des animaux domestiques; la fabrication des tissus dans l’intérieur du ménage; la chasse, la pêche, la cueillette des fruits et des plantes sauvages; les récoltes de combustibles, les spéculations qui se rattachent aux travaux mêmes de la famille et à diverses entreprises de commerce et de transport, etc. D’un autre côté, les institutions et les moeurs concourent souvent à assurer aux ouvriers la possession des instruments de travail qu’ils emploient, soit pour leur profession spéciale, soit pour leurs occupations accessoires. Dans ce cas, ils joignent, aux diverses ressources qu’on vient d’indiquer, des recettes ayant plus ou moins le caractère des revenus que les classes aisées de la société tirent de leurs capitaux ou de leurs propriétés immobilières. L’ouvrier européen, dans l’état actuel de la civilisation, n’est donc point, tant s’en faut, un simple salarié (5): presque toujours il participe, en outre, de la condition de propriétaire et de chef d’industrie. Ce caractère complexe jette dans son existence une variété que ne soupçonnent guère les personnes qui ont entrepris seulement quelques observations sommaires sur la zone manufacturière de l’Occident.

Cette complication et cette variété ne se révèlent pas, d’ailleurs, tout d’abord à l’observateur: pour constater les nuances décrites dans les monographies qui constituent cet ouvrage, l’auteur a dû se mettre en contact intime avec les populations qu’il avait à étudier. Par un séjour prolongé dans l’habitation des familles, objet spécial de ces descriptions, il s’est initié peu à peu à la connaissance de leur langage, de leurs habitudes, de leurs besoins, de leurs sentiments, de leurs passions et de leurs préjugés. Il s’est mis en garde contre les déclarations inexactes ou intéressées; il s’est surtout appliqué à vaincre l’hésitation on la répugnance que les gens opposent souvent à des investigations dont ils ne comprennent pas d’abord le but et la portée. Il s’est astreint, en un mot, à pour suivre l’étude de chaque type aussi longtemps que les résultats, n’étant point suffisamment contrôlés l’un par l’autre, ne lui offraient pas toutes les garanties désirables d’exactitude.

Il n’y a pas seulement un intérêt cle science ou de curiosité à étudier comparativement la condition des ouvriers européens; les hommes d’État trouveront dans ces recherches de solides points d’appui pour résoudre les questions signalées au début de cette introduction, et surtout pour accomplir les réformes que commande la situation actuelle de plusieurs catégories d’ouvriers occidentaux. L’auteur espère que la démonstration de cette vérité résultera des faits exposés dans cet ouvrage: les développements de ce genre qui peuvent entrer dans le cadre de cette introduction se réduisent à un petit nombre de considérations.

Les ouvriers du Nord, de l’Orient et du Centre, vivent, à beaucoup d’égards dans la même condition où se trouvaient, il y a peu de temps encore, ceux des régions envahies aujourd’hui par le régime manufacturier. Lne étude générale de l’Europe est donc utile, même aux personnes qui ne se préoccupent que de l’Occident, ne fût-ce que pour les éclairer sur les traditions qu’il est souvent indispensable de connaître pour faire une appréciation exacte du temps actuel. Ces sortes d’investigations offrent un caractère spécial d’opportunité en France, où des révolutions politiques et sociales ont brusquement modifié l’esprit des temps passés; où les écrivains les plus goûtés du public, en se vouant à la défense du nouvel ordre social, ont été naturellement conduits à méconnaître les avantages, que présentait, au milieu de beaucoup d’abus, l’ancien régime économique. Personne ne saurait craindre aujourd’hui le retour de ces abus: le moment semble donc venu de jeter sur le passé un regard plus impartial. Or, pour remonter à la connaissance de ce passé, il n’est pas nécessaire d’attendre l’avénement d’un de ces historiens qui, par un privilége du génie, ont le pouvoir de faire revivre en quelque sorte pour leurs lecteurs l’esprit des générations éteintes; il suffit souvent d’observer les faits qui se montrent encore à nos yeux. Dans l’ordre économique, en effet, beaucoup d’institutions anciennes se sont conservées çà et là sur notre sol [XXVI (A), XXXI (B), etc.]. Nous pouvons donc, remonter par l’observation à l’intelligence de faits que l’ignorance ou les préjugés nous font voir aujourd’hui sous un jour inexact. On peut trouver, d’ailleurs, des enseignements non moins précieux dans les organisations analogues qui subsistent encore, à titre d’institutions dominantes, dans les États du Nord et de l’Orient.

En ce qui concerne spécialement la condition des populations ouvrières, il semble que, pour revenir à l’intelligence du passé, et pour apprécier d’un point de vue élevé la situation actuelle de l’Occident, on ne peut mieux faire que d’étudier l’état présent des choses dans les contrées où les procédés de l’agriculture et de l’industrie, l’organisation du travail et les rapports mutuels des diverses classes de la société, sont restés, jusqu’à ce jour, sur les mêmes bases où ils se trouvaient, en France, dans le cours des derniers siècles. Les observations de ce genre, dont le résumé est offert dans les quatorze premières monographies de l’atlas, concernant la Russie, les États Scandinaves, la Turquie, la Hongrie et les autres Etats de l’Europe centrale, offrent, sous ce rapport, un premier faisceau d’indications utiles; elles démontrent que, si les institutions anciennes se prêtaient moins que celles qui ont été récemment établies dans l’Occident à l’essor de lindustrie et a l’élévation rapide des individualités éminentes, elles offraient, en revanche, a toutes les classes de la société une sécurité dont le défaut se fait cruellement sentir aujourdhui, surtout aux individualités inférieures et aux classes imprévoyantes. La comparaison méthodique de deux régimes spécialement organisés, l’un pour la stabilité, l’autre pour le progrès, sera féconde en enseignements; elle permettra souvent de trouver dans les indications de l’expérience les moyens de concilier deux besoins sociaux également impérieux.

En choisissant parmi les observations qu’il a faites par centaines dans le cours de ses nombreux voyages, les36types d’ouvriers dont la description forme l’objet spécial de cet ouvrage, lauteur s’est préoccupé des considérations qui viennent d’être exposées. Il ose espérer que l’étude de ces monographies sera utile à le solution des questions générales que soulève l’amélioration du sort des classes ouvrières; il pense surtout que cette étude indiquera suffisamment la méthode d’observation qu’il faut suivre pour recueillir, en vue de chaque question spéciale, de plus amples informations. Au lieu de procéder par l’une de ces théories générales dont on a tant abusé en fait d’études sociales, il s’est appliqué à mettre sous les yeux du lecteur les faits qu’il a recueillis, en laissant à chacun le soin d’en tirer les conclusions.

Cependant, l’auteur a dû considérer que plusieurs lecteurs éprouveront le désir de voir coordonner les considérations générales qui se rattachent à ces travaux. En conséquence, il a jugé utile de joindre à l’atlas, partie essentielle de l’ouvrage, le livre Ier qui comprend l’exposé de la méthode employée pour l’observation, et le résumé final ou se trouvent indiquées les principales conclusions à déduire de l’ensemble des faits observés.

Les Ouvriers Européens

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