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IV

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«Quel crin!» s’écria le grand maître, qui n’avait point peur des expressions familières, quand elles traduisaient fidèlement sa pensée. Après avoir prononcé ces deux mots avec énergie, il se prit les deux lèvres entre l’index et le pouce, pour s’empêcher de sourire. Mais, en dépit de ses efforts, ses yeux souriaient pendant qu’il nous regardait à la ronde, comme pour nous prendre à témoin de l’audace de notre ami en face de l’arbitre de ses destinées.

«N’est-ce pas?» répondit notre ami en souriant.

Tout le cercle souriait. C’était si drôle de l’entendre comparer à un crin, lui précisément.

«Eh bien, docteur Ernster, reprit le grand maître aussi gravement qu’il put, puisque vous êtes sourd à la voix de la persuasion, on emploiera les grands moyens.

— Ah!

— Mon Dieu oui. On enverra les garçons du ministère faire du désordre à votre cours; M. le recteur adressera un rapport au grand maître, et le grand maître suspendra le cours du docteur Ernster.

— Les étudiants, riposta notre ami, mettront les garçons du ministère à la porte, M. le recteur fera une enquête, et Votre Excellence en sera pour sa courte honte.

— Mais c’est de la bravade! s’écria Son Excellence.

— Oh! que non.

— Alors, qu’est-ce que c’est?

— C’est de la confiance, la plus parfaite confiance dans mon droit et dans votre équité.

— Oh! oh! de la flagornerie!

— Ni bravade, ni flagornerie. Votre Excellence plaisante, et j’entre dans l’esprit de la chose; voilà tout.

— Voilà tout!» répéta Son Excellence avec emphase. Puis, se déridant tout à coup: «Notre ami, dit-il, c’est bien rentré de piques; eh bien! quittons la plaisanterie, et parlons raison. Votre santé m’inquiète, le repos....

— Cherchez mieux, monsieur le ministre.

— Pardon, docteur Ernster, vous toussez; je vous ai entendu tousser tout à l’heure.

— Je ne tousse pas, monsieur le ministre, je toussaille, si j’ose m’exprimer ainsi; d’ailleurs, c’est pour mon plaisir, c’est pour faire comme tout le monde, comme vous-même; on sait que c’est la mode au commencement de chaque hiver.

— Eh bien, notre ami, je vais vous prendre par les sentiments.

— Prenez, monsieur le ministre, prenez.

— Le privat-docent qui double votre cours me fait pitié. Il parle dans le désert. C’est un chétif arbuste qui s’étiole à l’ombre de vos puissants rameaux. Il a du talent néanmoins, et si vous daigniez faire silence, je suis persuadé qu’on l’entendrait d’abord et qu’on l’écouterait ensuite. Il se ferait une clientèle, et il a besoin d’une clientèle pour vivre. Un an de silence et quelques auditeurs de moins l’année suivante, ce n’est pas la mort d’un homme, d’un homme comme vous. Quoi! vous hésitez?

— J’ai honte d’hésiter, reprit notre ami, mais, monsieur le ministre, je ne suis pas riche; je n’ai que mon traitement pour vivre, et un congé, dans les conditions les plus favorables, diminuera mon traitement de moitié »

C’était la pure vérité ; notre ami, s’il n’avait pensé qu’à lui-même et à son bien-être, aurait pu accumuler de belles économies. Mais il n’avait jamais rien amassé, les étudiants pauvres auraient pu dire pourquoi. Réduit à la moitié de son traitement, il aurait pu vivre, car ses goûts n’étaient pas dispendieux; mais il lui aurait fallu du même coup couper les vivres à quelques malheureux étudiants qui auraient été forcés de renoncer à leurs études et de quitter l’Université.

Les remords du docteur Ernster

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