Читать книгу Le mentor vertueux, moraliste et bienfaisant - Laurent-Pierre Bérenger - Страница 8
LE JEUNE CYRUS.
ОглавлениеQUAND Cyrus eut atteint l’âge de douze ans, sa mère, Mandane, le mena en Médie chez Astyage son grand-père, à qui tout le bien qu’il entendait dire de ce jeune prince avait donné un grande envie de le voir. Il trouva dans cette cour des mœurs bien différentes de celles de son pays. Le faste, le luxe, la magnificence y régnaient partout. Il charmait son grand-père par des saillies pleines d’esprit et de vivacité, et gagnait tous les cœurs par ses manières nobles et engageantes.
Astyage, voulant faire perdre à son petit-fils l’envie de retourner en son pays, fit préparer un repas somptueux, dans lequel tout fut prodigué, soit pour la quantité , soit pour la délicatesse et la qualité des mets. Cyrus regardait avec des yeux indifférens tout ce fastueux appareil; et comme Astyage en paraissait surpris: Les Perses, dit-il, au lieu de tant de détours et de circuits pour apaiser la faim, prennent un chemin bien plus court pour arriver au même but: un peu de pain et de cresson les y conduit. Son grand-père lui ayant permis de disposer à son gré de tous les mets qu’on avait servis, il les distribua sur-le-champ aux officiers du roi qui se trouvèrent présens: à l’un, parce qu’il lui apprenait à monter à cheval; à l’autre, parce qu’il servait bien Astyage; à un autre, parce qu’il prenait grand soin de sa mère. Sacas, échanson d’Astyage, fut le seul à qui il ne donna rien. Cet officier, outre sa charge d’échanson, avait celle d’introduire chez le roi ceux qui devaient être admis à son audience; et comme il ne lui était pas possible d’accorder cette faveur à Cyrus aussi souvent qu’il la lui demandait, ileut le malheur de déplaire à ce jeune prince, qui lui en marqua, dans cette occasion, son ressentiment. Astyage témoignant quelque peine qu’on eût fait cet affront à un officier pour qui il avait une considération particulière, et qui la méritait par l’adresse merveilleuse avec laquelle il lui servait à boire: Ne faut-il que cela, mon père, reprit Cyrus, pour mériter vos bonnes grâces? Je les aurai bientôt gagnées; car je me fais fort de vous servir mieux que lui. Aussitôt on équipe le petit Cyrus en échanson. Il s’avance gravement, d’un air sérieux, la serviette sur l’épaule, et tenant la coupe délicatement des trois doigts. Il la présenta au roi avec une dextérité et une grâce qui charmèrent Astyage et Mandane. Quand cela fut fait, il se jeta au cou de son grand-père; et en le baisant, il s’écria, plein de joie: O Sacas, pauvre Sacas, te voilà perdu! j’aurai ta charge. Astyage lui témoigna beaucoup d’amitié. Je suis très-content, mon fils, lui dit-il; on ne peut pas mieux servir. Vous avez cependant oublié une cérémonie qui est essentielle; c’est de faire fessai. En effet, l’échanson avait coutume de verser de la liqueur dans la main gauche, et d’en goûter avant que de présenter la coupe au prince. Ce n’est point du tout par oubli, reprit Cyrus, que j’en use ainsi. Et pourquoi donc? dit Astyage. C’est que j’ai appréhendé que cette liqueur ne fût du poison. Du poison! et comment? Oui, mon père; car il n’y a pas long-temps que, dans un grand repas que vous donniez aux grands seigneurs de votre cour, je m’aperçus qu’après qu’on eut un peu bu de cette liqueur, la tête tourna à tous les convives. On criait, on chantait, on parlait à tort et à travers. Vous paraissiez avoir oublié que vous étiez roi, et eux, qu’ils étaient vos sujets: enfin, quand vous vouliez vous mettre à danser, vous ne pouviez vous soutenir. Comment! reprit Astyage, n’arrive-t-il pas la même chose à votre pere? Jamais, répondit Cyrus. Eh! quoi donc? quand il a bu, il cesse d’avoir soif; et voilà tout ce qui lui en arrive.