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LE TRIOMPHE DE L’AMITIÉ.

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Table des matières

DÉMÉTRIUS de Sunion avait été élevé dès son enfance avec Antiphile, et voyagea avec lui en Egypte, pour apprendre la philosophie cynique, au lieu que le dessein d’Antiphile était d’y étudier la médecine. Comme Démétrius était allé voir les antiquités du pays, et naviguait il y avait déjà six mois sur le Nil, ayant laissé au logis son camarade, qui ne pouvait souffrir les chaleurs et les autres incommodités du voyage, il arriva à Antiphile un accident qui lui fit regretter l’absence de son ami. Car un de ses esclaves s’associa avec quelques voleurs pour piller le temple d’Anubis, d’où ils emportèrent la statue du dieu avec plusieurs autres choses, qu’ils cachèrent sous un lit au logis d’Antiphile.

Mais les voleurs ayant été pris comme ils vendaient quelques pièces de leur larcin, ils confessèrent tout à la question: de sorte qu’on arrêta l’esclave, et ensuite le maître, qui était aux écoles publiques, après avoir trouvé chez lui le butin, car l’indignité de l’action faisait qu’on ne l’osait secourir, et chacun l’avait en horreur comme un sacrilége. Cependant ses deux autres esclaves emportèrent tout ce qui lui restait, tandis qu’il était en prison, abandonné de tout le monde, et tourmenté par le geolier, qui croyait faire service aux dieux en le maltraitant, et qui ne voulait pas seulement l’ouïr lorsqu’il voulait se justifier. Il tomba bientôt malade de chagrin et de misère, car il couchait sur la terre, sans pouvoir étendre ses jambes pour dormir, parce qu’on les attachait la nuit à une pièce de bois; mais de jour il n’avait qu’une main liée avec le cou. Toutefois le bruit des chaînes l’empêchait de pouvoir reposer le jour, non plus que la nuit, parce qu’il était enfermé pêle-mêle avec plusieurs autres criminels dans un cachot puant, où il avait de la peine à respirer. En ce funeste état, insupportable même aux plus robustes, et à plus forte raison à un jeune homme qui avait été élevé tendrement, il commençait à défaillir peu à peu, et ne voulait déjà plus rien prendre, lorsque Démétrius, qui ne savait rien de l’affaire, arriva, et sitôt qu’il l’eut appris, courut en hâte à la prison, où l’on ne voulut pas le laisser entrer, à cause qu’il était tard, et que le geolier était retiré et les gardes posées. Il fallut donc attendre jusqu’au lendemain, qu’il eut de la peine à entrer et encore plus à reconnaître son ami, tout défiguré, après l’avoir cherché long-temps comme on cherche un homme entre les morts en un jour de bataille; s’il ne se fût avisé de l’appeler par son nom, il ne l’eût jamais pu trouver. Mais quand il eut répondu, il le reconnut à sa voix, et lui détournant les cheveux de dessus le front, s’évanouit à ce spectacle, et Antiphile aussi. Démétrius, étant revenu le premier, aida son compagnon à reprendre ses esprits, et lui donna la moitié de son manteau, au lieu des haillons dont il était couvert. Ensuite il sortit pour l’assister; et comme il n’avait ni argent ni crédit, il se louait pour porter des marchandises sur le port, et, après avoir travaillé tout le matin, il portait tout ce qu’il avait gagné à son ami, dont il donnait une partie au geolier, et s’entretenait du reste. Mais, la nuit venue, il fallait qu’il se retirât et qu’il dormît à la porte sur un petit lit qu’il s’était fait d’herbes et de branches; car on ne voulait pas le laisser coucher dans la prison. Ils vécurent ainsi quelque temps, jusqu’à ce qu’un des prisonniers étant mort de poison, à ce qu’on croyait, on ne voulut plus laisser entrer personne: si bien que Démétrius, qui ne pouvait quitter son ami, s’alla par désespoir déclarer complice du même crime, et fut attaché avec lui; encore eut-il bien de la peine à obtenir celte courtoisie du geolier. Cependant ils tâchaient d’adoucir leurs maux par leur conversation, et chacun avait plus de soin de la santé de son compagnon que de la sienne, particulièrement Démétrius, qui, étant tombé malade, ne laissait de faire ce qu’il pouvait pour consoler Antiphile. Sur ces entrefaites, un accident imprévu leur rendit la liberté lorsqu’ils ne l’attendaient plus: car un prisonnier s’étant procuré une lime, rompit la chaîne où ils étaient tous attachés, et se sauva avec les autres, après avoir tué les gardes; mais la plupart furent repris comme ils s’écartaient çà et là. Cependant nos deux amis demeurèrent dans la prison, et arrêtèrent leur esclave, aimant mieux mourir que de passer pour coupables d’un crime pire que la mort même. Le gouverneur de l’Egypte, ayant appris cette nouvelle, les mit tous deux en liberté, après qu’ils eurent justifié de leur innocence mais, plein d’admiration pour leur vertu, il donna dix mille drachmes à Antiphile, et le double à Démétrius, qui se retira vers les Gymnosophistes des Indes, et laissa le tout à son camarade.

Le mentor vertueux, moraliste et bienfaisant

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