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IV

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EL dans la petite ville où le ministre l’avait envoyé commander le dépôt du153e, Aristide se roulait avec des jouissances bienheureuses dans sa nouvelle existence. Lolotte était absolument oubliée. Il reprenait ses tranquilles habitudes, ronflant ses douze heures, faisant des stations au café où son coin était toujours réservé.

Les honneurs pleuvaient sur sa tête.

Le gros-major du153e présidait, avec le sous-préfet, les comices agricoles et les concours d’orphéons. Il dînait une fois par semaine chez Monseigneur. Il marchait à une canonisation certaine et d’autant plus nécessaire que son patron était un païen absolument inconnu au paradis.

Malheureusement, Lolotte ne s’était pas découragée et, de bric et de broc, elle avait fini par découvrir le trou perdu de province au fond duquel son amoureux engraissait béatement.

Elle écrivit à Aristide quatre pages plus enflammées que les versets du Cantique des Canliques, et débarqua poste pour poste à la gare où il était venu l’attendre, pestant contre sa mauvaise chance et contre le beau sexe auquel appartenait sa maîtresse.

Elle lui sauta au cou, s’émerveilla comme une gamine de l’installation nouvelle d’Aristide, fureta dans les tiroirs et les papiers, fit jouer les ressorts du lit, et cette inspection terminée, ils allèrent s’asseoir sur un canapé du salon.

–Ce n’est pas tout cela, commença le major; c’est charmant de se revoir, mais tu ne peux pas rester ici.

–Tu ne peux pas rester ici! Répète donc encore! interrompit moqueusement Lolotte. Et pourquoi, s’il vous plaît?

–Parce que je suis le major, parce que je suis une autorité maintenant, que je dois conserver ma dignité…

–De quoi, de quoi, ta dignité!… Qui te parle de la mettre au clou? D’abord, j’aime ça, la dignité.

–Tu ne comprends donc pas que toute la ville saura demain que j’ai fait venir une maîtresse… une Parisienne.

–Et puis?

–Et puis, je n’aurai qu’à faire mon paquet et à disparaître.

Elle hésita, les sourcils froncés, le front appuyé sur l’épaule du major, puis, se redressant allégrement:

–J’ai une idée, fit-elle. Tu vas me faire passer pour ta sœur…

–Ma sœur! murmura-t-il avec une stupeur comique.

–Dame! on a des manières quand on veut s’en donner la peine.

Et en trois mouvements, la petite Parisienne se fit une adorable tête de pensionnaire. Robe aplatie, yeux pudiquement baissés, démarche timide, un peu gauche même, les bras pendant avec modestie le long des hanches, rien n’y manquait. Pégrimard ne la reconnaissait plus.

–C’est-y-ça! m’sieu? questionna-t-elle brusquement.

Il lui répondit en l’embrassant dans le creux de son oreille rose.

Lolotte avait encore gagné la bataille.

Les deux femmes de Mademoiselle

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