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XVIII

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Vers ce temps-là, ma curiosité fut vivement éveillée. On déballa dans notre cour une voiture pleine de livres, presque tous soigneusement reliés, qui excitèrent mon admiration.

Ces livres, toute une bibliothèque, avaient été expédiés par mon oncle Boniface, qui, d’ailleurs, ne tarda pas à nous arriver en personne.

Répondant au vœu suprême de ma mère mourante, il venait demeurer près de nous et nous consacrer son existence.

Il s’installa dans notre maison en sévère réformateur. Adieu vagabondage des rues! Adieu les grandes parties de barre dans la cour qu’une cinquantaine de petits polissons emplissaient parfois de leurs cris sauvages.

Il chassa sans pitié toute cette marmaille où se glissaient quelques grands garçons et grandes filles.

Cependant Louis Mémère et nos voisins Lhiver furent exceptés de cette mesure rigoureuse.

Bientôt, il nous fallut rester de longues heures dans le cabinet de mon oncle, le front penché sur l’alphabet et l’insipide Lhomond.

Ce cabinet occupait à l’étage, au-dessus de la grand’porte, le milieu de la maison.

Il prenait la lumière au Nord, du côté de la cour et du jardin, par un losange vitré de magnifiques verres de couleur où se découpait la date de 1830; et au Sud par la grande fenêtre à balcon qui arrondissait son cintre sous le fronton.

Près de cette fenêtre, le bureau de mon oncle avec sa double rangée de tiroirs que dominaient les deux sphères, terrestre et céleste, une plante marine pétrifiée et de menus coquillages; puis, après un poêle de faïence, notre bureau divisé en trois cases et flanqué de trois tabourets de crin.

Près du losange dormait un grand orgue de Barbarie qui jouait autrefois l’ouverture du Jeune Henri et qui avait perdu presque toutes les touches de son registre supérieur, de sorte que sa basse n’accompagnait plus que quelques notes isolées s’échappant en plainte criarde.

Tout un côté de la pièce était occupé par la bibliothèque qui dissimulait ses livres derrière les battants vitrés de ses compartiments discrètement tendus de soie verte.

Ajoutez à cela le fauteuil de mon oncle, deux ou trois chaises souvent couvertes de journaux et de brochures, un renard empaillé, une petite caisse contenant un flageolet et un bugle en bois, un pupitre portant de la musique, un cor posé sur l’orgue et, pendus au mur, les tableaux synoptiques des principales montagnes et des principaux fleuves; puis deux gravures coloriées, les éruptions du Vésuve et de l’Etna, et lorsque je vous aurai dit que tous ces meubles en mérisier, soigneusement médités, mesurés, rabotés, ajustés, raclés, polis et vernis, avaient lentement vu le jour aux moments perdus que les pipes laissaient au menuisier du grand salon, vous aurez une idée complète de ce cabinet d’étude.

La vie d'un artiste : Art et nature

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