Читать книгу Le mentor vertueux, moraliste et bienfaisant - Laurent-Pierre Bérenger - Страница 12
MORT COURAGEUSE DE THÉOXÈNE.
ОглавлениеPHILIPPE, fils de Démétrius, et roi de Macédoine, avait fait mourir Hérodique, un des principaux du pays de Thessalie, et quelque temps après ses deux gendres. Ses deux filles, nommées Théoxène et Archo, étaient demeurées veuves, ayant chacune un fils encore enfant. Théoxène, recherchée par tout ce qu’il y avait de plus puissant dans la Thessalie, préféra la viduité au mariage. Archo épousa un seigneur du pays des Énianes, nommé Poris, dont elle eut plusieurs enfans, qu’elle laissa dans un bas âge, ayant été enlevée par une mort prématurée. Théoxène, pour être en état de faire élever sous ses yeux les enfans de sa sœur, épousa Poris, et elle prit de ses enfans le même soin que de son propre fils, comme si elle eût été leur mère. Quand elle eut connaissance du cruel édit par lequel Philippe ordonnait d’enfermer les enfans de ceux qui avaient été tués, prévoyant bien qu’ils allaient être livrés à la brutalité du roi et de ses satellites, elle prit une étrange résolution, et déclara qu’elle égorgerait de ses propres mains tous ses enfans, plutôt que de les laisser tomber au pouvoir de Philippe. Poris, qui eut horreur d’une telle proposition, lui dit, pour l’en détourner, qu’il ferait passer tous ses enfans à Athènes chez des amis affidés, et qu’il les y conduirait lui-même. Ils partent donc de Thessalonique, pour se rendre à la ville des Énianes, et pour se trouver à une fête solennelle, qui s’y célébrait tous les ans en l’honneur d’Énée leur fondateur. Tout le jour s’étant passé en fêtes et en réjouissances, sur le minuit, lorsque tout le monde était endormi, ils s’embarquent sur une galère que Poris avait fait préparer, comme pour retourner à Thessalonique, mais en effet dans le dessein de passer à Eubée. Malheureusement un vent contraire les ayant empêchés d’avancer, quelques efforts qu’ils fissent, les repoussa vers la côte. A la pointe du jour, les officiers du roi, à qui la garde du port était confiée, les ayant aperçus, envoyèrent aussitôt une chaloupe armée, avec ordre, sous de grandes menaces, de ne point revenir sans la galère. A mesure que la chaloupe approchait, Poris tantôt exhortait vivement la chiourme de faire effort pour avancer, tantôt levait les mains au ciel et priait les dieux devenir à leur secours.
Théoxène cependant, revenant à son premier dessein, et présentant à ses enfans le poison qu’elle avait préparé et des poignards qu’elle avait apportés avec elle: «La mort seule, leur dit-elle, peut vous délivrer; voilà de quoi vous la procurer. Dérobez-vous à la brutalité du roi par la voie qui vous plaira le plus. Allons, mes enfans, vous qui êtes les plus grands, prenez ces poignards; ou si vous aimez mieux une mort plus lente, avalez ce poison.» Les ennemis étaient tout près, la mère les pressait; ils obéirent, et tous, ou ayant pris du poison, ou s’étant enfoncé le poignard dans le sein, furent jetés à la mer. Théoxène, ayant embrassé son mari, s’y précipita avec lui. Les officiers se saisirent de la galère, mais ils la trouvèrent vide.