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XVII
Оглавление— Vous n’êtes pas malade, mon ami? lui demandai-je en’le regardant avec inquiétude.
— Non, non, je ne suis pas malade de corps; mais, voyez-vous, j’ai un remords, un grand remords, et je hais les remords. Mais, en vérité, je ne parle que de moi; asseyez-vous. Comment allez-vous? Pas très mal, à ce qu’il me semble. La vue de votre bonne figure me fait déjà du bien. J’aurais dû courir à vous tout de suite. Mais je suis si peu habitué au remords que je me suis sauvé dans ma tanière, comme une bête blessée, pour secouer ce qui me pèse tant. Voyons, encore une fois, comment allez-vous? Attendez, nous causerons mieux en fumant.»
Il se leva pour décrocher Wilhelmine, et parut surpris de ne pas trouver sa pipe à lui au râtelier. En regardant autour de lui, il l’aperçut toute bourrée sur la table, et se frappa le front. En m’apportant Wilhelmine, il remarqua Méphisto dans un coin.
«Méphisto, mon garçon, lui dit-il en se baissant pour caresser la pauvre bête, tu boudais donc! Il faut que je t’aie mal reçu; ou plutôt je ne me suis même pas aperçu que tu étais là. Pardonne-moi, mon vieux, ton maître est un égoïste qui oublie tous ses amis.»
Méphisto avait commencé par ramper sur le sol, comme un chien qui ne sait pas comment seront reçues ses avances; puis il s’était mis à frapper le plancher de sa queue; puis il m’avait regardé avec reconnaissance; avec reconnaissance, je l’affirme. Ses grands yeux mélancoliques me disaient:
«Tu as joliment bien fait de venir, sais-tu?»
Après m’avoir payé ce tribut de reconnaissance, Méphisto, d’un bond, se dressa sur ses pattes de derrière, appuya ses pattes de devant sur la poitrine d’Ernster, et lui lécha le bout du nez.
«Bien, Méphisto, dit Ernster, nous sommes contents de nous revoir! Et maintenant nous allons faire amis.»
M’ayant tendu ma pipe, il se rassit, et Méphisto fit amis, c’est-à-dire qu’il s’assit par terre, appuya sa mâchoire inférieure sur le genou d’Ernster et ne bougea plus.
«Et, reprit Ernster en prenant sa pipe, cette autre amie que j’ai négligée aussi.»
Quand nous eûmes allumé nos pipes, il sonna.
«Iff, dit-il, je n’y suis pour personne, et mon ami dîne avec moi. A moins, ajouta-t-il en se tournant de mon côté, que vous n’ayez, comme on dit, un engagement antérieur.
— Je n’en ai pas, répondis-je, et quand même j’en aurais un, je me dégagerais à l’instant.
— Oh! que c’est gentil! s’écria-t-il en me serrant la main. Vous avez bien fait de venir; je suis déjà un autre homme.
— Et vous serez tout à fait vous-même quand vous m’aurez dit ce qui vous a rendu si malheureux.
— C’est cependant une belle et douce chose que l’amitié ! reprit-il d’un ton grave et doux. Voyez quelle confiance elle inspire! Si vous ne m’aviez pas prié de vous faire ma confession, c’est moi qui vous aurais demandé de l’écouter. Ah! cher ami, que ne vous ai-je rencontré ce matin, au sortir de la gare!
— Mais, au fait, lui dis-je, puis-je vous demander pourquoi vous avez devancé de douze heures le moment de votre arrivée?
— Vous dirai-je que j’étais impatient de vous voir? Pourquoi ne le dirais-je pas, puisque c’est la pure vérité. Ne rougissez pas, car alors je vais être obligé de rougir aussi. Si j’étais impatient de vous voir, j’étais sûr que votre impatience égalait la mienne. Est-ce vrai?
— Oui, mon ami, c’est vrai. Mais il y a là un mystère que je ne comprends pas.
— Quel mystère?
— Quand vous êtes parti, avec cette intention dont je vous sais tant de gré, vous n’éprouviez donc pas ce remords qui semble vous avoir bouleversé ?
— Eh non! je ne l’éprouvais pas.
— Alors c’est donc pendant le trajet que ce remords est tombé sur vous?
— Comme la foudre, je puis bien le dire.
— Bon! mais un remords suppose naturellement une faute commise. C’est donc en chemin de fer que vous l’avez commise?