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§. IX.

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Table des matières

Avis économiques sur les qualités, l’usage et la culture du blé de Turquie.

(Extrait du Journal économique du mois de juillet 1758.

«L’Auteur, qui paroît avoir écrit dans la Guienne, et que je crois être Goyon de la Plombanie, commence par dire que l’on nomme cette denrée blé de Turquie, sans doute parce qu’elle est venue de Turquie en Europe. Quelques provinces du royaume de France la nomment blé de Naples, parce que la première graine leur a été apportée de ce pays-là. Mais le Périgord et presque toute la Guienne, qui l’ont tirée de l’Espagne, l’appellent blé d’Espagne; et, dans beaucoup d’autres endroits, on l’appelle maïz. (Page 298.)

» Cette plante est une des plus abondantes en production. Il vient quelquefois sur une seule tige jusqu’à quatre épis beaux et bien nourris; mais communément deux ou trois. Lorsqu’on leur donne une culture convenable dans une bonne terre, un seul grain en peut produire plus de deux mille. ( Ibid. )

» Les animaux sont les premiers qui ont appris aux hommes à connoître les plantes propres à la nourriture. Le blé de Turquie doit être assurément une des meilleures, si l’on en juge par l’instinct des animaux; car tous en général en mangent le grain avec plaisir; et toutes les bêtes qui broutent, sont friandes de sa tige et de ses feuilles. ( Ibid. )

» De la méthode ancienne ou ordinaire de cultiver le blé de Turquie, et de ses défauts. Le blé de Turquie se cultive à-peu-près de même par-tout. Mais cette méthode générale est vicieuse et sujette à de grands inconvéniens, dont les principaux sont de ruiner les terres et de causer un préjudice considérable aux autres blés qu’on y sème ensuite. Tous ceux qui possèdent des fonds dans les provinces où la culture de ce grain s’est introduite, maudissent le moment qui l’a fait connoître; mais les peuples y sont habitués, et ne peuvent plus s’en passer. ( Page 299. )

» Le mal ne vient que de la culture ordinaire: 1°. on ne laboure pas assez les terres, ni en temps convenable; 2°. on ne donne pas assez de distance aux tiges de blé de Turquie, ce qui empêche de les biner; 3°. on choisit les meilleures terres, qu’on est encore obligé de surcharger de fumier; 4°. le froment qu’on sème après le blé de Turquie a le double de blé charbonné ou niellé, ce qui infecte peu-à-peu les récoltes, etc. (Pages 299, 300 et 301.)

» Nouvelle méthode de cultiver le blé de Turquie, et ses avantages. Comme les plus grands inconvéniens de l’ancienne manière de cultiver le blé de Turquie sont l’épuisement des terres et le préjudice qu’en reçoivent les autres blés qui y viennent ensuite, la principale attention doit être de choisir et ménager le terrain, de façon que le blé de Turquie y puisse venir dans toute sa beauté, sans être nuisible aux terres, ni aux grains qui doivent lui succéder. ( Page 301. )

» Du choix des terres propres. Les terres sablonneuses, qui ont beaucoup de sucs et qui ne sont pas trop sèches, y sont les plus propres. (Ibid.) Les expériences de l’auteur ont été faites dans un champ à chenevière de la meilleure qualité. (Page 307.)

» Des premiers labours. C’est par le moyen des labours qu’on mettra les terres en état d’être ensemencées et de produire. Le premier et le principal défaut de l’ancienne manière de cultiver le blé de Turquie, consistoit en ce qu’on ne faisoit pas les labours assez profonds, en nombre et dans des temps convenables.

» On devroit commencer le premier labour sur la fin du mois d’octobre, aussitôt après les semailles des blés, avec une grande charrue, attelée de deux paires de bœufs ou du double de chevaux qu’on emploie aux labours ordinaires, afin de creuser et de défoncer la terre à la profondeur de 15 à 16 pouces pour le moins. On disposera la terre en planches de 6 pieds; on bêchera ensuite cette terre, afin d’en briser ou diviser les mottes, et on la laissera reposer tout l’hiver.

» Vers le milieu ou à la fin de février, c’est-à- dire après les grandes gelées; on apportera un peu de fumier bien pouri dans le fond de ces planches ou gros sillons. On répandra ce fumier sur la largeur d’environ 2 pieds de côté et d’autre; ensuite on donnera à la terre un second labour, avec la même charrue et à la même profondeur que le premier, en traçant ce nouveau sillon au milieu de la largeur des planches, et jetant la terre dans le fond des premiers sillons pour y couvrir le fumier.

» Au 15 de mars on donnera un troisième labour, mais moins profond que les deux premiers, et on retournera la terre dans le sens qu’on l’avoit labourée la première fois, c’est-à-dire qu’on creusera le sillon dans l’endroit où on aura jeté le fumier.

» Enfin, quand on voudra semer le blé de Turquie, on fera un labour semblable au troisième, en jetant toujours la terre dans le même sens, et creusant dans le sillon qui aura été fumé. (Pages 301, 302.)

» De la manière de planter le blé de Turquie. Pour éviter les inconvéniens de l’ancienne méthode de semer ce grain, on en plantera toujours les grains dans des trous séparés avec un plantoir, à la distance d’un pied les uns des autres, dans les rangées éloignées de 6 pieds entre elles; et on observera de ne les pas planter tout-à-fait dans le plus bas fond du sillon, mais à demi-côte sur les planches. On mettra cette graine deux à deux, ou trois à trois dans chaque trou, en les recouvrant avec la terre.

» On observera de ne planter ces graines que par le plus beau temps qu’on pourra choisir dans la saison. S’il venoit à pleuvoir avant que la terre fût ressuyée, elle se pileroit ensuite au soleil, de manière que les jeunes plantes ne pourroient la pénétrer, et les graines seroient perdues. (Page 312.)

» Il vaut mieux tarder quelques jours que de planter cette graine trop tôt, et l’exposer par-là aux gelées du printemps auxquelles elle est très-sujette. (Ibid.)

» Un autre danger dont il faudra avoir soin de la garantir dans ces premiers temps, c’est contre les pigeons, les corbeaux et les autres oiseaux, qui la mangent sitôt qu’elle veut germer. Les pigeons sur-tout en sont si friands, qu’ils ne manquent pas de la déterrer avec leur bec, et de tout détruire, si l’on ne fait pas garder le champ pendant plusieurs jours. (Ibid.)

» Des labours appelés binages. Lorsque les graines ont poussé deux feuilles ou trois au plus, on les bine pour la première fois, c’est-à-dire qu’on donne à la terre un labour léger avec la houe ou une large binette. On prend, à un pied de chaque côté, avec la houe, de la terre qu’on rapproche des jeunes tiges pour les réchauffer, en même temps qu’on retourne bien tout le terrain. (Ibid.)

» Quinze jours après on attend l’occasion d’une petite pluie pour faire un pareil binage, dans lequel on chausse de même, le plus que l’on peut, les plantes avec la terre. Ce qu’on fait de plus dans ce second binage, c’est qu’on a soin d’arracher toutes les tiges qui sont de trop, en n’en laissant à chaque trou qu’une seule, la plus vigoureuse et de la plus belle apparence. Les tiges menues par le bas, qui ont les feuilles allongées, d’un vert foncé, sont les plus estimées. Celles qu’on sacrifie, on les arrache pour les donner aux bestiaux. (Ibid.)

» Des derniers labours et autres soins de la culture. Il ne faut pas perdre de vue que les terres où l’on plante le blé de Turquie sont destinées ordinairement à porter l’année suivante d’autres blés; et que, comme celui-là épuise si fort le terrain, on doit avoir attention, pendant sa culture, d’entretenir et de ménager tellement le terrain, qu’il soit en état de recevoir ensuite l’autre semence, et de la faire fructifier avantageusement.

» Pour y parvenir, après le second binage, on labourera avec la charrue les intervalles entre les rangées de blé de Turquie, faisant en sorte que l’oreille de la charrue verse la terre tout proche les pieds de ce blé. Il y aura suffisamment de place dans les intervalles des rangées à 6 pieds de distance, pour que la charrue puisse y passer facilement. (Page 302.)

» Quinze jours ou trois semaines après, si l’on observe qu’il fasse de la rosée, on donne encore à la terre un second labour pareil avec la charrue, en faisant toujours verser la terre du côté des rangées du blé. (Page 303. )

» Quand les bouquets de fleurs qui viennent au haut des épis sont passés, on casse les tiges dans le noeud qui est au-dessus du premier filet. Cette opération se fait avec la main, en empoignant la tige de façon que le petit doigt soit presque sur le nœud; et, en ployant ensuite la plante d’un tour de main, la tige se casse net dans le noeud. (Ibid.)

» Lorsque les épis sont bien formés, que le grain commence à paroître, et que la saison est avancée, c’est-à-dire vers le 25 d’août, on ôte toutes les grandes feuilles pendantes. Ces feuilles se donnent tout de suite aux bestiaux, ou, après être séchées, forment du fourrage pour l’hiver. On ne fait cette opération que quand on voit ces feuilles commencer à jaunir ou changer de couleur. (Ibid. )

» Vers le 10 ou 12 de septembre, si l’on s’aperçoit que la trop grande quantité de terre autour des plantes en entretient trop long-temps la séve, et que les grains n’en mûrissent pas assez vite, on fera encore un gros labour avec la grosse charrue, en jetant la terre dans le sens contraire à celui dont on l’a jeté dans les deux labours précédens. (Ibid.)

» Ces soins ne sont nécessaires que dans les terres froides et paresseuses; car dans les sables, le grain mûrit toujours assez tôt. (Ibid.)

» Comment, après la récolte du blé de Turquie, on achève de nettoyer le champ, et de le préparer pour d’autres blés. En même temps que les femmes et les enfans s’acquitteront du soin de cueillir les épis du blé de Turquie, les hommes, avec la serpe ou quelque autre outil, en couperont toutes les côtes et les tiges, et les mettront sur la terre labourée qui est dans l’entre-deux des sillons. Ils observeront néanmoins de ne mettre les côtes de deux rangées que d’un côté et sur une seule planche, en laissant l’autre vide.

» Ces côtes se sécheront ainsi en peu de temps sur la terre, avant d’en être enlevées: elles seront très-bonnes à donner à manger aux bestiaux pendant l’hiver. Il faut pour cet usage avoir soin de les hacher bien menues, à chaque fois que l’on voudra les donner aux bestiaux.

» Il faut encore observer d’éparpiller ces côtes sur des meules de foin et de paille qui seront à couvert, pour qu’elles puissent se conserver jusqu’à l’hiver; car si on les laissoit par tas, elles se gâteroient et ne vaudroient plus rien. (Page 304.)

«Les côtes, coupées et rangées sur le champ, comme on vient de le dire, laisseront à la charrue la liberté de labourer les mottes ou plates-bandes de terre qui contiennent encore les tronçons des tiges.

» A mesure que la charrue dans le labour arrachera ou déterrera ces tronçons, il y aura des hommes qui tireront avec des crocs toutes ces souches pour les mettre sur la planche vide qui sera à côté, en observant de bien secouer la terre qu’elles auront à leurs racines.

» Quand on aura arraché ces souches dans toute l’étendue du champ, on les y laissera, pendant quelques jours, sécher à l’air et au soleil; après quoi, on les ramassera par petits tas, de 6 pieds en 6 pieds dans le fond des plates-bandes, et on y mettra le feu dans le champ même. Les cendres qui en proviendront seront éparpillées avec soin sur la partie de la terre qui aura produit ce grain, et par ce moyen, la terre se trouvera purgée de tous les vestiges du blé de Turquie. Il ne faudra rien laisser sans être brûlé ; car ceux qui se négligent sur cela, éprouvent le tort qui en arrive au froment de la récolte suivante. (Page 304.)

» Après que les souches seront brûlées, il faudra donner deux traits de charrue, l’un à droite et l’autre à gauche du fond des plates-bandes, pour les combler avec de la terre que l’oreille de la charrue y jettera; ensuite, on labourera légèrement tout le champ en travers, et on le hersera bien. Il sera alors en état d’être ensemencé en froment ou en autre blé, comme s’il n’avoit jamais produit de blé de Turquie. (Page 305. )

» Estimation du produit de la nouvelle méthode, comparé avec celui de l’ancienne. L’auteur assure par sa propre expérience, qu’en suivant cette méthode, il a recueilli communément 21 setiers, mesure de Paris, dans le même arpent où l’on n’en avoit eu que 9 setiers du même blé les années précédentes, en le cultivant suivant l’ancien usage, ce qui est dans la proportion de 3 à 7, c’est-à-dire deux tiers ou 12 setiers de plus. (Page 306. )

» Le prix du blé de Turquie suit toujours celui du blé-froment, à un tiers au-dessous; de façon que si le setier de froment ne vaut que 15 livres, celui de Turquie en vaut 10. (Ibid. )

» En suivant ce prix, qui étoit le prix ordinaire dans le temps où l’auteur écrivoit, les 12 setiers en sus se montoient à une somme de 120 liv.; sur quoi déduisant 16 francs, excédant de dépense, pour cinq labours et un tiers de labour de plus que nécessitoit la nouvelle méthode, il restoit encore 104 livres de gain. (Ibid.)

» D’ailleurs, on n’avoit employé que le tiers des fumiers que l’on met ordinairement, ne les ayant répandus que sur la partie destinée à la nourriture du grain, ce qui avoit conservé le surplus des fumiers pour les autres terres de la métairie. Quoiqu’on n’eût mis que ce tiers de fumier dans le champ, le froment y étoit venu l’année suivante plus beau que par le passé, et presque point niellé. (Ibid.)

» Réflexions sur la nouvelle méthode de cultiver le blé de Turquie. D’après toutes les observations et les expériences ci-dessus, l’auteur croit qu’on peut se rassurer contre le préjugé que le blé de Turquie a causé dans le pays où on le cultive depuis long temps, et rendre justice à cette plante. Ce préjudice vient plus de la manière de le cultiver que de la plante même. Si l’on veut suivre cette méthode, on y trouvera un avantage qui égalera celui de la culture ordinaire du froment dans les meilleures terres, puisqu’il est constant par l’expérience que les terres les plus excellentes, telles que celles de Dammartin et de Gonesse près Paris, qui sont les plus vantées du royaume pour le froment, ne donnent, dans les meilleures années, que 10 à 11 setiers de froment par arpent. (Page 307. )

» De l’emploi du blé de Turquie pour les hommes. On le mêle ordinairement avec d’autres grains pour en faire du pain. Mais comme sa farine, semblable à celle du millet, a beaucoup de gruau, la pâte en est peu liante, et le levain qu’on y met pour la faire fermenter s’en échappe comme au travers du sable. Ce pain massif n’est pas aisé à digérer comme celui de froment, il est de difficile digestion; de là vient qu’on apprête plus souvent sa farine en bouillie que de toute autre façon. ( Page 299.)

» Quelques curieux ont essayé de faire bouillir dans l’eau des grains de blé de Turquie bien mûrs presque à leur cuisson; ensuite de les exposer à l’air pour les faire sécher de façon à pouvoir être moulus, ce qui a achevé de diviser les molécules de ces grains déjà ébranlées par l’action du feu et de l’eau. La farine s’en est trouvée plus douce; mais elle avoit perdu dans cette cuisson une partie de ses sels. Pour les lui rendre, on s’est servi de l’eau dans laquelle on avoit fait bouillir les grains, ou encore mieux d’une autre eau où on avoit fait bouillir de même de nouveaux grains. Cette eau qu’on a employée à faire la pâte, lui a rendu ou communiqué ses sels. Le pain s’en est presque aussi bien façonné que celui de froment, avec de petits yeux sans nombre. Il s’est trouvé léger, de bon goût et d’une digestion facile. (Ibid.)

» On a poussé les recherches encore plus loin et avec le même succès. Dans l’eau qui avoit déjà servi à faire bouillir des grains de blé de Turquie, on a jeté du son de froment qu’on y a fait encore bouillir. On l’a passé ensuite dans un linge fin, et de l’eau blanche qui en est sortie on a pétri la farine du blé de Turquie. Cette nouvelle manière a donné un pain excellent, d’un goût agréable, et préférable peut-être à tous les autres pour la santé. (Ibid.)

» De la culture du blé de Turquie, pour le donner en verdure aux bestiaux. Les laboureurs des provinces méridionales ont coutume de destiner, à la portée des étables ou des écuries, un certain terrain qu’ils consacrent à la culture des jeunes plantes de blé de Turquie, pour en faire du fourrage à leurs bestiaux et les rafraîchir pendant l’été.

» Au mois d’avril, dans le temps convenable à la semence, on sème du blé de Turquie dans le quart seulement du terrain préparé et fumé à cet effet. Un mois après on en sème un autre quart, et ainsi de mois en mois, jusqu’à ce que toute la terre en ait été couverte; afin que les jeunes plantes destinées au fourrage se succèdent toujours nouvelles et tendres. On sème alors les grains de blé de Turquie à la main, et ils se trouvent sur la terre à peu-près à 3 pouces de distance les uns des autres en tout sens. Si la terre est fraîche, on les couvre avec une herse; mais si elle est sèche, on se sert d’une charrue légère qui l’enfonce davantage. Au bout d’un mois les tiges sont de la hauteur d’une personne, et assez fortes pour être données aux bestiaux. On coupe ces tiges tout près de la terre, et quand les bœufs et les chevaux sont revenus de la charrue, après leur avoir fait manger un peu de foin, on leur donne une brassée de ces tiges nouvellement coupées, qu’ils mangent avec avidité.

» On consacre ordinairement un quart d’arpent de blé de Turquie par chaque paire de boeufs, pour le leur donner ainsi en verdure pendant les chaleurs de l’été.» ( Pages 307 et 308. )

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