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CHAPITRE VII
LES PRINCIPES DE LA LÉGISLATION DU TRAVAIL

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Table des matières

«Il n’y a,» me disait fort pertinemment l’inspecteur Pigrophile, il n’y a que deux manières de maintenir l’égalité du travail parmi les hommes.

«De deux choses, l’une.

«Il faut absolument les rendre tous habiles, don-ner aux paresseux le courage, l’adresse aux maladroits, l’activité aux indolents, la bonne volonté aux réfractaires.

«Ou bien il faut se résigner à prendre les gens comme ils sont; et puisqu’il n’est, en effet, possible à aucun gouvernement d’élever les plus médiocres à la hauteur des plus habiles, n’est-il pas mille fois plus rationnel de rabaisser par des règlements bien conçus et bien appliqués les natures supérieures au niveau des plus médiocres, des plus paresseux, des plus incapables?»

Evidemment le bon inspecteur finissait par se passionner pour le système dont il était le digne représentant. J’aime à rencontrer des gens ainsi convaincus.

«Oui, monsieur,» continua Pigrophile, «voilà des principes rationnels et qui attestent l’expérience philosophique du législateur. Monter plus haut, est-ce toujours possible? En supposant même que les hommes soient capables de progrès, leur courage moral est-il invariablement en rapport avec leurs facultés? Descendre, au con-traire, diminuer l’effet utile de ses moyens, se croiser les bras, se retenir soi-même dans sa besogne, n’est-ce pas, au fond, céder à l’une des tentations les plus naturelles du cœur humain? N’est-ce pas obéir à l’une des lois fondamentales de notre nature? On devient actif par l’éducation qui vous stimule, on se trouve paresseux par la naissance qui vous prédestine.»

Pigrophile aurait continué sans doute cette exposition de principes à laquelle j’aurais eu bien des choses à répondre; mais un bruit confus se fit entendre dans le premier atelier, dont la porte s’ouvrait directement sur le bureau même de M. l’inspecteur général.

Ce tumulte qui allait en croissant, se trouvait dominé par une voix perçanie dont nous ne pouvions, à travers la cloison, distinguer les paroles.

–«C’est mon sous-inspecteur,» s’écria Pigrophile, il faut qu’il se passe là-bas quelque chose de grave. Le vieux Tardateur que vous entendez crier d’ici, est plus ancien que moi dans l’administration des habits et redingotes. Il y a tantôt vingt-cinq années, il était déjà garçon de bureau à la trois cent dix-septième division du Ministère des vêtements publics. Il a vu bien des orages, Il a assisté à bien des révolutions, depuis qu’il est dans les redingotes. Excusez-moi, monsieur; je me dois à moi-même de ne point l’abandonner dans cette circonstance critique. Je vous quitte pour voler à son secours.»

–«Comment donc!» reprit le comte de Bornéo, mais nous-mêmes nous ne nous séparerons pas de vous. Vous pouvez compter sur notre aide, dès qu’il s’agit de prêter main forte à l’au-torité.»

A ces mots, l’inspecteur général Pigrophile formant la tête de la colonne, mon ami le comte Agénor de Bornéo tenant encore dans ses mains la cravache dont il se servait pour conduire nos chevaux, et enfin votre très-humble serviteur Francis, nous franchîmes tous les trois le seuil de la porte intérieure, afin de voir par nous-mêmes ce qui avait pu arriver au fidèle Tardateur.

Mon voyage au pays des chimères

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