Читать книгу Les deux femmes de Mademoiselle - René Maizeroy - Страница 5
III
ОглавлениеElle le suivit dans sa garnison. Puis, prise d’ennui, un beau matin où le sous-lieutenant manœuvrait au polygone, elle emporta ses bijoux et ses «frusques» et prit le train avec un hercule de foire dont elle avait admiré les robustes épaules. L’aventure le guérit du mal d’aimer.
Et, renonçant sagement aux sauteuses de corde, aux maîtresses qui vous lâchent sur la litière, fourbus, éreintés comme des chevaux d’omnibus, il se maria et donna sa démission quatre mois après. Le pauvre diable comptait sur le pot-au-feu familial pour se refaire, pour rénover ses forces disparues. Aussi avait-il choisi, entre toutes les héritières que lui offraient les marieuses du faubourg, une petite femme chétive, presque une petite fille, aux yeux candides, aux formes maigriottes, dont les dix-huit ans sonnaient à peine, et à laquelle on eût donné des deux mains le bon Dieu sans confession…
Il se trompa. L’enfant prit goût au fruit défendu dès les premières morsures. Elle acheva l’œuvre de Ghina avec ses tendresses naïves. Tristan fut héroïque. Il ne quitta pas la brèche, remplissant du soir au matin son tonneau des Danaïdes. Seulement, quand il se trouvait seul, en fumant son «brevas» il réfléchissait avec une mélancolie navrée à l’échéance fatale qu’il lui serait impossible d’éviter. Il se remémorait son oncle de la Croix-Ramillies que les femmes avaient rivé pour la vie à un fauteuil à roulettes, qui ne pouvait plus prononcer quatre paroles et se mourait dans le gâtisme le plus complet. Il ne pouvait sortir de l’impasse. Le gâtisme ou le reste. Le reste, ce qui amuse tant le public dans les bons procès en séparation, mais qui fait rire jaune le mari cocufié. Entre les deux maux, il préféra le premier.
Et,–le dimanche,–bien des têtes se retournaient pour regarder le jeune couple qui descendait les marches de la Madeleine, après la messe des paresseuses, car rien n’était plus bizarre que cette exquise Parisienne, fraîche, rose, exubérante de santé et de vie, donnant le bras à ce long fantoche étique, vieilli, détraqué.