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CHAPITRE VIII
L’ATELIER DES REDINGOTES

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Table des matières

L’atelier présentait un aspect menaçant.

C’était une vaste salle éclairée par d’immenses fenêtres. Il pouvait s’y trouver, à ce moment-là, de sept à huit cents travailleurs.

Chacun d’eux avait devant soi une machine à coudre perfectionnée.

Un moteur d’un système nouveau, reposant sur le principe d’un courant électrique continu, permettait à chacune de ces machines de fonctionner séparément.

Ce moteur se trouvait renfermé dans une petite boîte située sous le piédestal de la machine. Je regrette, au milieu de cette bagarre, de n’avoir pu étudier cette précieuse découverte afin d’en faire profiter mon pays.

Tous les métiers à coudre étaient disposés sur un vaste amphithéâtre, de telle sorte que chacun d’eux faisait face au surveillant. Du haut de sa, chaire, Tardateur pouvait, sans se déranger, se rendre compte des moindres mouvements des ouvriers.

A droite et à gauche de la chaire de Tardateur, tout le long de la paroi qui faisait face aux gradins de l’amphithéâtre, régnait un énorme sopha capitonné, semblable à un immense lit de camp qu’on aurait rembourré et garni de coussins.

On apercevait, étendus sur ce sopha et livrés à toutes les douceurs d’un repos absolu, une cinquantaine d’ouvriers, dans les poses les plus diverses: les uns paraissant goûter le plus profond sommeil, les autres couchés sur le flanc et à moitié relevés sur leur coude. Ils promenaient sur cette salle de travail un regard indolent et distrait.

C’était vraiment un spectacle honteux qu’une pareille oisiveté, en face de ce mouvement et de ce bruit.

A ce moment-là, Pigrophile nous avait devancés de quelques pas. Il était monté dans la chaire au– près de Tardateur. Agénor et moi, nous étions encore à l’entrée de l’atelier.

Je profitai de ce que je tenais le bras du comte pour lui glisser quelques mots à l’oreille:

–«Vous voyez, mon ami, que les mauvais ou-vriers sont partout les mêmes. Les paresseux seront toujours des paresseux. Est-il possible de tolérer que cinquante vigoureux gaillards comme ceux-là restent ici immobiles, lorsqu’en face d’eux, tous ces braves gens sont attelés à la besogne? C’est un vrai scandale de voir ainsi les règlements ouvertement violés et tous ces hommes demeurer sans rien faire, lorsqu’autour d’eux chacun paraît occupé.»

De Bornéo me serra vigoureusement le bras.

–«De grâce, Francis, taisez-vous. Vos réflexions, qui pourraient être excellentes et pleines de justesse à Paris, n’ont plus le sens commun au pays des Chimères. Vous ne comprenez pas le premier mot de ce qui se passe et de ce que vous voyez. Ouvrez les yeux et les oreilles; mais, si vous ne voulez pas nous voir jetés à la porte tous les deux comme perturbateurs de la sécurité publique, gardez-vous de rompre le silence et de laisser soupçonner à personne un seul mot de ce que vous venez de me dire.»

Mon voyage au pays des chimères

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