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XVI

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Table des matières

La dernière lettre que nous reçûmes d’Ernster, avant son retour, était datée de Venise. N’ayant plus à se gêner, puisque son dernier envoi était en lieu de sûreté, il nous expliquait comment, dans l’intervalle des fouilles, il avait pu faire de longues excursions en Italie. Quand on avait mis au jour un certain nombre de morceaux, son compère le rappelait par dépêche «pour les intérêts de son commerce». Il évaluait les trouvailles à leur prix marchand, les faisait emballer devant lui, et repartait, laissant l’homme à la vigne s’arranger avec ses amis de terre et de mer.

Il avait donc vu toute l’Italie! Aussi sa lettre respirait-elle, avec la joie d’avoir mené à bonne fin une entreprise hasardeuse, l’enthousiasme d’un ami du beau, qui vient de repaître ses yeux et son cœur de toutes les merveilles de la terre classique du beau.

Au jour et à l’heure qu’il avait fixés pour son retour, je me précipitai à la gare. Il n’était pas parmi les voyageurs qui descendirent du train. Craignant qu’il ne se fût endormi, ou qu’il n’eût été pris d’une indisposition subite, je visitai tous les wagons, sans voir dans aucun d’eux un seul voyageur qui, de près ou de loin, ressemblât à Ernster. Mon cœur se serra, et je rentrai précipitamment chez moi, espérant y trouver un télégramme qui m’expliquerait son retard.

Pas de télégramme; que faire? Je courus à son logement, espérant que son domestique avait été averti, et qu’il avait négligé de me prévenir.

«Votre maître?» criai-je à Iffland quand il m’eut ouvert la porte avec son flegme agaçant.

Iffland, tranquillement, d’un léger signe de tête en côté, me fit comprendre que son maître était là, dans son cabinet.

«Est-ce qu’il est malade?»

Signe de tête négatif.

«Quand est-il arrivé ?

— Ce matin.

— Mais enfin, qu’est-ce qu’il a?

— Triste!»

Triste, lui! avec son caractère, et après la glorieuse campagne qu’il avait faite! Qu’est-ce que cela signifiait?

«Mais enfin, puis-je le voir?»

Iffland haussa les épaules; mais comme il ne me barrait pas le passage, je m’avançai vivement vers la porte, et je frappai deux coups avec impatience.

Je ne sais pas si quelqu’un me dit: «Entrez!» mais j’entrai quand même.

D’un seul coup d’œil je vis qu’il se passait quelque chose de grave.

La pipe favorite d’Ernster était à côté de son coude gauche, sur la table, bourrée par habitude, mais non allumée; nulle odeur de tabac dans la pièce; il n’avait pas fumé depuis le matin! Son chien Méphisto boudait dans un coin, comme un ami dont les avances ont été dédaignées; et cependant Ernster écrivait; or, toutes les fois qu’Ernster était occupé à lire ou à écrire, Méphisto, la mâchoire inférieure posée sur son genou gauche, le regardait tout le temps de ses yeux clairs, clignotant quand il se sentait regardé, comme pour dire à son maître: «Est-ce que c’est amusant, ce que tu lis là ?» ou bien: «Ce que tu écris là, ça marche-t-il?»

Donc, Ernster écrivait, rapidement, d’une main fiévreuse. Il était encore tout couvert de la poussière du voyage, il avait les sourcils contractés et les lèvres serrées. Évidemment il ne m’avait pas dit: «Entrez!» car le bruit de la porte, quand je la refermai sur moi, ne le tira pas de sa préoccupation.

Je m’avançai jusqu’à lui et je lui posai la main sur le bras, en lui disant:

«Ernster, mon ami, qu’avez-vous? vous souffrez!»

Il tressaillit comme un homme qui sort d’un rêve, et se passa la main sur le front.

«Oui, je souffre, me répondit-il; mais, mon Dieu! quelle heure est-il donc? Oh! six heures, et moi qui ai oublié de vous faire prévenir. Pardonnez-moi, mon ami, pardonnez-moi; je me suis oublié à écrire ce..., cette... chose! ajouta-t-il avec l’impatience d’un homme habitué à trouver le mot propre et qui ne le trouve pas. Quel égoïste je suis! pendant que j’étais là, essayant de me soulager le cœur, j’ai honteusement oublié mon meilleur ami.

Les remords du docteur Ernster

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