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XV

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Le lendemain les troupes partirent et je n’y songeai plus; mais, pendant quelque temps, j’entendis constamment parler d’une chose que je ne connaissais pas, de a Citadelle d’Anvers. Cela devait se rapporter à un gros événement. Contrairement à beaucoup d’enfants, je n’interrogeais guère, je préférais chercher moi-même l’explication des choses, soit par paresse, soit pour conserver une plus grande indépendance d’appréciation.

Or, le grand événement du jour, c’était la petite fanfare que mon père était en train d’organiser, et dont les répétitions se faisaient chez nous. Je finis par découvrir que ces mots, Citadelle d’Anvers, devaient être le titre du pas redoublé que jouait cette musique naissante.

Cette musique devait faire partie de la compagnie de pompiers créée dernièrement aussi par mon père, et où il n’avait accepté aucun grade, afin de relever la dignité de simple pompier et étouffer ainsi le germe d’ambitieuses discordes.

Tous les esprits étaient donc occupés de cette fanfare.

Une quinzaine de jeunes gens vinrent s’exercer dans notre cour; d’abord sans instruments, pour apprendre à marcher au pas (unn’, deuss, unn’, deuss), parfois sautant sur une jambe pour retomber en mesure.

Et cela amena du monde sous notre grand’porte, et les Lhiver, nos voisins, se hissèrent sur le mur qui sépare notre basse-cour de leur petite ferme.

Puis, après deux ou trois épreuves de ce genre, arrivèrent les brillants instruments de cuivre, la plupart inconnus ici.

Mon père avait adopté le piston, alors une nouveauté ; cependant son buccin, cette hydre déchue qui avait si longtemps gardé l’escalier, fit sa réapparition au grand jour sur l’épaule d’un rustre, après avoir été si radicalement nettoyée que la laque et l’or avaient disparu, laissant seulement un peu de vermillon au fond des yeux.

Enfin cette musique vint, tous les samedis soir, faire sa répétition dans notre grand salon inachevé, immédiatement au-dessous de ma chambre, et je trouvais un très grand charme à m’endormir au son des couacs de la Citadelle d’Anvers.

Ce fut une belle journée que celle qui vit et entendit les pompiers et leur musique à la messe de la première Sainte-Barbe.

Ils s’y rendirent martialement, serrant bien leurs fusils qui luisaient comme de l’argenterie, entre deux haies de gamins et de jeunes filles ébahies.

Tous portaient la tenue du génie: l’habit avec plastron de velours et boutons d’or. Mais quelle variété dans cette unité !

Chez les uns, cet habit. trop serré au ventre, écartait ses pans comme des pétales; ou, trop peu soutenu chez d’autres, les laissait retomber en queue de chien craintif. Il y avait aussi une grande variété de schakos: on en voyait en toile cirée, forme tromblon, le sommet bordé d’une bande de velours, et dont les flammes et les haches étaient peintes; d’autres, en feutre, allaient se rétrécissant par le haut et portaient les ornements symboliques en vrai cuivre.

Même différence dans les pompons; les uns, piteux et énervés, se recourbaient en tristes plumeaux; les autres s’étendaient orgueilleusement, épanouis comme de fraîches pivoines.

Et personne ne songeait à rire.

La vie d'un artiste : Art et nature

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