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III

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Maintenant que j’ai fait connaître mes idées personnelles au sujet du docteur Ernster, il est juste que j’expose aussi celles des autres. L’opinion générale se résumait en ces termes: «C’est l’homme qui sait le mieux jouir de ce que l’on est convenu d’appeler les petits bonheurs de la vie».

Les fumeurs lui faisaient un mérite de fumer avec conviction sa pipe de porcelaine, l’été à sa fenêtre, l’hiver au coin de son feu; les buveurs de bière, de ne point mépriser la liqueur de Gambrinus lorsque, le samedi soir, il apportait son violon à la brasserie des Armes de Münchhausen, pour faire sa partie dans les concerts de la société des instruments à cordes; les flâneurs, de flâner devant les magasins; les badauds, de badauder devant les parades de la grande foire; les marcheurs, de faire de longues courses à travers bois et à travers champs; les alpinistes, de s’être montré au sommet du mont Blanc; les artistes, d’aimer les arts et de s’y connaître; les bibliomanes, de fréquenter la boutique de Beckhaus; les célibataires, d’être garçon, encore qu’il le fût à son corps défendant; les étudiants, d’être un professeur intéressant, de se renouveler sans cesse par l’étude, et de ne jamais déconcerter un candidat les jours d’examen; les gens du monde, d’aimer le monde, et enfin les vieilles douairières, de faire leur partie de whist toutes les fois que l’on avait besoin d’un quatrième.

Tout le monde l’appelait: «Notre ami», les étudiants entre eux, les professeurs et dignitaires entre eux, et aussi parlant à sa personne.

Le grand maître réunissait souvent, dans ses vastes salons, l’Université et les notables de Münchhausen. Nous l’aimions beaucoup, parce que c’était un excellent homme, juste, ferme et paternel à la fois. Comme il n’était point ministre politique, il était en place depuis quinze ans. Il nous connaissait tous et causait familièrement avec nous.

Un soir donc, après s’être assuré que tous ses hôtes s’adonnaient aux divertissements de leur choix, et qu’aucun d’eux n’était en danger de s’ennuyer, il se dirigea vers un petit salon où nous causions tranquillement entre amis. Il s’assit au milieu de nous, et dit gravement au docteur Ernster: «Notre ami, il me revient de plusieurs côtés que vous vous répétez un peu dans vos cours, et que le nombre de vos auditeurs va diminuant. Un petit congé d’un an....

— Monsieur le ministre, répondit tranquillement notre ami, ou vous êtes dans une profonde erreur, ou vous plaisantez simplement, malgré la solennité de votre ton et de vos manières. Je suis sûr de ne pas me répéter. D’un autre côté, sans faire le dénombrement de mes auditeurs, je puis voir sans lunettes que l’amphithéâtre est plein comme d’habitude. Je ne prendrai donc point de petit congé d’un an.

— Très bien! mettons alors un petit congé de six mois.

— Je ne prendrai point de petit congé de six mois, riposta notre ami, toujours avec la même tranquillité.

Les fumeurs lui faisaient un mérite de fumer avec conviction sa pipe.


Les remords du docteur Ernster

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