Читать книгу Am Rande des Sturms: Das Schweizer Militär im Ersten Weltkrieg / En marche de la tempête : les forces armées suisse pendant la Première Guerre mondiale - Группа авторов - Страница 15
Une neutralité effective
ОглавлениеOn peut admettre une évolution de la politique de neutralité de la Suisse au cours du conflit, qui passe d’une neutralité ouverte en 1914/15, sujette à des prises de position paradoxales en raison de sa politique de conciliation, des affinités germaniques régnant sous la coupole fédérale, et des limites de compétences mal définies entre les autorités civiles et militaires, à une neutralité contrainte au cours de l’année 1915 entraînant la lente mise sur pied d’une stratégie de neutralité effective. Celle-ci allait faire l’objet d’une démonstration spectaculaire, véritable coup marketing, avec le développement de l’aide aux militaires blessés internés en Suisse. Des accords humanitaires avaient déjà prévus le transport des blessés à travers la Suisse sous l’égide de la Croix Rouge au début du conflit. Mais l’arrivée des premiers convois de soldats blessés venant se soigner en Suisse le 26 janvier 1916 allait indéniablement consolider non seulement l’image de neutralité du pays, mais également sa neutralité effective, ce que le troisième rapport du colonel Hauser, le médecin-chef de l’armée suisse, en charge des internements pendant la guerre indique clairement: « l’internement constitue une sérieuse garantie de notre neutralité ».24 Si ce rôle humanitaire de la Suisse dans le maintien de sa posture diplomatique a déjà été relevé à différentes reprises, notamment par Antoine Fleury,25 il convient de mettre en lumière les liens individuels et officieux qui jouèrent une fonction éminemment importante. Le colonel Hauser présidait ainsi un comité d’internement nommé par le Conseil fédéral qui en avait choisi les membres non seulement en raison de leurs aptitudes, mais également en fonction de leur implication dans le monde hôtelier et de leur affiliation politique. Le docteur Tondury de Coire, le directeur Mader de l’hôtel saint-gallois Walhalla-Terminus, le directeur Hafen du Grand Hôtel de Baden, le directeur Spillmann de l’hôtel du lac de Lucerne, M. Hartmann de l’association des hôteliers d’Interlaken, le docteur Seiler de Brigue, Charles-Frédéric Butticaz, propriétaire de l’ancienne pension Victoria et de l’Alexandra Grand Hôtel à Lausanne et président de la Société des hôteliers de Lausanne-Ouchy, M. Delachaux de Neuchâtel, le directeur Lombardi de l’hôtel éponyme à Airolo, et le secrétaire de l’association suisse des hôteliers, M. Stiegeler, composaient ce comité.26 L’on sait par ailleurs la place qu’occupa Gustave Ador au sein de la Croix Rouge et son action en faveur des internés puis sa nomination au Conseil fédéral en remplacement d’Arthur Hoffmann qui avait démissionné après sa désastreuse affaire russe. Et il semble paradoxal de penser que celle-ci, si elle avait largement remis en question la neutralité du pays, allait générer une évolution décisive du positionnement diplomatique helvétique. La Suisse devait en l’occurrence transformer une affaire catastrophique pour son image de marque en mettant en place dans le Conseil fédéral le Romand Gustave Ador, la cheville ouvrière des accords humanitaires de 1915 et 1916, un homme oint d’une aura politiquement correcte à l’étranger, et jugé providentiel en Suisse. Le naufrage de la neutralité suisse, pour reprendre les mots de François Bugnion, allait donc déboucher sur sa restauration,27 mais également sur l’expression physique d’une diplomatie de neutralité devenue active ne laissant plus de champs aux initiatives intempestives pouvant éclater tant au niveau de l’armée que des départements fédéraux. On allait en effet mettre en place une délégation du Conseil fédéral aux affaires étrangères composée de trois membres chargés d’épauler le chef du département politique fédéral, de manière à garantir le strict respect de la neutralité. Deux ans plus tard, le 28 avril 1919, la Suisse et Genève étaient choisis comme siège de la SDN, en raison du rayonnement international de la cité et de la neutralité helvétique, preuve que celle-ci avait été préservée au-delà des attentes que l’on aurait pu nourrir en 1917.
Favorable à l’Entente: Le Conseiller fédéral Gustave Ador après son élection en 1917 accompagné d’une escorte militaire (Image: Keystone).