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En matière économique tout d’abord …

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Le Conseil fédéral se vit attribuer, en parallèle à la nomination d’Ulrich Wille à la tête de l’armée, les pleins pouvoirs afin de prendre les dispositions nécessaires pour garantir le maintien de la neutralité. Il allait ainsi prendre immédiatement en mains la conduite économique du pays, en réduisant considérablement la liberté du commerce et de l’industrie, et en produisant près d’un millier d’ordonnances entre 1914 et 1919 tout en publiant régulièrement un Rapport de neutralité ou Rapport des pleins pouvoirs afin d’expliquer les mesures prises.

On sait que ces ordonnances furent respectées en partie seulement. Pierre Luciri insistait ainsi en 19761 sur ce fossé entre les normes que le Gouvernement fédéral avait cru devoir édicter et les transactions qu’il tolérait ou que certains de ses organes encourageaient. L’historien lausannois, en d’autres termes, mettait en lumière une neutralité idéale à laquelle est attachée une valeur morale, et une neutralité appliquée aux évolutions du conflit et de la diplomatie. Une distinction entre théorie et Realpolitik, une tranchée philosophique constituant la ligne de front d’un débat qui ne devait plus cesser au cours du siècle et que la Seconde Guerre mondiale allait renouveler jusqu’à l’après Rapport Bergier!

On sait également, depuis les travaux de Jean-Claude Favez, que la diplomatie suisse est tributaire de la collaboration du tissu économique helvétique, dépendant de la convergence des intérêts privés.2 Ces derniers ont fait l’objet de publications notamment de la part de Sébastien Guex3 et Malik Mazbouri,4 lequel faisait remarquer, dans son article sur la place financière de la Suisse au cours de la Première Guerre mondiale,5 le rôle joué par les crédits officiels ou semi-officiels accordés par la Suisse aux belligérants. Crédits accordés au printemps et à l’automne 1916, de 100 millions, tant à la France qu’à l’Allemagne sur demande expresse du Conseil fédéral en lien avec la politique des compensations, en échange d’autorisations d’exportations.

À la suite de Peter Dürrenmatt,6 il nous faut remarquer que le pays, au travers de la première émanation de la Treuhandstelle crée en juin 1915, et de la Société suisse de surveillance économique, constituée en octobre 1915, allait devoir accepter un contrôle des belligérants, faisant ainsi un nouvel apprentissage de la neutralité. Un apprentissage donnant aux relations interpersonnelles une importance remarquable.

Au-delà du recours traditionnel à la mécanique diplomatique voyant en février 1915 le ministre de Suisse à Rome, von Planta, adresser un rapport au chef du département Hoffmann signalant que les ambassadeurs de France et d’Allemagne donnaient des assurances sur le respect de la neutralité suisse, le Conseil fédéral allait développer une politique de l’antichambre misant sur des réseaux opérant en coulisse. Il plaçait ainsi l’industriel Ernst Schmidheiny, dont les réseaux autrichiens étaient influents, à la tête de la Treuhandstelle, et Johann Hirter, membre du conseil d’administration des Chemins de fer fédéraux suisses depuis 1900 – dont l’électrification était projetée de longue date par Walther Rathenau, le grand patron de l’Allgemeine Elektrizitäts Gesellschaft, par ailleurs commissaire à l’approvisionnement de guerre du Reich – à la tête de la Société suisse de surveillance économique en 1915.7 Autant Ernst Schmidheiny que Johann Hirter, impliqué dans l’importation de charbon de la Sarre et fin connaisseur du monde économique germanique, constituaient ainsi des choix stratégiques évidents pour l’encadrement des organes de surveillance imposés par les belligérants, permettant de temporiser le partenaire allemand.

Nous pourrions bien évidemment multiplier les exemples, mais il conviendrait également de rappeler que nombre d’entreprises suisses, contrairement à ce qui a pu être dit, ne nourrissaient pas de germanophilie particulière mais étaient tout simplement devenues allemandes grâce aux rachats d’actions opérés par des sociétés germaniques détenant au fil du temps des actionnariats majoritaires. Une réalité pour des banques comme la Schweizerische Kreditanstalt de Zurich, la Motor A. G. de Baden ou encore la Banque de Crédit d’Argovie, mais également pour des industries lourdes.8 L’historien André Soulange-Bodin remarquait déjà en 1918 que Walther Rathenau siégeait dans le conseil d’administration de Brown-Boveri.9 La stricte observance de la neutralité aurait dû entraîner une censure à l’égard de ces entreprises, mais le Conseil fédéral opta pour une raisonnable tolérance afin de ne pas nuire à ses relations avec l’Allemagne et conserver la vitalité économique de ces sociétés; un substrat économique germano-helvétique important, représentant une interface efficace pour le maintien des équilibres commerciaux, et en fin de compte des équilibres diplomatiques.

Cette tolérance allait être appliquée également à l’égard d’entreprises œuvrant pour l’effort de guerre français, comme Hispano-Suiza ou celle de Jules Bloch, le munitionnaire neuchâtelois qui affréta pendant toute la durée du conflit des convois remplis de fusées d’obus à destination de la France grâce au accords commerciaux que l’industriel avait passé avec Albert Thomas, le ministre de l’armement français.10 Une marge consentie par la Suisse, mais qui n’échappa pas aux pays belligérants et notamment à l’Entente qui allaient faire mettre certaines entreprises helvétiques sur listes noires, des entreprises comme Brown-Boveri, suspectée de construire des éléments de torpilles pour la marine allemande, et dont une cargaison de cuivre avait été bloquée par les Britanniques en 1915. Une souplesse politique restreinte par l’étau entre lequel la Suisse était enserrée, que le Conseil fédéral dut accepter afin de laisser Helvetia inscrite sur les carnets de bal de ses partenaires européens. Mais une limitation à une stricte neutralité moins évidente dans les rangs de l’armée comme en témoigne le rôle du Commissariat des guerres suisse, responsable de l’intendance de l’armée, lequel n’hésita pas à prêter son nom pour couvrir des importations de marchandises pour des sociétés proscrites telles Brown-Boveri.11

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