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CHAPITRE V
LES INSPECTEURS DE LA PARESSE

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Table des matières

En pénétrant dans la salle où se taillent, se bâtissent et se cousent les habits, la première personne qui frappa nos regards, fut un monsieur d’une haute taille, qui tenait devant lui un grand registre ouvert. Ce registre avait pour titre: Mauvaises notes et punitions.–Inspection générale.

Nous arrivions au moment où, un petit carnet à la main, M. l’inspecteur était occupé à remettre au net, sur un livre-matricule, le relevé de ses dernières observations.

Le comte de Bornéo, avec un sans-façon que j’admire et avec cette audace qui ne manque jamais de réussir, demanda, à titre d’amateur et de touriste, la permission de jeter un coup d’œil sur les longues colonnes que l’employé était en train de remplir.

–«Vous tombez bien mal, monsieur,» répondit avec une grande politesse, mais aussi avec un embarras visible, le pauvre inspecteur: Notre atelier est dans ce moment-ci dans un état de crise et d’effervescence qui ne lui est pas habituel. Nous avons eu, hier même, un com-mencement de révolte, qui nous a donné bien de l’ennui. C’est à peine si aujourd’hui l’excès du travail commence à rentrer dans les bornes, «Nous avons encore des récalcitrants qui deman-dent, le croiriez-vous?. la liberté de mener leur besogne plus rondement que les autres.»

Un regard sévère d’Agénor arrêta sur mes lèvres la question que j’allais adresser à l’inspecteur. On se révoltait donc dans le pays des Chimères, pour obtenir la faculté de rester plus longtemps à l’atelier ou d’y accomplir un travail plus actif!

Le comte de Bornéo ne paraissait point étonné: rien au monde n’aurait été capable de le surprendre.

–«Y a-t-il longtemps,» dit-il à l’inspecteur, que ces idées subversives de travail libre et volontaire sont entrées dans la tête des ouvriers?»

–«Ne m’en parlez pas, monsieur! Il s’est toujours rencontré, dans le monde, des esprits que rien n’a pu satisfaire et qui ne respectent pas même les institutions les mieux justifiées. Il y a quelques années, l’Académie avait mis au concours, avec un instinct patriotique dont on ne saurait trop faire l’éloge, ce magnifique sujet: «La satisfaction de l’égalité par la paresse. «C’était, comme vous le voyez, une apologie raisonnée de notre régime manufacturier. Vous connaissez comme moi le mémoire couronné. Le gouvernement en a fait faire, comme il arrive pour les ouvrages vraiment utiles à la société, la distribution gratuite par les mains des receveurs de l’impôt. Rien n’a suffi contre ces tendances funestes de la supériorité humaine qui prétend avoir le droit de s’attester par un travail plus fructueux et plus énergique.»

–«Les choses ont-elles été réellement poussées jusqu’à ce point?» hasarda timidement le comte de Bornéo, que ces explications n’éclairaient guère. «Mon jeune ami n’a pas, je crois, des notions bien exactes sur cette partie de la législation, et vous lui rendriez service en lui donnant quelques renseignements plus précis.»

L’inspecteur s’inclina en signe d’assentiment; et, se tournant de mon côté, il s’exprima en ces termes.

Mon voyage au pays des chimères

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