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CHAPITRE III.

Table des matières

PREMIÈRES DÉLIBÉRATIONS DU CABINET DES TUILERIES SUR LES NÉGOCIATIONS QUI SE PRÉPARENT.

( Vendémiaire an III. )

LA proposition qui vient de la Prusse n’a pour objet avoué qu’un cartel d’échange. Doit-on se presser d’y trouver autre chose? Pour entrer avec avantage dans des pourparlers plus sérieux, ne faudrait-il pas encore attendre? Une opinion dont la popularité est imposante, et qui voit chaque jour le nombre de ses partisans s’accroître dans le sein de la Convention, s’élève pour demander que le cours du Rhin soit réservé comme limite définitive à la République. Mais comment déclarer cette grande prétention, avant que le progrès de nos armes nous ait rendus entièrement maîtres et possesseurs du territoire dont il s’agit, et des forteresses qui en sont la clef? Nous bloquons Luxembourg; mais le siège en est à peine commencé, et nous ne sommes pas encore devant Mayence. Une négociation prématurée avec la Prusse pourrait donc faire avorter des espérances que plus tard la valeur de nos soldats promet de réaliser;... et qui sait d’ailleurs si la Prusse, en se mettant en avant, ne cherche pas à détourner, par des trêves et par de vaines négociations, un dénoûment qui doit coûter si cher à ses confédérés? Des dissentimens viennent d’éclater, dit-on, entre le général prussien Mollendorf et le général autrichien Clerfayt. On assure que les Prussiens font mine de vouloir manœuvrer à part; mais cette brouille entre les chefs militaires est-elle bien sérieuse entre les cabinets? Enfin, s’il est vrai que l’aigreur fermente entre ces deux alliés, ne convient-il pas de lui laisser prendre un degré de chaleur qui ne permette plus aux tiers de l’étouffer? Il ne faut rien moins qu’une scission éclatante entre l’Autriche et la Prusse pour amener cette dernière puissance sur le terrain où l’attend la France nouvelle.

Des considérations plus graves encore surviennent et concourent à suspendre l’effet du premier mouvement qui portait le comité de Salut Public à répondre favorablement à la Prusse. Les patriotes polonais viennent de bondir sous le joug qui semblait les tenir abattus. Ils ont couru aux armes; Kocziusko, Zayonscheck, Dombrowski, Joseph Poniatowski, et d’autres braves dont le nom ne mourra pas, sont à leur tête, et les voilà qui tentent de généreux efforts pour renverser les poteaux insolens du dernier partage! Déjà les gouverneurs prussiens de Thorn et de Dantzick ont pris l’alarme, et l’attention du cabinet de Berlin est brusquement rappelée de ce côté. Est-ce dans un tel moment que nous irons traiter avec la Prusse, pour lui donner moyen de reporter en Pologne les troupes qu’elle a sur le Rhin? Nous, qui voudrions secourir par toutes les diversions possibles l’entreprise des Polonais, et qui les encourageons du moins de tous nos vœux commettrons-nous la faute grossière d’accroître le nombre de leurs assaillans, en prêtant l’oreille à des négociation aussi intempestives?

Après avoir mûrement réfléchi, le Comité croit devoir se garder d’un trop grand empressement à répondre aux désirs de la Prusse. On attendra que les événemens mieux connus ne permettent plus de doutes sur les véritables intentions de cette puissance. Mais du côté de l’Espagne, rien n’empêche de voir dès à présent si l’on peut s’entendre.

On n’ignore pas que le Cabinet de Madrid pourrit un profond mécontentement contre celui de Londres. Leur mésintelligence a éclaté ouvertement dans Toulon. Quant aux autres coalisés, l’Espagne, qui ne s’est laissé aller au parti de la guerre que pour exécuter fidèlement son pacte de famille, n’a pas tardé à s’apercevoir que leur politique n’était pas aussi désintéressée que la sienne. Depuis que l’Autriche à fait placer ses Aigles sur les portes de Valenciennes, et que le roi d’Angleterre a pris pour lui la souveraineté de la Corse, il est évident qu’on n’a plus d’autre but que de s’indemniser, par la dépouille de la France, de la vaine démonstration qu’on avait risquée d’abord pour la cause de la royauté. Les politiques de Madrid commencent donc à s’apercevoir que chaque vaisseau français pris ou coulé, que chaque matelot français tué ou fait prisonnier compromet d’autres intérêts que ceux de la France, et qu’en définitive chaque coup porté à cette alliée naturelle a son contre-coup sur l’Espagne. Ce ressentiment triomphera-t-il enfin des affections et des liens de famille?

Les membres du comité de Salut Public ont eux-mêmes à triompher de leurs préventions révolutionnaires contre une branche de la maison de Bourbon. Toutefois, ils se sentent disposés à mettre de côté leur antipathie personnelle, s’il leur est permis de ne plus voir dans les Bourbons d’Espagne que des ennemis de l’Angleterre. Simonin est donc autorisé à entendre les propositions qu’on veut faire passer par son intermédiaire, et déjà le Comité est impatient de connaître toute la pensée de l’Espagne!

Manuscrit de l'an trois (1794-1795)

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