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CHAPITRE I.

Table des matières

LA COALITION SE DIVISE.

( Fin de l’an II. )

LA journée du neuf thermidor vient de faire tomber le masque hideux que la révolution française a porté trop long-temps, et dans le même moment la victoire semble redoubler d’efforts pour rendre à la nouvelle république des traits aussi imposans que glorieux.

Au nord, Jourdan, vainqueur à Fleurus, n’a plus qu’un pas à faire pour rejeter les armées allemandes par-delà le Rhin. Au midi, Dugommier, qui a chassé les Anglais de Toulon, arrive sur les Pyrénées et porte l’attaque aux lieux où les Espagnols n’ont encore trouvé que là défense. Du côté des Alpes, les baïonnettes républicaines couronnent le sommet des derniers monts qui couvrent l’Italie; enfin, par toutes les issues, nos phalanges sont prêtes à déborder sur l’Europe.

Cependant voilà plus de deux ans que presque tous les rois s’obstinent dans cette guerre sanglante. Le moment où les grandes coalitions se divisent, semble n’être plus éloigné. Quand des poids inégaux subissent le même jet, il en reste toujours plus d’un en arrière.... Mais de quels rangs sortiront les premières paroles de paix? Par qui seront-elles portées? Et comment ce comité de Salut Public, à qui l’on fait encore une réputation si farouche, voudra-t-il les entendre?

Nous allons voir la diplomatie des rois, renonçant à ses vieilles allures, s’engager en tâtonnant sur un terrain qui n’est plus celui des palais et des chancelleries; se prêter à des formes nouvelles, entendre un langage nouveau, payer enfin tribut aux temps extraordinaires avec lesquels elle est réduite à s’accommoder; cet épisode est propre à jeter quelque variété dans l’histoire trop monotone des négociations modernes.

Un mois était à peine écoulé depuis la chute de Robespierre, lorsqu’un inconnu se présente à Baden en Suisse, chez le citoyen Barthélemy, ambassadeur de la République française, près les cantons Helvétiques. Il remet un paquet, et disparaît. Ce mystérieux message contient des propositions faites au nom de la Prusse par le feld-maréchal Mollendorf, pour un échange de prisonniers. Quelques insinuations s’y trouvent qui paraissent annoncer le désir d’une pacification.

Peu de jours après, la personne qui a remis ce paquet se fait connaître au citoyen Bâcher, agent de la République à Bâle. C’est un négociant allemand nommé Schmerts, des environs de Francfort. Schmerts finit par s’établir à Bâle, près du citoyen Bacher; il demande, il sollicite une réponse de Paris. En attendant, il n’hésite pas à communiquer les lettres qu’il continue de recevoir du maréchal Mollendorf, relativement à l’échange proposé. Dans ces lettres, on parle des opérations militaires qui se poursuivent sur le Rhin; on assure que les Prussiens ne veulent pas attaquer; on prédit même des mouvemens que les armées autrichiennes essaieront, et qui ne seront pas secondés....

Presque au même moment, à deux cents lieues de là, sur la frontière espagnole, des dispositions semblables se déclarent; le 4 vendémiaire, an III (24 septembre 1794), un trompette arrive au camp de Dugommier.

Dans nos armées, la défiance la plus ombrageuse environne les relations qu’on peut avoir avec l’ennemi. Les généraux savent qu’ils sont soumis à la plus grande surveillance; le temps n’est pas encore loin où leur tête tombait au moindre doute, et rien n’égale leur circonspection. Quand un parlementaire se présente, c’est toujours en public qu’il est admis, et le cartel est lu à haute voix. Dugommier reçoit ainsi le trompette espagnol. Le message a pour objet de transmettre une lettre du citoyen Simonin, payeur de nos prisonniers de guerre à Madrid. Dugommier se hâte d’ouvrir cette seconde enveloppe; une petite branche d’olivier s’offre a sa vue; on l’a glissée dans une incision faite à la marge, et ce n’est qu’à l’aide de ce signe emblématique qu’on peut comprendre le sens de la dépêche: «Si vous faites accueil à ce symbole, » dit Simonin, la personne dont on m’a parlé se

» montrera à découvert.» Les temps passent si vite qu’on ne saurait plus aujourd’hui comment motiver cette extrême réserve d’expression dans la communication dont Simonin s’est chargé. Il faut se rappeler la position particulière où la Convention nationale s’est placée depuis quelques mois à l’égard de l’Espagne. Un décret défend sous peine de mort de parler de paix avec cette puissance, tant que les généraux espagnols n’auront pas donné satisfaction de la capitulation violée à Collioure. On est sous le poids de cette terrible défense. Non-seulement Simonin craint de parler, mais Dugommier lui-même craint d’entendre. Il s’empresse de déposer cette inquiétante communication entre les mains d’un représentant du peuple, qui est en mission près de son armée; ce représentant, c’est Delbrel, de la Corrèze. Celui-ci commence par dicter à Dugommier la réponse qu’il doit faire à Simonin. Avant de rien écouter, on y réclame l’exécution de la capitulation de Collioure. Delbrel en refère ensuite au comité de Salut Public.

Ainsi, les premières ouvertures arrivent presque en même temps de la part de la Prusse et de l’Espagne. Suivons-les au comité de Salut Public.

Manuscrit de l'an trois (1794-1795)

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