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SOLON ET CRÉSUS.

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LE philosophe Solon s’étant rendu à Sardis, à la sollicitation de Crésus, roi de Lydie, qui témoignait un empressement extraordinaire pour le voir, on le présenta d’abord à ce prince, qui l’attendait assis sur son trône, et qui s’était exprès revêtu de ce qu’il avait de plus précieux. Solon ne parut point étonné à la vue de tant de magnificence. Crésus lui dit: Mon hôte, je connais ta sagesse par réputation; je sais que tu as beaucoup voyagé, mais as-tu jamais vu personne vêtu si magnifiquement que moi? Oui, répondit Solon, les faisans, les coqs et les paons ont quelque chose de plus magnifique, puisque tout ce qu’ils ont d’éclatant leur vient de la nature, sans qu’ils se donnent aucun soin pour se parer. Une réponse aussi imprévue surprit fort Crésus. Il commanda à ses gens que l’on ouvrît tous ses trésors, et qu’on déployât devant Solon tout ce qu’il y avait de meubles précieux dans son palais. Il le fit venir une seconde fois devant lui. Avez-vous jamais vu, lui dit-il, un homme plus heureux que moi? Oui, répondit Solon: c’est Tellus, citoyen d’Athènes, qui a vécu en honnête homme dans une république bien policée; il a laissé deux enfans avec un bien raisonnable pour les faire subsister, et enfin il a eu le bonheur de mourir les armes à la main, en remportant une victoire pour sa patrie. Les Athéniens lui ont dressé un tombeau dans le lieu même où il avait perdu la vie, et lui ont rendu de grands honneurs.

Crésus ne fut pas moins étonné que la première fois. Il crut que Solon était un insensé. Eh bien, continua-t-il, quel est le plus heureux des hommes, après Tellus? Il y a eu autrefois deux frères, répondit-il, dont l’un s’appelait Cléobis et l’autre Biton; ils étaient si robustes, qu’ils sont toujours sortis victorieux de toutes sortes de combats. Ils s’aimaient parfaitement l’un et l’autre. Un jour de fête, la prêtresse de Junon, leur mère, pour qui ils avaient beaucoup de tendresse, devait aller nécessairement faire un sacrifice au temple; on tardait trop à amener ses bœufs: Cléobis et Biton s’attelèrent à son char, et la traînèrent jusqu’au lieu où elle voulait aller. Tout le peuple leur donna mille bénédictions. Toutes les mères, ravies en admiration, félicitèrent celle-ci d’avoir mis au monde de tels enfans. Pénétrée des plus vifs sentimens de joie et de reconnaissance, elle pria instamment la déesse de vouloir accorder à ses fils pour récompense ce qu’il y avait de meilleur pour les hommes. Elle fut exaucée. Après le sacrifice, ils s’endormirent, dans le temple même, d’un doux sommeil, et y terminèrent leur vie par une mort tranquille. Crésus ne put s’empêcher de faire paraître sa colère. Comment! répliqua-t-il, tu ne me mets donc point au nombre des heureux? O roi des Lydiens! répondit Solon, vous possédez de grandes richesses, et vous êtes maître de quantité de peuples; mais la vie est sujette à de si grands changemens, qu’on ne saurait décider de la félicité d’un homme qui n’est pas encore au bout de sa carrière.

Le mentor vertueux, moraliste et bienfaisant

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