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VIII. — LA CAMPAGNE D’ITALIE.

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Table des matières

«Soldats! vous êtes mal nourris, mal vêtus. Le gouvernement vous doit beaucoup et ne peut rien pour vous. Votre patience, votre courage vous honorent, mais ne vous procurent ni avantages ni gloire. Je vais vous conduire dans les plus fertiles plaines. Vous y trouverez de grandes villes, de riches provinces; vous y trouverez honneurs, gloire et richesses. Soldats d’Italie, manquerez-vous de courage?»

Paroles du général Bonaparte.

Bonaparte à Nice fut reçu par le général Schérer, homme loyal qu’une santé délabrée condamnait au repos. Il donna, avec la plus grande bienveillance, à son jeune successeur tous les renseignements qu’il possédait sur la situation de l’Italie, et il lui présenta tous ses généraux: Masséna, Augereau, Kilmaine, Sérurier, Laharpe, qui, beaucoup plus âgés, furent surpris et quelque peu consternés de se voir sous les ordres d’un si jeune homme. Ils ne devaient pas tardera passer de l’étonnement à l’admiration.

Bonaparte n’avait, pour entrer en campagne contre un ennemi puissant, que trente mille hommes qui manquaient de tout, mais qui étaient français. Le jeune général qui allait les conduire préparait activement l’organisation de ce personnel dénué ; il complétait du mieux qu’on le pouvait son matériel. Durant ces apprêts, on cite plusieurs petits traits singuliers qui eussent embarrassé de vieux guerriers; nous n’en rappellerons qu’un.

Le lendemain du jour où Bonaparte avait pris possession de son commandement, un brave grenadier, dont les vêtements étaient comme ceux de ses camarades tout à fait en guenilles, entre chez le général et lui expose son état de dénûment. Le général savait que le commissaire ordonnateur n’avait ni étoffe ni argent pour en acheter; cependant il se tourne vers l’officier et lui dit: «La plainte de ce soldat est très-juste; donnez donc des ordres pour qu’on l’habille.»

Puis il ajouta: «Une chose pourtant me contrarie: c’est que ce brave grenadier, quand il sera habillé de neuf, on le prendra pour une recrue.

— En ce cas, s’écria vivement le grenadier, je ne veux plus être habillé avant les autres.»

Nous devons rapporter un autre fait d’un genre différent. Comme le jeune général organisait son armée et se préparait à marcher, quatre jésuites, alors proscrits, se présentèrent devant lui, sachant qu’il était catholique sincère. C’étaient le Père de Hasque, du pays de Liège, le Père Wolff, Alsacien, et deux autres, d’autres provinces; le Père de Hasque lui dit: «Général, nous sommes quatre prêtres de la compagnie de Jésus, chassés de partout, car partout encore on traque les religieux. Mais nous savons soigner les malades, panser les blessés, consoler les mourants. Voulez-vous nous permettre de suivre votre armée?

— Venez, mes Pères, répondit le général; nous aurons besoin de vos services.»

Et il les fit inscrire, avec le traitement des officiers, dans son état-major . L’armée comprend le prêtre; beaucoup de ces soldats de l’Église ont été sauvés par les soldats de la patrie. Le général comte de Préval, qui est mort depuis peu, avait dans les guerres de la République un prêtre pour secrétaire, et nous pourrions citer bien d’autres exemples. La sœur Marthe, et quatre autres religieuses avec elle, ont pareillement trouvé leur sécurité sous les drapeaux.

Nous ne pouvons donner ici dans ses détails l’historique de la première campagne d’Italie, illustrée de tant de prodiges; on y voit souvent deux victoires en un jour, et les traités ne sont pas moins surprenants. Mais nous suivrons la marche du jeune général.

Le 5 avril 1796, entré dans le territoire ennemi, il fit une reconnaissance militaire vers Cairo; le 9 et le 10 furent signalés par les rencontres de Voltri et de Montelesino. Le 11 avril, bataille de Montenotte, première victoire du général Bonaparte, gagnée sur les Autrichiens, que commandait le maréchal Beaulieu. Le 14 avril, victoire de Millesimo, sur les Autrichiens et les Piémontais. 16 et 17 avril, combats de Dégo et de Saint-Jean, et prise du camp retranché de Céva. Le 22 avril, prise de Mondovi, où le général Beaulieu est de nouveau défait. Le 25 avril, prise de Cherasco. Le 28 avril, Bonaparte accorde un armistice au roi de Sardaigne, qui lui remet Coni, Alexandrie et Tortone.

Alors, moins d’un mois après l’entrée en campagne, tous les soldats étaient habillés de neuf, et l’armée ne manquait de rien. C’est dans ces circonstances, qui sembleraient légendaires si trois ou quatre siècles seulement en éloignaient le souvenir, que les soldats français émerveillés décernèrent des galons à leur général chéri, qu’ils appelèrent fréquemment depuis: le Petit Caporal.

Le 6 mai, le général Bonaparte demande au Directoire une commission d’artistes pour recueillir les monuments des arts qui étaient sa conquête. Le 7, l’armée française passe le Pô à Plaisance et prend Fombio et Casale. Le 9, il accorde un armistice au duc de Parme.

L’admiration que le général Bonaparte excitait le faisait regarder, surtout à cause de sa jeunesse, comme un phénomène. L’envoyé du duc de Parme lui demanda: «Quel âge avez-vous donc, seigneur général?» Bonaparte, qui aimait déjà les calembours, lui répondit: «Dans huit jours, j’aurai Milan....»

Le 10 mai, bataille et passage du pont de Lodi, défendu ar l’armée autrichienne tout entière; Beaulieu en pleine déroute. Le 11 mai, prise de Pizzighettone et de Crémone. Le 15 mai, entrée triomphale du général Bonaparte à Milan.

Le 17 mai, occupation de Pavie et de Côme. Le 19, prise de magasins immenses. Le 29, prise de Borghetto et passage du Mincio; le 30, prise de Valeggio.

Le 1er juin, prise de la forteresse de Peschiéra; le 3, prise de Vérone; le 4, investissement de Mantoue; enlèvement à la baïonnette du faubourg Saint-Georges et de la tête du pont. Le 15, le général Bonaparte accorde un armistice au roi de Naples. Le 18, entrée dans Reggio et dans Modène; le 19, prise de Bologne. Un incident remarquable a signalé en ce jour l’entrée du général Bonaparte à Bologne.

Lorsque les troupes françaises pénétraient déjà dans cette ville, une dame, qui avait recueilli chez elle un prêtre français émigré, le pressait, dans son épouvante, de s’éloigner au plus vite; car, à cause des terribles lois de la Convention, elle le croyait en grand danger. L’ecclésiastique, comprenant son effroi, sort désolé et ne sachant où porter ses pas; las de sa vie errante, il va se présenter devant le jeune général qui commandait l’armée républicaine.

«Général, lui dit-il, je viens vous demander une grâce.

— Quelle grâce, monsieur?

— Puisque je dois mourir, de me faire fusiller à la tête de votre armée.

— Qui vous a condamné ?

— Général, je suis Français et prêtre réfugié. Je ne vis ici que par la générosité d’une dame qui, à l’approche des troupes françaises, n’a pas cru pouvoir me garder plus longtemps. Je n’ai donc qu’a mourir, et je me soumets.

— Retournez chez votre bienfaitrice, monsieur, répondit le jeune général; priez-la de ma part de continuer à être votre sauvegarde, en ajoutant, de ma part aussi, que vous serez désormais la sienne.»

Et il envoya une sentinelle à la porte de la bonne dame.

On a cité plusieurs actes de ce genre du général commandant en chef l’armée d’Italie.

Après la prise de Bologne, la reddition du fort d’Urbino et l’occupation de Ferrare, le général reprit le cours de ses victoires, avec une rapidité dont l’histoire n’offre pas d’exemple.

Pendant cette conflagration de l’Italie, que se disputent l’Autriche et la France, les États du Pape avaient dû lever une petite armée. C’était Pie VI qui siégeait alors sur la chaire de saint Pierre. Bonaparte, le 23 juin, lui envoya un armistice.

Le 27 juin il entra dans Livourne. Le 28, un de ses détachements enlève aux Autrichiens la citadelle d’Ancône. Le 3 juillet, combat de Borghetto. Le 7, combat de la Bochetta di Campion, soumission de Lugo, dans la légation de Ferrare. Le 18, combat de Migliaretto et attaque du camp des Autrichiens sous Mantoue. Le 20, première sommation faite à Mantoue; ouverture de la tranchée et siège régulier; le 29, combat de Salo.

Le général Bonaparte apprend qu’une armée, commandée par Wurmser, est en marche pour lui faire lever le siège de Mantoue; il se porte à sa rencontre. Le 30, combats qui durent huit jours, à Lonato, à Roverbella, à Brescia, à Montechiaro, à Bozolo, à Ponte San-Marco, à Desenzano, à Gavardo, à la Chiesa. Le 5 août est signalé par la grande victoire de Castiglione, où le général Augereau fit des prodiges de valeur. Après cette journée, les soldats décernent au général Bonaparte, qui en cinq jours avait remporté six victoires, le grade de sergent.

Le 6 août, bataille de Peschiéra; le 7, passage du Mincio, reprise de Vérone, dont les portes sont enfoncées à coups de canon. L’armée de Wurmser est en déroute, ayant perdu six mille hommes tués ou blessés, douze mille prisonniers, soixante-dix canons, tous ses caissons d’infanterie et cinq drapeaux.

Le 11 août, combats de la Corona et de Montebaldo, prise de ces deux postes et de Préabolo. Le 19, combats de Trente et retraite du général Wurmser, après avoir brûlé sa marine sur le lac de Garda, dans l’État de Venise. Le 24, combat et prise de Borgoforte et de Governolo. Le 2 septembre, passage de l’Adige, au pont de Golo; le 3, combat de Serravalle; le 4, bataille de Roveredo; le 5, prise de Trente; le 7, prise du camp retranché de Primolano et du fort de Covolo. Le 8, combat de la Brenta et bataille de Bassano, où le général Oudinot se couvrit de gloire et mit l’ennemi en déroute. Le 9, entrée des Français dans Padoue et dans Vicence. Le 11, combat de Castellaro; le 12, combat de Cerca; le 13, prise de Legnago. Wurmser accablé se jette dans Mantoue comme dans un refuge. Le siège continue activement.

Le 8 octobre, Bonaparte reprend la ville de Modène. On lui annonce quelques jours après que l’île de Corse est occupée par les Anglais. Il y envoie, le 19, une division française commandée par le général Gentily; le 22, les Anglais sont chassés, et l’île de Corse reste partie intégrante de la France.

Le 27 octobre, prise de Bergame.

Le 2 novembre, prise de Saint-Michel, dans le Trentin.

Le 6, victoire sur la Brenta. Le 11, combat de Caldiero.

Les 15, 16 et 17, bataille d’Arcole.

Dans la nuit du 15 au 16, Bonaparte, qui, comme on sait, dormait peu et dormait vite, parcourait seul le champ de bataille; veillant à tout, il aperçoit une sentinelle endormie; il lui enlève doucement et sans l’éveiller son fusil, reste en faction à sa place et attend patiemment qu’on vienne la relever. Le soldat s’éveille au bruit; dans un trouble qu’on peut s’imaginer, il reconnaît le général en chef dans l’attitude de factionnaire. Il s’écrie: «Mon général! je suis perdu!...

— Rassure-toi, répond le héros. Je sais que tu t’es bien battu, et après les fatigues de cette première journée, il est pardonnable à un brave comme toi de succomber un peu; mais pourtant, une autre fois, choisis mieux ton temps.»

Pour résultat de ces vaillantes journées, une troisième armée autrichienne, commandée par le général Alvinzy, est mise à son tour en déroute complète. Le 18, Bonaparte établit, avec le sénat de Bologne, la république cisalpine. Le 21, combats à Campona, Rivoli, Corona et Dolce.

Si ces faits (et nous en omettons), qui n’ont pas occupé neuf mois, avaient eu lieu aux temps anciens, on y verrait un roman. Et c’est un procès-verbal historique.

Passons à l’année qui a suivi.

La vie et les légendes intimes des deux empereurs, Napoléon Ier et Napoléon II

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