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XVI. — MARENGO.

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Jeune encor, l’ITALIQUE avait conquis la paix.

Nous étions moins nombreux, quand sa foudre imprévue,

Du mont de Jupiter avec nous descendue,

Vengea, dans un seul jour, sa gloire et les Français.

P. F. TISSOT.

Nous aurions peine à suivre l’armée de réserve, que les Autrichiens et les Anglais croyaient une fable, que Mélas appelait des soldats de carton; et il les appelait ainsi dans une lettre qu’il écrivait à Vienne, la veille du jour où cette armée tombait comme un torrent sur ses derrières. Il n’avait rien su ni rien deviné de cette marche prodigieuse qui avait franchi les Alpes en quatre jours.

Le 22 mai, prise de Suse; le 23, prise d’Ivrée et de sa citadelle; le 26, prise de la Chiusella; le 27, prise de Vercelli; le 28, défaite de la division de Rohan, prise de Chivasso et de cinq autres places; le 29, passage de la Sesia; le 30, entrée à Novare; le 31, bataille et prise de Turbigo, passage du Tessin, évacuation de Buffalora, prise de Bellinzona. Le 1er juin, prise de Locarno et de Lugano; le 2 juin, entrée à Milan et reddition de Pavie. C’était jusque-là aussi merveilleux au moins que la première campagne d’Italie.

Maître de Milan, Napoléon se voyait sûr de ses combinaisons. Mais s’il avait là beaucoup de partisans, il avait à calmer beaucoup d’ennemis des Français. Ceux des généraux qui avaient occupé l’Italie pendant sa campagne d’Égypte s’étaient montrés souvent hostiles aux catholiques et avaient aliéné de leur cause le clergé lombard. Il voulait fermer ces plaies; et pendant que ses bataillons prenaient Lodi, Crémone, Plaisance et d’autres places, il convoqua tout le clergé de Milan et des environs, et tint à leur assemblée, le 5 juin 1800, un sage et brillant discours qui rassura complétement le clergé et les catholiques sur les sentiments chrétiens du Premier Consul.

Ce discours, reproduit aussitôt, fut signé par Bonaparte, imprimé, affiché partout, et répandu dans tous les pays où les Français pénétraient; il fut partout accueilli avec transport.

Le lendemain, 6 juin, Bonaparte passa le Pô ; le 7, il prit Brescia, Lecco, Bergame et la flottille du lac Majeur, en même temps qu’il s’emparait de la célèbre position de la Stradella. Le 9, il gagna la bataille de Montebello.

Cependant Mélas, qui, avec toute une armée, assiégeait toujours Gênes, où Masséna tenait depuis près d’un an, quoique épuisé et manquant de tout, Mélas n’avait appris l’arrivée du Premier Consul que lorsqu’il était déjà en possession de Milan. Il emmena ses troupes en toute hâte dans une plaine qu’il avait remarquée près d’Alexandrie. C’était la plaine de Marengo, qui n’est belle, disent les touristes, que pour les batailles; car ce ne sont que des champs à perte de vue. Bonaparte l’attendait là.

Le généralissime Mélas avait plus de cinquante mille hommes, Bonaparte moins de trente mille. La bataille s’engagea à huit heures du matin. Trois fois le village de Marengo fut enlevé par les Français, trois fois il fut repris par les Autrichiens, et les luttes furent ardentes; le Premier Consul eut son chapeau percé d’une balle.

A quatre heures du soir, la bataille sembla perdue; plusieurs généraux demandaient qu’on ordonnât la retraite, pendant que Bonaparte parcourait les rangs en disant aux soldats:

«N’oubliez pas que j’ai l’habitude de coucher sur le champ

» de bataille.»

Alors il remarqua avec joie que l’ennemi, croyant envelopper l’armée française, étendait ses ailes en affaiblissant imprudemment son centre; et il ordonna deux charges, en disant à ceux qui criaient que la bataille était perdue:

«C’est vrai, mais nous avons le temps d’en gagner une

» autre.»

Pendant qu’il parlait ainsi, les deux charges s’exécutaient: Desaix, l’un des plus braves généraux, s’élançait sur les batteries ennemies; il s’en empare et coupe la droite des Autrichiens, pendant que le général Kellermann brise l’autre colonne, la disperse et l’enveloppe. Desaix est tué dans son élan intrépide, et les soldats, qui l’aiment, redoublent d’ardeur pour venger sa mort. Quelques instants après, la bataille est gagnée et toute retraite coupée à l’ennemi.

Mélas, à quatre heures, entendant tous les siens crier victoire, et fatigué de sa chute, car son cheval avait été tué sous lui, s’était retiré à Alexandrie pour prendre un peu de repos: on vint l’éveiller en lui annonçant sa défaite complète. Vingt mille de ses soldats étaient hors de combat. Quarante pièces de canon et douze drapeaux étaient pris par les Français, qui emmenaient sept mille prisonniers.

Le lendemain, 15 juin, Mélas capitula, et la célèbre convention d’Alexandrie rendit à la France tout ce que la coalition nous avait enlevé en Italie.

Mais si le 14 juin nous était glorieux, il y eut pourtant un double deuil. Desaix était tué ce jour-là, en même temps que Kléber était assassiné en Égypte, et que les débris de son armée étaient réduits à de grands sacrifices pour regagner péniblement leur patrie.

Le 18 juin, le Premier Consul réunissait à Milan une consulte chargée de réorganiser la république cisalpine; il rétablissait l’université de Pavie; il faisait transporter le corps de Desaix au mont Saint-Bernard, où l’ordre était donné de lui ériger un monument. Peu de jours après, il reprenait le chemin de la France; et cette seconde campagne d’Italie, aussi rapide que brillante, avait à peine duré un mois.

Le 30 juin, Bonaparte était à Lyon, que la République avait cruellement saccagé et qu’il voulait relever de ses ruines. Il s’y vit reçu avec enthousiasme et ordonna sur-le-champ la reconstruction de la place Bellecour. Il voulut lui-même en poser la première pierre. Après quoi, salué partout, il rentra le 3 juillet à Paris, où son retour fut une fête immense, où l’enthousiasme, les acclamations, les transports, les illuminations et les chants de triomphe lui prouvèrent qu’il pouvait tout avec un peuple si ardent.

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