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INTRODUCTION.

Table des matières

Nul en France n’est censé ignorer la loi: fiction nécessaire sans doute, mais fiction, s’il en fut, en ce qui concerne l’industrie. De toutes les parties du droit, aucune peut-être ne présente un plus grand nombre de dispositions législatives et réglementaires se modifiant, se complétant, se remplaçant les unes les autres, offrant au jurisconsulte des problèmes ardus à résoudre, au fabricant, au manufacturier des difficultés d’application continuelles. Il n’est pas non plus de prescriptions dont l’observation soit plus strictement exigée, dont la transgression, même par ignorance, entraîne de répressions plus rigoureuses. Tantôt c’est le droit administratif, sanctionné par l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire qui, pour de simples contraventions, peut supprimer une industrie en pleine activité ; tantôt c’est la loi pénale repoussant en pareille matière les excuses tirées de la bonne foi du prévenu; le plus souvent ce sont des lois spéciales dont il faut concilier les règles exceptionnelles avec les principes du droit commun.

Prenons pour exemple une usine sur un cours d’eau, destinée à l’exploitation d’une industrie insalubre, et envisageons-la depuis son origine jusqu’à son complet développement. Sa création exige une double autorisation: l’une obtenue conformément à la législation relative aux ateliers dangereux, insalubres et incommodes; l’autre, d’après les règles sur les cours d’eau. Si la vapeur est employée dans l’établissement, une nouvelle autorisation est nécessaire. La mise en activité de l’usine est subordonnée à l’accomplissement exact de nombreuses conditions prescrites par les règlements sur ces diverses matières. Dès que l’établissement fonctionne, commencent les relations entre patrons, ouvriers et apprentis; les rapports avec les concurrents, avec le public, régis par des dispositions de droit général et de droit spécial: lois sur le contrat d’apprentissage, le contrat de louage d’industrie, les livrets, la compétence des prud’hommes, la fabrication sincère et loyale des produits. Des différends peuvent s’élever sur l’adoption de la marque, des dessins de fabrique, de l’enseigne. Un brevet d’invention est-il exploité dans la manufacture? aussitôt surgissent les nombreuses questions de propriété industrielle, de déchéance, de contrefaçon, que font naître presque tous les brevets de quelque importance.

Telles sont les situations diverses qui s’offrent aux fabricants, et qui, à chaque pas, présentent la perspective d’une formalité à remplir, d’une obligation à exécuter, d’une responsabilité à encourir, d’une contravention et d’une peine à éviter.

Ne suffit-il pas de rappeler ces faits pour démontrer l’utilité pratique d’un livre qui, réunissant dans un espace restreint l’ensemble des lois et règlements relatifs à l’industrie, mettant en lumière les principes et leurs applications usuelles, exposant les conséquences déduites par la jurisprudence, servirait tout à la fois et de guide au manufacturier, et de mémento ou de répertoire au jurisconsulte.

Tel est le double objet que nous nous sommes proposé, et que nous avons cherché à réaliser en parcourant rapidement les diverses parties de ce vaste ensemble, qu’on peut appeler le droit industriel. Sans doute, et nous ne nous le sommes pas dissimulé, le cadre que nous avons dû adopter laisse à désirer des discussions plus complètes sur certaines matières. L’avenir nous apprendra quels sujets pourraient réclamer de plus larges développements.

Nous exposons dans une première partie tout ce qui concerne la création et la mise en activité des ateliers soumis à l’autorisation et à la surveillance administratives (établissements insalubres, usines sur les cours d’eau, industries relatives à la presse, aux subsistances, etc )

Dans une seconde partie, nous parcourons la série des droits qui constituent, à divers titres, le principe et la garantie de la propriété industrielle (brevets d’invention, dessins, marques de fabrique, noms et autres désignations des produits, enseigne, achalandage). Nous avons dû faire ici une large part à la propriété littéraire, objet elle-même de l’exploitation la plus active, et à la propriété artistique, dont l’alliance chaque jour plus féconde avec l’industrie proprement dite, la relève et l’ennoblit en faisant éclater aux yeux des nations l’exquise délicatesse du goût français.

La troisième partie de l’ouvrage, dont la pensée, nous l’espérons, sera comprise et appréciée, a pour but de présenter dans leur ensemble les obligations personnelles nées de l’exercice même des diverses professions industrielles, et dont l’accomplissement probe et loyal fait la moralité de l’industrie. Il nous a paru utile de réunir et d’expliquer les nombreux règlements inspirés souvent par les considérations les plus hautes d’humanité aussi bien que d’économie sociale, qui trop souvent restent à l’état de lettre morte sur les affiches apposées d’après la loi aux murailles de l’atelier. Montrer au fabricant les conséquences de toute fraude, de toute négligence, de tout oubli, lui offrir la solution des difficultés que font naître les relations diverses de la vie industrielle, lui signaler les devoirs à remplir, les droits à exercer au sein de cette grande et intéressante famille dont il doit être le protecteur et le guide comme il en est le chef; c’est, il nous semble, rappeler l’industrie à la mission civilisatrice qui lui appartient de nos jours; c’est préserver l’honneur national des cruelles atteintes que lui a fait plus d’une fois subir la déloyauté de nos produits.

La première condition à remplir était de donner à notre travail une clarté et une simplicité qui permissent d’en embrasser d’un coup d’œil l’ensemble et les détails, et de se diriger sans embarras au milieu des nombreux sujets que nous avions à traiter. Pour offrir toutes facilités aux recherches, nous avons eu recours à une méthode familière à nos anciens jurisconsultes, éprouvée par une pratique constante dans renseignement élémentaire: nous avons divisé notre livre en courts paragraphes précédés d’un intitulé qui met en relief l’objet dont il est question. Le lecteur peut ainsi, en un instant, s’assurer si le point qui l’intéresse est ou non examiné dans la page qu’il a sous les yeux. Nous avons ajouté à notre livre un répertoire alphabétique présentant dans l’ordre le plus favorable aux investigations toutes les questions de droit posées et résolues dans le cours du traité. Enfin, les formules des actes les plus usuels nous ont paru un moyen efficace de conduire sans effort le lecteur de la théorie à l’application.

Mais si la disposition matérielle du livre avait une grande importance dans un ouvrage essentiellement pratique, ce qui a dû nous préoccuper surtout, c’est l’esprit dans lequel serait conçue notre œuvre. Cet esprit, nous l’espérons, ne paraîtra ni équivoque ni timide. Placés ici entre l’idée conservatrice de la propriété et les idées subversives qui ébranlent la notion du droit jusque dans ses bases, nous nous sommes gardés de ces théories douteuses, de ces doctrines complaisantes, qui énervent tout sous prétexte de tout concilier. Nous avons hautement arboré le drapeau de la propriété, repoussant avec énergie les transactions dangereuses qui, en affaiblissant le sentiment du juste et du vrai, en rendant toutes les solutions incertaines, n’expliquent que trop les hésitations, les variations de la jurisprudence.

Reconnaître aux productions de l’esprit humain, non moins qu’à celles du travail matériel, le caractère de propriété, défendre cette propriété, la plus respectable de toutes, contre l’usurpation ouverte ou déguisée, tel est le principe, telle est la règle que nous empruntons aux arrêts de la Cour suprême. Telle sera, nous l’espérons, la garantie de l’unité et de l’harmonie de nos appréciations particulières.

L’opportunité de notre publication nous a paru manifeste en présence des nombreuses contestations auxquelles la propriété industrielle donne lieu chaque jour devant les tribunaux. Il semble qu’à mesure que la propriété foncière, de plus en plus exploitée, présente à nos efforts moins de terrains neufs à mettre en valeur, l’activité humaine s’en aille cherchant partout des domaines à défricher dans le monde toujours nouveau de l’industrie. Pareils aux biens vacants de l’ancienne France, des droits longtemps négligés sortent de l’inertie pour mettre au jour des richesses nouvelles. Aussi la jurisprudence, entraînée par la pratique vers des aperçus ignorés, suit-elle dans son essor rapide le progrès industriel. Au moment où l’univers contemple et couronne les merveilles de l’industrie, où les nations, réunies sous ses auspices, se donnent la main, n’est-ce pas lui rendre un hommage digne d’elle que de l’éclairer sur les droits et les devoirs qui font sa noblesse et sa grandeur?

Août 1855.

Traité pratique de droit industriel

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