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CHAPITRE II.

Table des matières

DÉMARCHES CONCILIATRICES AUPRÈS DE L’ESPAGNE.

( 13 pluviôse. 6 février. )

LA négociation de Bâle ne pouvait manquer d’en amener d’autres. Le vent souffle à la paix sur toutes les puissances du second ordre. Du côté de l’Italie, à Venise, à Gênes, à Bâle même, divers princes frappent aux portes, et le comité de Salut Public se fait tout oreilles pour les entendre. Il tourne surtout son attention vers les Pyrénées, et c’est dans ce moment qu’il apprend avec quelle maladresse on a repoussé sur la frontière les dernières ouvertures si franches et si loyales du général Urrutia. Mais il ne s’agit plus de prévenir le mal; il ne peut être question que de le réparer, et l’on n’a qu’une crainte à cet égard, c’est de ne pas faire assez.

D’abord on charge les Représentans près l’armée des Pyrénées de renouer, s’il est possible, avec le général espagnol, quelques communications à l’aide desquelles on essaiera de revenir sur le mauvais effet de la dernière.

En même temps, on écrit à Venise, à Bâle, à Hambourg, à Copenhague, enfin à tous les envoyés que nous avons dans des résidences où l’Espagne entretient aussi des agens; on cherche à faire entendre à ceux-ci «que les premières

» communications du gouvernement espagnol

» n’ont pas été accueillies comme il était dans

» l’intention du gouvernement français qu’elles

» le fussent; qu’elles ont été mal comprises,

» parce qu’elles étaient mal adressées; que la

» France ne veut pas la perte de l’Espagne; que

» l’Espagne ne veut pas la perte de la France;

» et que si l’on est décidé à Madrid à traiter de

» bonne foi, on sera bientôt d’accord.»

Ce n’est pas tout; ces avis sont détournés; le Comité veut en risquer de plus directs. Le citoyen Bourgoing, dernier chargé d’affaires que la France ait eu à Madrid, a quitté l’Espagne depuis dix-huit mois seulement. Le souvenir qu’il y a laissé est trop honorable et trop récent pour qu’il n’y jouisse pas encore de quelque crédit; il vit retiré à Nevers; on le fait venir. On lui répète ce qu’il s’agit de bien expliquer à quelques-uns des hommes influens avec lesquels il a été en relation à Madrid et, le 19 pluviôse, sur la table même du Comité, le citoyen Bourgoing expédie les lettres qu’on lui demande. C’est à MM. d’Ocaritz et d’Yriarte qu’il s’adresse sous un prétexte purement personnel. Les dépêches partent sous le couvert du ministre des États-Unis, à Paris.

Ce n’est pas tout encore. Le Comité désire ajouter les procédés aux paroles, et le hasard lui en fournit une occasion qu’il s’empresse de saisir.

Dans les lettres qui viennent de passer à la frontière, il s’en trouve une de M. de Crillon, ancien officier général français au service d’Espagne, qui écrit à son fils, brigadier des armées espagnoles, maintenant prisonnier de guerre en France, et dans cette lettre on remarque, entre autres passages, celui-ci:

«J’ai un reste d’espoir de voir finir cette guerre

» malheureuse, et d’en voir recommencer une

» nouvelle, où je pourrais encore espérer de combattre

» avec les Français unis aux Espagnols,

» contre les vrais ennemis des deux nations.»

Le Comité est touché de ces sentimens qui s’accordent si bien avec sa politique, et pour en rendre un éclatant témoignage, il donne ordre que M. de Crillon fils, retenu en cantonnement dans les environs de Montpellier, soit dirigé sur le quartier général de l’armée des Pyrénées-Orientales. Le représentant du peuple, Goupilleau de Fontenay, qui est en mission sur la frontière, reçoit en même temps des instructions sur la conduite amicale à tenir envers ce prisonnier.

L’envoi des lettres du citoyen Bourgoing, et l’exécution des ordres relatifs au jeune Crillon, deviennent l’occasion d’une correspondance qui se rétablit dans les termes suivans entre les généraux en chef:

«Au quartier-général de Figuières, le 27 pluviôse an III ( 15 février 1795).

» Le général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales,

» au général en chef de l’armée

» espagnole.

» Je t’adresse, général, une dépêche pour le

» ministre des Etats-Unis d’Amérique, résidant

» en Espagne. Elle vient de son collègue, envoyé

» près la république française. Je te prie

» de la lui faire tenir incessamment et avec sûreté.

» Je profite de cette occasion pour t’envoyer le

» discours prononcé à la Convention nationale le

» 14 frimaire dernier, par Merlin de Douay, et

» celui de Boissy-d’Anglas, du 11 pluviôse; tu

» y verras la franchise et l’impartialité avec lesquelles

» les intérêts des puissances belligérantes

» sont discutés; tu y trouveras la proclamation

» des principes de notre gouvernement. Quoique

» je ne sois ici que pour me battre, comme je te

» l’ai écrit, j’aime trop mon pays, j’aime trop la

» République pour ne pas chercher à détruire les

» préventions injustes que les ministres de Londres

» se sont attachés à répandre sur les intentions

» de la France. Je voudrais qu’il me fût

» possible de faire parvenir ces deux discours dans

» les quatre parties du monde,

» Signé, PÉRIGNON.

» P. S. Comme le ministre américain, résidant

» en France, désire être assuré que sa lettre à son

» collègue en Espagne est parvenue, je te prie

» d’en faire mention dans ton reçu.»

Peu de jours après, le jeune Crillon est amené au représentant du peuple Goupilleau de Fontenay, à Figuières. Celui-ci a bien compris les intentions du Comité, et il s’y conforme avec une franchise et une générosité de manières bien rares jusqu’alors. Le jeune Crillon sait que sa délivrance est le prix des vœux que son père a formés pour la paix. Le fils ne dément pas les sentimens du père. Plein de loyauté, il est comme lui dominé par le plus vif désir de voir l’union se rétablir entre les deux nations, et le 2 ventôse il est remis au camp espagnol.

Laissons à ces différentes démarches le temps de produire leur effet. Quatre jours après les avoir prescrites, le comité de Salut Public a la satisfaction de signer enfin son premier traité de paix. Ce n’est ni avec l’Espagne, ni avec la Prusse; c’est avec la Toscane.

Manuscrit de l'an trois (1794-1795)

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