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CHAPITRE V.

Table des matières

DERNIÈRES OPÉRATIONS DE LA CAMPAGNE D’AUTOMNE

( Brumaire. )

LES quatre places du nord, Condé, Valenciennes, Le Quesnoy et Landrecies, où les Autrichiens ont laissé des corps d’armée pour garnisons, viennent de capituler. La forteresse de Bellegarde, que les Espagnols occupaient encore sur les frontières des Pyrénées, nous est également rendue. Ainsi, l’expulsion des étrangers est consommée. Carnot, qui, à travers les discordes civiles, a consacré ses veilles dans le Comité à ménager ce grand résultat, éprouve la satisfaction de l’annoncer lui-même à la tribune au moment où l’expiration de ses pouvoirs le fait rentrer dans les bancs de l’assemblée. Des réjouissances sont ordonnées. Condé s’appellera Nord-Libre; Bellegarde sera Sud-Libre. Le président de la Convention nationale, Cambacérès, élevant la voix devant le peuple réuni au Champ-de-Mars pour célébrer la fête des Victoires, proclame, le 30 vendémiaire, que le territoire de la République est délivré !

Rien n’arrête plus les justes représailles qui vont transporter la guerre sur le territoire étranger. Déjà les troupes légères de Moreau, de Souham, de Vandamme et de Reynier ont atteint la rive gauche du Vahal et du Rhin; leur général en chef, Pichegru, reçoit l’ordre d’avancer avec le reste de ses forces sur la Hollande.

Jourdan a franchi la Meuse; il a battu l’armée autrichienne dans les champs de Juliers. Il est entré à Cologne; l’Electeur s’est réfugié à Vienne, où l’électeur de Trêves l’a précédé ; et tandis que Lefevre, Championnet, Kleber et Bernadotte distribuent leurs soldats sur cette partie des rives du Rhin, les forteresses de l’intérieur du pays, enveloppées dans cette rapide invasion, tombent les unes après les autres. Juliers, Venloo, Nimègue, Maestricht, Rhinfeldt, ont baissé leurs ponts-levis. La Convention fait attacher aux voûtes de la salle de ses séances trente-six drapeaux qui viennent de lui être présentés par l’adjudant-général Pajol, aide-de-camp de Kleber. Pour achever la conquête de tout le pays qui s’étend entre la France et le Rhin, il ne reste plus qu’à forcer les portes de Luxembourg et de Mayence.

Déjà l’approche de nos armées a porté la fermentation parmi les peuples qui sont au delà du fleuve. Les princes du nord de l’Allemagne ont tourné leurs regards vers la Prusse, et semblent décidés à suivre l’impulsion que cette puissance donnera. Dès le 3 octobre (12 vendémiaire) le roi de Prusse écrivait en ces termes au Landgrave de Hesse-Cassel: «La crise dangereuse dans laquelle

» se trouve notre pays est d’autant plus

» sensible à mon cœur qu’elle menace les princes

» mes parens, qui me sont infiniment chers;

» et je suis intimement convaincu que, dans la

» tournure malheureuse que cette guerre a prise,

» la seule voie pour préserver l’Allemagne de sa

» ruine totale, est la paix!»

L’antique Diète de Ratisbonne elle-même a ressenti par contre-coup des émotions pacifiques. Le 13 octobre ( 22 vendémiaire) l’envoyé de Bavière y demandait qu’on s’occupât de négocier un traité honorable. Quelques jours après, l’Électeur de Mayence faisait parler dans le même sens. Le Margrave de Bade et l’Électeur de Saxe essayaient le même avis. Sur ce terrain, l’influence de la Prusse grandit chaque jour, et l’internonce impérial en est réduit à de vains-efforts pour la contrebalancer

La dissidence survenue entre la politique de Berlin et celle de Vienne, se développe dans les camps du Rhin, aussi-bien qu’à Ratisbonne. Non-seulement la Prusse a rappelé vingt mille hommes sur ses frontières de Pologne, mais elle vient encore d’affaiblir son armée du Rhin par un détachement de douze mille soldats, qu’elle emploie à couvrir ses états de Westphalie. D’autres détachemens se préparent à suivre les premiers, et la forteresse de Mayence voit se dégarnir les lignes qui doivent la défendre. En Suisse, on ne parle que de la singulière réponse du général en chef prussien Mollendorf à un député badois, qui lui demandait un sauf-conduit pour des voitures de grains:

«Si je vous le donnais, a dit le maréchal, il ne

» serait pas reconnu par les postes autrichiens.»

Les communications que le général prussien entretient à Bâle avec l’agent de la République, sont plus actives que jamais. Le négociant Schmertz est toujours auprès du citoyen Bâcher. Le major Mayenrinck, adjudant-général de Mollendorf vient de l’y rejoindre, et il est muni des pouvoirs de son chef pour traiter de l’échange des prisonniers, ainsi que des autres objets qui y tiennent. Les dispositions de la Prusse sont toujours les mêmes, et cependant de graves événemens ont changé en peu de jours la face des affaires, qui semblaient avoir rappelé son attention sur la Vistule.

Soit que l’insurrection polonaise n’ait été que l’explosion d’une intrigue sourdement conduite, dont le patriotisme polonais a été pris pour dupe, soit que ce généreux mouvement n’ait été trahi que par la fortune des armes, l’entreprise a échoué. Souvarow, qui se tenait là tout près, en embuscade, avec une armée nombreuse, a profité du prétexte, comme s’il se l’était ménagé ; il est tombé sur les insurgés avec l’empressement le plus cruel. Il les a vaincus dans une première bataille, livrée sur le Bug, près de Brezesk. Il les a anéantis dans une seconde bataille que Kocziusko, accouru au secours de ses compagnons, a risquée sur le chemin de Varsovie. Kocziusko est tombé prisonnier des Russes; tous les autres chefs sont tués, pris ou dispersés. Souvarow a signalé son triomphe par le sac et l’incendie du faubourg de Praga, et l’occupation de Varsovie lui livre les restes de la malheureuse Pologne.

Le comité de Salut Public ne peut que savoir gré à la Prusse de ce que de pareils événemens ne la détournent pas de son premier projet de traiter avec la République; il commence à accorder sa confiance aux ouvertures qui ont été faites. Les explications de Bâle deviennent plus franches et plus positives. Les Prussiens y renouvellent leur promesse de ne point agir hostilement; ils demandent seulement que nous ménagions les provinces prussiennes occupées par nos troupes, et ne paraissent embarrassés que pour ce qui regarde Mayence. «L’honneur du roi et de son général,

» disent-ils, tient à la conservation de cette place.»

Si, des affaires du nord, nous passons à celles du midi, le point de vue n’est pas moins favorable à la République. Ses armées des Pyrénées ont pris le même essor que celles du Rhin.

Dugommier et Moncey sont entrés en Espagne. Ce dernier s’est emparé de la mâture d’Iriaty et de la fonderie d’Orbaceyte, les deux établissemens les plus importans de la Biscaye. Du côté de Dugommier, l’offensive est encore plus décidée. Après avoir pris possession de la Montagne Noire, ce général s’est avancé sur le camp de la Madelaine, où le général espagnol La Union l’attendait derrière une centaine de redoutes hérissées d’artillerie. Augereau commandait l’attaque de la gauche, Pérignon celle du centre, et Sauret celle de droite; deux batailles ont été successivement livrées à la Madelaine et à Saint-Sébastien, toutes deux glorieuses pour la France, mais sanglantes et également fatales aux généraux en chef des armées opposées. La Union a perdu la bataille avec la vie. Dugommier plus heureux a du moins été enseveli dans le triomphe. Un éclat d’obus l’a frappé au moment où il concevait le juste espoir d’aller avant l’hiver asseoir son camp sous les murs de Barcelonne. Pérignon a pris le commandement d’une main vigoureuse; il a su achever ce qui était si bien commencé, tandis qu’Urrutia, qui succédait à La Union, faisait de vains efforts pour arrêter sa déroute. La place de Figuières, restée à découvert, s’est trouvée aussitôt investie. Sa garnison comptait neuf mille hommes; ses remparts étaient armés de cent cinquante pièces de canon; mais la terreur était derrière ses portes, et la place n’a pas tardé à se rendre. «Je doute, écrit

» Pérignon, qu’on puisse même en deux mois,

» avec tout le zèle possible, dresser l’état des

» ressources en tout genre qui viennent de tomber

» dans nos mains.»

On marche sur Rose. La prise de cette place couronnera la campagne.

Manuscrit de l'an trois (1794-1795)

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