Читать книгу Le mentor vertueux, moraliste et bienfaisant - Laurent-Pierre Bérenger - Страница 9
ОглавлениеDémosthène et Eschine.
L’ORATEUR Eschine, jaloux de la gloire de Démosthène, son rival, entreprit d’attaquer le décret qui lui avait accordé une couronne d’or.
Jamais cause n’excita tant de curiosité, et ne fut plaidée avec tant d’appareil. On accourut de toutes parts, et l’on accourut avec raison.
Quel plus beau spectacle que de voir aux mains deux orateurs, excellens chacun en son genre, formés par la nature, perfectionnés par l’art, et de plus animés par d’éternelles dissensions et par une haine implacable! Eschine succomba, et paya de la juste peine de l’exil une accusation témérairement intentée. Au moment qu’il sortit d’Athènes, son vainqueur, la bourse à la main, courut après lui, et l’obligea d’accepter une offre qui dut lui faire d’autant plus de plaisir, qu’il avait moins lieu des’y attendre. Sur quoi Eschine s’écria: Comment ne regretterais-je pas une patrie où je laisse un ennemi si généreux, que je désespère de rencontrer ailleurs des amis qui lui ressemblent?
Il alla s’établir à Rhodes, et ouvrit là une école d’éloquence, dont la gloire se soutint pendant plusieurs siècles. Il commença ses leçons par lire à ses auditeurs les deux harangues qui avaient causé son bannissement. On donna de grands éloges à la sienne; mais quand ce vint à celle de Démosthène, les battemens de mains et les acclamations redoublèrent; et ce fut alors qu’il dit ce mot, si louable dans la bouche d’un ennemi et d’un rival: Eh! que serait-ce donc si vous l’aviez entendu lui-même? C’est ainsi qu’un grand cœur sait parler d’un grand homme.