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VI

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Je fis la connaissance de mon oncle Boniface, que j’appelais alors mon oncle de Lille, vers 1830. Ma mère ne gardait pas encore la chambre et vaquait aux petits soins du ménage.

Personne ne se doutait autour de nous de l’influence que mon oncle allait avoir sur nos destinées. Mais on eût dit que je le pressentais, car bien que je n’eusse pas trois ans, je me souviens des menus détails qui précédèrent et accompagnèrent son arrivée.

Il faisait du soleil. J’étais gai comme un pinson. J’avais promis d’être bien sage et j’y étais d’autant plus disposé que j’espérais quelque joli cadeau d’un homme venant d’une grande ville et qui devait avoir de l’importance, à en juger par les apprêts empressés que je remarquais.

Dès le matin, la maison avait pris un air de dimanche et d’attente heureuse qui réjouissait les maîtres, les domestiques et même les objets inanimés, les frais bouquets de la cheminée, la table toute blanche avec sa luisante argenterie, et ces vieilles bouteilles couvertes d’une buée bleuâtre, irisées par le temps et dont les bouchons commençaient à tomber en poussière. Je me rappelle avec quel respect et quelle main attentive mon père déposait ces fameuses bouteilles, toujours à la même place, sur la table-console attachée au mur du salon.

Ma mère allait, venait, et mon père, debout, les yeux sur son journal, tout en lisant pour lui seul, prolongeait un bourdonnement inarticulé, comme pour entendre le son des mots qu’il ne prononçait pas. Ayant ramassé une feuille de papier, j’imitais cette façon bizarre de lire, ce qui fit rire mes parents qui voyaient là une marque d’esprit précoce, lorsque (mon cher oncle, tu n’étais pas un homme ordinaire, puisque à ton occasion je me rappelle et je me plais a raconter des choses si insignifiantes), lorsqu’un roulement de voiture gronda dans la rue et entra dans la cour. Nous accourûmes en poussant de joyeux cris de bienvenue, et, pour la première fois, je me sentis soulevé par les bras de l’homme généreux à qui je dois tout. Je reparlerai longuement de lui. Tout ce que je pus remarquer, ce jour-là, c’est que mon oncle était un élégant monsieur de grande taille, portant un habit à la française bleu à boutons d’or, un pantalon clair et une haute cravate blanche tenant droite sa tête dont le front large et élevé se terminait par un superbe toupet recourbé en volute qui devait être l’objet d’un souci tout particulier.

Je n’avais pas trop espéré de lui: il m’apportait un brillant cor de chasse. Je l’aimai tout de suite.

La vie d'un artiste : Art et nature

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