Читать книгу Manuscrit de l'an trois (1794-1795) - Fain Agathon-Jean-François - Страница 12

Оглавление

CHAPITRE VII.

Table des matières

DÉMARCHE DIRECTE DE LA PRUSSE

( Suite de frimaire. )

LES paroles du Comité ne pouvaient manquer d’aller à leur adresse: déjà même, de la part de plusieurs Puissances, on venait au-devant.

On ne tarde pas à apprendre que le Cabinet de Berlin a pris son parti, et que dans les premiers jours de décembre, M. de Goltz, dernier ambassadeur de Prusse à la cour de France, a été nommé pour traiter avec la République. M. Harnier, son secrétaire de légation, le devance. Ce précurseur de la paix pousse jusqu’à Paris, et se présente au Comité : son langage est des plus concilians.

«Le roi, mon maître, dit-il, a pu être révolté

» des horreurs qui, principalement sous le règne

» de Robespierre, ont marqué l’époque de la révolution

» française; mais, loin d’en vouloir à la

» France de ce dont elle-même était victime,

» loin d’avoir la prétention de la subjuguer ou

» de s’immiscer dans son régime intérieur, le

» roi de Prusse n’a désiré que lui voir retrouver le

» bonheur qu’elle avait perdu dans ses convulsions

» intestines. Sa Majesté, charmée du changement

» décisif qui paraît être survenu dans les principes

» et dans la marche du gouvernement français

» depuis la chute du parti jacobin, en tire

» le plus heureux augure pour le rétablissement

» de la tranquillité. Elle désire sincèrement le

» retour de la paix; elle ambitionne même, si les

» circonstances s’y prêtent, le beau rôle de pacificateur

» d’une grande partie de l’Europe.»

Le voyage de M. Harnier a pour but de connaître définitivement si les intentions pacifiques du Comité s’accordent avec celles du roi; M. de Goltz, qui arrive à Bâle, y attend son retour; on veut répondre avec franchise à cette démarche. En conséquence, le Comité n’hésite pas à s’expliquer sur les conditions qu’il entend mettre à la paix. Il déclare nettement à M. Harnier que la principale est la cession de toute la rive gauche du Rhin, y compris Mayence. «La République,

» dit le Comité , ne s’opposera pas à ce que la

» Prusse et les princes d’Allemagne, auxquels

» cette cession doit enlever des provinces ou des

» portions de territoire, cherchent les moyens de

» s’indemniser, soit aux dépens de la maison d’Autriche,

» soit dans la sécularisation des biens ecclésiastiques,

» sécularisation dont le traité de

» Westphalie a déjà donné l’exemple. Quant à

» l’intention que la Prusse paraît avoir de s’interposer

» en faveur des princes, ses voisins, le Comité

» se montre disposé à s’y prêter.»

Muni de cette réponse, M. Harnier s’empresse d’aller rejoindre M. de Goltz à Bâle. Il n’a pas manqué de rendre compte à Berlin des moindres détails de son voyage. Le Cabinet prussien, au premier coup d’œil, nous trouve exigeans; mais la loyauté des procédés le rassure, et M. de Goltz reçoit ses instructions définitives.

De son côté, le comité de Salut Public a nommé un plénipotentiaire; c’est l’ambassadeur en Suisse, Barthélemy. Le citoyen Bacher lui est adjoint en qualité de secrétaire interprète; dans l’intérieur du Comité, le représentant Cambacérès est chargé de suivre les commencemens de la correspondance de Bâle.

Cet état d’accommodement dans lequel on est enfin placé avec la Prusse, est un grand pas de fait, et le Comité se hâte de s’en prévaloir dans le petit nombre de correspondances qui lui sont ouvertes en Europe; il est pressé surtout d’en donner la nouvelle à Copenhague, où règne le ministre le plus considéré du Nord. La politique républicaine achève de se développer dans cette communication:

«Tu assureras M. de Bernstorff, écrit le Comité

» à l’envoyé de la République Grouvelle, que

» l’opinion qu’il a fait entrevoir, relativement

» au sort des pays conquis, n’a pas peu contribué

» à affermir notre gouvernement dans la résolution

» qu’il était déjà disposé à prendre à l’égard

» de la limite du Rhin. La Prusse nous

» propose d’intervenir en faveur des princes d’Allemagne;

» dis à M. de Bernstorff que nous ne

» croyons pas que les médiations en général, et

» particulièrement celle de la Prusse, conviennent

» à la République. Mais si le mot nous paraît

» déplacé , nous voulons à peu près la chose.

» Nous verrons donc avec plaisir les petits États

» séculiers se rallier autour de la Prusse, en même

» temps que nous serons disposés à traiter séparément

» avec eux, et c’est surtout par le canal

» de M. de Bernstorff que nous recevrions plus volontiers

» leurs propositions... Il est un autre intérêt

» qui occupe vivement la République et

» sur lequel le Danemarck et la Prusse doivent

» encore avoir même opinion que nous. Il s’agit

» du salut de la Pologne, qui est au moment de

» devenir la proie de la Russie; nous reclamons à ce

» sujet le concours du Danemarck et de la Suède.»

Le Comité qui traite ces grands intérêts a déjà subi plusieurs renouvellemens partiels. Il est maintenant composé des Représentans Prieur de la Marne, Guyton-Morveau, Richard, Cambacérès, Pelet, Boissy-d’Anglas, Dubois-Crancé, André Dumont, Marec, Bréard, Chazal, et de ce même Carnot que nous avons vu sortir le dernier de l’ancien comité de Salut Public. Après un mois d’absence, il vient d’être rappelé aux affaires du gouvernement; témoignage éclatant par lequel la Convention s’efforce de le mettre hors de ligne, tandis que la réaction de l’opinion publique poursuit avec fureur les autres membres du comité décemviral.

Manuscrit de l'an trois (1794-1795)

Подняться наверх