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IV

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De ce jour, il s’ébaucha entre ces deux jeunesses ignorantes un roman délicieusement idyllique. La tante et le neveu se tutoyèrent au bout d’une heure et s’aimèrent sans savoir ce que c’est que d’aimer.

Ils couraient le château des caves aux greniers, furetant dans tous les coins noirs ainsi que des écoliers en maraude, et un après-midi, ils découvrirent la bibliothèque. Elle montait jusqu’au plafond, poudreuse, exhalant cette odeur rance des choses anciennes oubliées, et le soleil qui passait entre les vitraux des fenêtres accrochait des paillettes éblouissantes aux reliures fauves, aux dorures des vieux bouquins.

Ils s’approchèrent lentement, comme s’ils eussent été dans un jardin défendu, et leurs regards se posèrent avec une inéluctable curiosité sur les titres de tous ces livres qui leur appartenaient. Il y en avait pour tous les goûts, depuis les Pandectes de Justinien, jusqu’aux Nouvelles de Crébillon. Un Brantôme frangé de cassures familières, dormait appuyé sur la Somme de saint Thomas et les Contes du bon La Fontaine s’appuyaient fraternellement aux Pamphlets de Bussy-Rabutin.

–L’Art d’aimer! lut Éliane sur la tranche d’un elzévir, le joli titre, dis! Veux-tu que nous l’emportions?

Ils en rapportèrent toute une provision dans leurs bras, et leurs lectures commencèrent, se prolongeant souvent bien après l’heure accoutumée à laquelle ils se couchaient autrefois. Ils lisaient, mais ne comprenaient point, et les mutuelles questions, les pourquoi nombreux qu’ils s’adressaient restaient sans réponse.

Pourtant, tout cet amour qu’ils retournaient leur soufflait au visage des bouffées de désir inconscient, les brûlait d’ardeurs inassouvies qui leur brisaient les membres et les laissaient sans force, abattus et languissants.

Le parc avait des couverts profonds, ténébreux et tièdes comme des alcôves parfumées. Là, parfois, ils s’étendaient côte à côte dans l’herbe épaisse et reprenaient le livre à la page cornée la veille. A certains passages, il leur tombait des mains, et c’était alors des silences lourds, troublants, que traversaient seuls la chanson perlée des rossignols et le bourdonnement des abeilles.

Et au bout du parc sommeillaient les eaux vertes d’un étang. Des aulnes étendaient au-dessus de la nappe immobile un dôme de feuillage. Les nénuphars ouvraient dans cette ombre leurs fleurs ambrées et une barque à moitié pourrie était amarrée à la berge. Quand la chaleur était trop lourde, ils venaient s’asseoir dans la barque. A la fin, l’eau les attira vers son miroir calme où transparaissaient les chevelures vertes des algues.

La solitude était complète. Il ne se trouvait d’autres témoins que les cerfs courant sous la futaie, parmi les fougères. Le bain était si tentant qu’ils se déshabillèrent derrière les arbres, et, sournoisement, au moment où elle mouillait ses pieds blancs dans l’étang, le gamin enlaça sa tante par derrière de ses deux bras.

Ce fut ainsi, en plein soleil, dans les plantes qui verdissaient son corps virginal, que la vicomtesse de Castelflorac connut enfin le fond de la corbeille. Et l’on eût dit, à les voir, une nymphe surprise au milieu des roseaux par quelque pâtre audacieux.

Les deux femmes de Mademoiselle

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