Читать книгу Les Mémoires de Casanova dans l'édition de Garnier (en 8 Tomes + Fragments + Aventuros + Lettres) - Jacques Casanova de Seingalt - Страница 29
CHAPITRE VIII
ОглавлениеJ’achète une belle voiture, et je pars pour Parme avec le vieux capitaine et la jeune Française. - Je revois Javotte, et je lui fais présent d’une belle paire de bracelets d’or. - Mes perplexités touchant ma compagne de voyage. - Monologue. - Entretien avec le capitaine. - Tête-à-tête avec la Française.
La conversation était animée, et le jeune officier femelle occupait tout le monde, même Mme Querini, quoiqu’elle ne se donnât guère la peine de dissimuler le secret dépit qu’elle éprouvait.
« Je trouve singulier, lui dit-elle, que vous puissiez vivre ensemble sans jamais vous parler.
- Pourquoi singulier, madame ? Nous nous entendons à merveille, car la parole est fort peu nécessaire aux affaires que nous avons à traiter ensemble. »
Cette réponse, faite avec grâce et vivacité, fit éclater de rire toute la compagnie, excepté pourtant Mme Querini-Juliette, qui faisant sottement la bégueule, la trouvait trop claire.
« Je ne connais pas, dit-elle au jeune officier, des affaires que l’on puisse traiter sans le secours de la parole ou de la plume.
- Vous m’excuserez, madame, il y en a. Le jeu, par exemple, est une affaire.
- Est-ce que vous ne faites que jouer ?
- Nous ne faisons que cela. Nous jouons au pharaon, et je tiens la banque. »
Tout le monde, sentant la finesse de cette réponse évasive, recommença à rire, et Juliette comme les autres.
« Mais, dit le général, la banque gagne-t-elle beaucoup ?
- Quant au gain, il est si peu important qu’il ne vaut guère la peine d’en parler. »
Personne assurément ne s’avisa de traduire cette phrase à l’honnête capitaine. Tout le reste de la conversation fut de ce piquant, et la société se sépara enchantée de la grâce et de l’esprit du charmant officier.
Vers le soir, au moment de partir, j’allai prendre congé du général et je lui souhaitai bon voyage.
« Adieu, me dit-il, je vous souhaite aussi bon voyage et beaucoup de plaisir à Naples.
- Je n’y vais pas pour le moment, lui dis-je, j’ai changé d’idée, et je vais à Parme, où je désire voir l’infant. Je me propose en même temps de servir d’interprète à ces deux officiers, qui ne peuvent ni s’entendre ni se faire comprendre.
- Je vous entends, et si j’étais à votre place, j’en ferais autant. »
Je pris également congé de Mme Querini, qui me demanda de lui écrire de Bologne. Je le lui promis, avec l’intention de n’en rien faire.
Cette jeune Française m’avait intéressé cachée sous la couverture ; elle m’avait plu dès qu’elle avait montré sa figure et bien plus lorsque je l’avais vue habillée. Elle acheva de me captiver à table en déployant une sorte d’esprit que j’aimais beaucoup, qu’on trouve rarement en Italie, et dont le beau sexe en France est assez généralement pourvu. Sa conquête ne me paraissant pas difficile, je pensais aux moyens de me l’assurer. Mettant toute fatuité à côté, je me croyais fait pour lui convenir mieux que son vieux Hongrois, homme charmant pour son âge, mais qui enfin annonçait la soixantaine, tandis que mes vingt-trois ans brillaient sur tous mes traits. Il me semblait que de la part de l’officier je ne devais m’attendre à aucun obstacle, car il paraissait être un de ces hommes qui, traitant l’amour comme une affaire de pure fantaisie, s’arrangent facilement selon les circonstances et se prêtent de bonne grâce aux compositions que le hasard présente. La fortune ne pouvait m’offrir une occasion plus heureuse de pousser mon affaire que de me rendre compagnon de voyage de ce couple mal assorti. Il ne me paraissait pas possible que l’on pût me refuser, car il devait leur être fort agréable que je voulusse les accompagner, puisque seuls ils ne pouvaient se communiquer aucune pensée.
Me croyant sûr de mon fait et résolu à tenter l’aventure, dès que nous fûmes à l’auberge je demandai à l’officier s’il comptait aller à Parme en poste ou autrement.
« N’ayant pas une voiture, je préfère y aller en poste.
- J’en ai une forte commode ; je vous offre les deux places du fond, si ma société vous est agréable.
- C’est un vrai bonheur. Faites-moi le plaisir d’en faire la proposition à Henriette.
- Voulez-vous, madame, m’accorder l’honneur de vous accompagner à Parme ?
- J’en serais enchantée, car au moins nous parlerions. Mais, monsieur, prenez-y garde, car votre besogne ne sera pas facile, puisque vous vous trouverez souvent obligé de nous faire la chouette.
- Je m’y prêterai avec un grand plaisir : je suis seulement fâché que le voyage soit si court. Nous en parlerons à souper ; en attendant, souffrez que je vous quitte pour aller terminer quelques affaires. »
Ces affaires étaient une voiture que je n’avais qu’en imagination. Je me rends au café de la noblesse, et comme si le hasard eût voulu me servir à souhait, on m’informe qu’il y en avait une à vendre, mais que personne ne voulait l’acheter parce qu’elle était trop chère. On en voulait deux cents sequins, et elle n’était qu’à deux places avec un strapontin. C’était précisément ce que je voulais. Je me fais conduire à la remise, et je vois une superbe voiture anglaise qui devait avoir coûté deux cents guinées. Le comte à qui elle appartenait était à souper ; je lui fais dire que je le priais de ne point vendre la voiture jusqu’au lendemain matin, et je retourne à l’auberge très satisfait. Pendant le souper, je ne parlai au capitaine que pour convenir que nous partirions le lendemain après dîner ; tout le reste de la conversation ne fut qu’un dialogue entre Henriette et moi. La conversation était charmante : elle me présentait un genre d’esprit gracieux qui m’était encore inconnu, car je n’avais jamais eu l’occasion de m’entretenir avec une Française. Trouvant cette jeune femme de plus en plus ravissante, et ne pouvant cependant voir encore en elle qu’une aventurière, j’étais tout étonné de lui découvrir ces sentiments nobles et délicats qui ne peuvent être que le fruit d’une bonne éducation ; mais, quand cette idée me venait, comme elle ne cadrait pas avec mes intentions sur elle, je la rejetais. Chaque fois que je tâchais de la faire parler de l’officier, elle détournait le discours ou éludait mes insinuations avec une finesse de tact qui m’étonnait et qui cependant me plaisait beaucoup, tant elle le faisait avec grâce.
Elle n’éluda point cependant celle-ci :
« Dites-moi au moins, madame, si le capitaine est votre époux ou votre père.
- Il n’est, me répondit-elle en souriant, ni l’un ni l’autre. »
Cela me satisfit, car au fond je n’avais pas .besoin d’en savoir davantage. Le bonhomme s’était endormi ; quand il se réveilla, je leur souhaitai une bonne nuit et j’allai me coucher le cœur plein d’amour et la tête pleine de projets. Je voyais que tout prenait la tournure la plus favorable, et j’étais persuadé de réussir ; car j’avais vingt-trois ans, la plus brillante santé, de l’or et beaucoup d’audace. L’aventure me paraissait d’autant plus délicieuse, qu’en moins de trois ou quatre jours je devais en voir le dénouement.
Le lendemain, de très bonne heure, j’allai chez le comte Dandini, possesseur de la voiture, et en passant devant la boutique d’un orfèvre, j’achetai une paire de bracelets d’or en chaîne de Venise, chacun de cinq aunes de long et d’une finesse rare. C’était un présent que je destinais à Javotte.
Dès que le comte Dandini me vit, il me reconnut. Il m’avait vu chez son père à Padoue, lequel, lorsque j’étais écolier, occupait la chaire des Pandectes. Je lui achetai la voiture, à condition qu’il me l’enverrait par son sellier en bon ordre à une heure après midi.
Après avoir fait cette acquisition, je me rendis chez Franzia, et je comblai Javotte de joie en lui donnant les bracelets. Aucune fille de Césène n’en avait de plus beaux, et au moyen de ce présent j’acquittais ma conscience, car je payais par là quatre fois la dépense que j’avais pu occasionner pendant les dix ou douze jours que j’avais vécu chez son père. Cependant ce ne fut pas là le présent le plus important que je fis à cette famille. Je fis jurer au père de m’attendre, et de ne jamais se fier à de prétendus magiciens pour l’extraction du trésor, quand bien même il serait dix ans sans me revoir ou sans recevoir de mes nouvelles ; car, lui dis-je, d’après la convention que j’ai faite avec les gnomes gardiens, à la première tentative qui sera faite par d’autres que par moi, la caisse qui contient le trésor s’enfoncera du double, c’est-à-dire qu’elle descendra à trente-cinq toises de profondeur, et alors j’aurais moi-même, pour la faire venir à la surface, dix fois plus à faire qu’à présent. Je ne puis pas au juste vous préciser le temps où je reviendrai, car cela dépend de quelques combinaisons dont je ne suis pas le maître ; mais souvenez-vous que c’est bien convenu que votre trésor ne peut être extrait que par moi. J’accompagnai mes conseils d’exécrations qui le menaçaient de la ruine de sa famille entière, s’il ne tenait pas son serment. De cette façon j’ai tout réparé ; car, loin de duper ce brave homme, je devins son bienfaiteur en le prémunissant contre quelque fourbe qui en aurait plus voulu à ses écus qu’à sa fille. Je ne l’ai jamais plus revu, et il doit être mort ; mais d’après l’impression que je crois avoir faite sur son esprit, ses descendants doivent encore m’attendre ; car le nom de Farussi doit être resté immortel dans cette maison.
Javotte vint m’accompagner jusqu’à la porte de la ville. Là, je l’embrassai cordialement et je sentis que la foudre n’avait eu sur moi qu’une influence passagère ; mais je fus sage, et je m’en félicite encore. Je crus devoir lui dire avant de la quitter, que si je ne revenais pas dans trois mois, sa virginité n’étant plus nécessaire pour mes opérations magiques, je lui conseillais de se marier dès que l’occasion s’en présenterait. Elle versa quelques larmes, mais elle me promit de se régler d’après mes conseils.
Le lecteur trouvera, je l’espère, que je mis noblement fin à mon affaire magique ; je m’en félicite moi-même sans trop oser m’en vanter ; car je pense que si je ne m’étais pas trouvé possesseur d’une bourse bien meublée de sequins, j’aurais fort bien pu ruiner le pauvre Franzia tout en riant. Je ne demanderai pas si tout jeune homme à ma place, ayant de l’esprit et aimant le plaisir, n’en aurait pas fait autant ; mais je prie mes lecteurs de se faire cette question. Quant à Capitani, à qui je vendis la gaine du couteau de saint Pierre un peu plus qu’elle ne valait, j’avoue que je suis encore à m’en repentir ; car d’abord Capitani crut me duper en l’acceptant comme gage, et M. le comte palatin son père l’a de plus appréciée jusqu’à sa mort beaucoup plus qu’il ne l’aurait fait du plus beau diamant du monde. Mort dans cette croyance, il est mort riche, et moi je mourrai pauvre. Que le lecteur juge qui de nous deux fit le meilleur marché. Mais revenons à mes futurs compagnons de voyage.
Dès que je fus de retour à l’auberge, j’arrangeai tout pour notre départ, que je hâtais de tous mes vœux. Henriette n’ouvrait pas la bouche que je ne lui trouvasse une perfection de plus, car son esprit m’enchantait bien plus encore que sa beauté. Il me semblait que le vieux capitaine voyait avec plaisir que je m’occupasse d’elle, et tout semblait m’assurer qu’Henriette voyait avec plaisir les attentions que je lui témoignais ; enfin il me paraissait évident qu’elle ne serait pas fâchée de changer son vieil amant contre moi. J’avais d’autant plus lieu de m’en flatter que je possédais au physique tout ce qui peut constituer un amant parfait et que j’avais l’air fort riche, quoique je n’eusse point de domestique. Je lui dis que, pour avoir le plaisir de ne pas en avoir, je dépensais le double ; que, me servant moi-même, j’avais toujours la satisfaction d’être servi à mon gré, et que j’avais l’avantage de n’avoir point d’espion à mes trousses ni de voleur privilégié à redouter. Henriette entrait parfaitement dans mes idées, et cela me rendait encore plus amoureux.
L’honnête capitaine hongrois voulut absolument me remettre d’avance le montant des postes jusqu’à Parme. Après dîner, nous partîmes après une dispute de politesses sur les places : il voulait que je me misse près de Henriette dans le fond, mais le lecteur doit sentir combien la place en face me convenait mieux ; aussi, tout en y trouvant mon compte, j’insistai pour me placer sur le strapontin, et j’eus le double avantage de m’en faire un mérite de politesse et de me mettre à même d’avoir constamment et sans gêne l’objet charmant que j’adorais placé sous mes regards.
Mon bonheur aurait été trop grand si je n’avais eu aucune peine à endurer. Mais où trouver des roses sans épines ? Lorsque cette charmante Française disait de ces choses plaisantes qui sortent si naturellement de la bouche des femmes de son pays et que la saillie m’excitait à rire, la figure triste du pauvre Hongrois me faisait pitié, et alors, voulant lui faire partager mon plaisir, j’entreprenais de lui traduire en latin les belles phrases de la spirituelle Henriette ; mais, au lieu d’y réussir, je voyais son visage s’allonger comme si ce que je lui disais lui eût paru maussade. Cela me forçait à convenir avec moi-même que je ne parlais pas aussi bien le latin qu’elle le français ; et cela était vrai. Dans toutes les langues, la dernière chose qu’on en apprend est l’esprit ; or cet esprit n’est jamais si saillant que dans les plaisanteries. Je n’ai commencé à rire à la lecture de Térence, de Plaute et de Martial qu’à l’âge de trente ans.
Quelque chose s’étant dérangé à la voiture, nous arrêtâmes à Forli pour la faire réparer. Après avoir soupé fort gaiement, je passai dans ma chambre pour m’aller coucher, mais plein de l’image d’une femme charmante qui me captivait de plus en plus. Henriette pendant tout le chemin m’avait paru si bizarre, que je ne voulus point coucher dans un second lit qui était dans la même chambre. Je craignais que cette fille n’eût l’idée de quitter son vieux camarade pour venir se mettre près de moi ; et je ne savais pas comment le brave capitaine aurait pris la plaisanterie. Je voulais, il est vrai, parvenir à la possession de ce charmant objet, mais je voulais que tout se fit à l’amiable, car j’avais un certain respect pour ce brave militaire.
Cette jeune fille n’avait que l’habit d’homme qui la couvrit ; pas la moindre nippe de femme, pas même une chemise. Elle en changeait avec celles du capitaine. Cette situation était si nouvelle pour moi qu’elle me paraissait énigmatique.
Arrivés à Bologne, et animé pendant le souper et par la bonne chère, et par le feu qui s’allumait de plus en plus dans mon cœur, je lui demandai par quelle aventure singulière elle était devenue l’amie de ce brave homme qui semblait beaucoup plus fait pour être son père que son amant.
« Si vous désirez le savoir, me répondit-elle en riant, faites-vous raconter toute l’histoire par lui-même ; mais dites-lui de ne rien omettre. »
Je n’y manquai pas ; et le bon capitaine, après s’être assuré par signes que ce récit ne déplairait pas à l’aimable Française, me parla ainsi :
« Un officier de mes amis ayant eu une commission pour Rome, je pris un congé de six mois et je l’accompagnai.
« J’ai saisi avec grand plaisir l’occasion de voir une ville dont le nom a conservé quelque chose de puissant qui impose par les grands souvenirs qu’il rappelle. Je ne doutais pas que la langue latine n’y fût généralement parlée par la bonne société, et au moins aussi commune qu’en Hongrie. J’ai été cruellement trompé, car personne ne la parle, pas même les ecclésiastiques, qui ne se piquent que de savoir l’écrire, ce que plusieurs font en effet avec beaucoup de pureté. Je m’y suis donc trouvé très embarrassé, et, à l’exception de la vue, mes autres sens y ont été passablement oisifs.
« Il y avait un mois que je m’ennuyais dans cette ancienne reine du monde, lorsque le cardinal Albani donna à mon ami des dépêches pour Naples. Avant son départ, il me recommanda à Son Éminence, et d’une manière si efficace que le cardinal me promit sous peu de jours un paquet pour l’infant duc de Parme, de Plaisance et de Guastalla, me disant en même temps que mon voyage serait payé. Désirant voir le port que les anciens appelaient Centum cellæ, aujourd’hui Civita Vecchia, j’ai profité du temps et j’y ai été avec un cicérone qui parlait latin.
« Me trouvant sur le port, je vis descendre d’une tartane un vieil officier et cette jeune fille habillée comme vous la voyez. Elle me frappa ; mais je n’y aurais plus pensé si l’officier ne fut venu se loger, non-seulement à la même auberge où j’étais descendu, mais encore dans un appartement où, sans en avoir la moindre envie, j’étais obligé de plonger mes regards dès que je regardais au travers de ma fenêtre. Le soir, je les vis soupant à la même table en face l’un de l’autre, sans que l’officier lui adressât une seule fois la parole. A la fin du souper, la fille se leva et s’en alla sans que son compagnon détachât ses regards de dessus une lettre qu’il lisait, à ce qu’il me parut, avec beaucoup d’attention. Un quart d’heure après, l’officier ferma les fenêtres, on éteignit la lumière, et on alla sans doute se coucher. Le lendemain matin, levé de bonne heure comme à mon ordinaire, je vis sortir l’officier, et la fille resta seule dans la chambre.
« Je dis à mon cicérone, qui me servait en même temps de domestique, d’aller dire à cette fille habillée en officier que si elle voulait me donner un rendez-vous d’une heure, je lui donnerais dix sequins. Il s’acquitta de la commission et revint me dire qu’elle lui avait répondu en français qu’elle allait partir pour Rome après avoir déjeuné, et que là il me serait facile de trouver le moyen de lui parler. « Je saurai certainement du voiturier, me dit le cicérone, où elle ira loger, et je n’oublierai pas de m’en informer. » Elle partit effectivement avec l’officier, et moi je retournai à Rome le lendemain.
« Le surlendemain de mon retour, le cardinal me remit mes dépêches, adressées à M. Dutillot., ministre du duc, avec un passeport et l’argent nécessaire pour mon voyage, en me disant avec affabilité que je n’avais pas besoin de me presser.
« Je ne pensais plus à la belle aventurière, quand deux jours avant mon départ mon cicérone vint me dire qu’il avait découvert où elle logeait et qu’elle était avec le même officier. Je lui dis de tâcher de la voir et de la prévenir que je devais partir le surlendemain. Elle me fit dire que si je lui faisais savoir l’heure de mon départ, elle se trouverait à deux cents pas hors de la ville et qu’elle monterait en voiture avec moi pour aller plus loin. Trouvant cet arrangement ingénieux, je lui fis dire dans la journée l’heure de mon départ et l’endroit où je l’attendrais hors de la porte du Peuple.
« Elle fut exacte au rendez-vous, et nous ne nous sommes plus quittés depuis. Dès qu’elle fut à côté de moi dans la voiture, elle me fit entendre qu’elle voulait venir dîner avec moi. Vous pouvez deviner la peine que nous eûmes à nous entendre ; mais nous nous devinâmes à force de gestes, et j’acceptai la partie avec plaisir.
« Nous dinâmes gaiement ensemble, parlant quelquefois sans nous comprendre ; mais après le dessert nous nous comprîmes parfaitement. Je croyais la chose finie, mais imaginez ma surprise quand, voulant lui donner les dix sequins, elle les refusa positivement, me faisant fort bien comprendre qu’elle préférait aller à Parme avec moi, qu’elle avait quelque chose à faire dans cette ville et qu’elle ne voulait pas retourner à Rome. L’aventure ne me déplaisant pas, j’y consentis, fâché seulement de ne pouvoir lui faire comprendre que si on venait à la suivre pour la ramener à Rome, je n’étais pas dans le cas de la garantir de cette violence. J’étais fâché aussi que, dans l’ignorance réciproque où nous étions, moi de sa langue et elle de la mienne, je n’eusse aucune conversation à espérer : j’aurais aussi beaucoup aimé à lui entendre conter ses aventures que je suppose intéressantes.
« Vous devinez que j’ignore parfaitement qui elle est. Je sais seulement qu’elle prétend se nommer Henriette, qu’elle est et ne peut être que Française, qu’elle est douce comme un mouton, qu’elle semble avoir reçu une bonne éducation et qu’elle est bien portante. Elle doit avoir de l’esprit et du courage, comme nous avons pu nous en apercevoir, moi à Rome, et vous à Césène, à la table du général. Si elle veut vous conter son histoire et vous permettre de me la traduire en latin, dites-lui qu’elle me fera grand plaisir, car je suis sincèrement son ami ; et je puis vous assurer que j’éprouverai bien de la peine lorsque nous devrons nous quitter à Parme. Dites-lui aussi, je vous prie, que je lui donnerai les trente sequins que j’ai reçus de l’évêque de Césène, et que si j’étais riche, je ne bornerais pas à cela les signes de mon affection et de mon tendre attachement. A présent, monsieur, je vous prie de lui expliquer bien tout cela en français. »
Après lui avoir dit si une grande exactitude dans ma traduction ne lui ferait pas de la peine, et avoir reçu l’assurance qu’au contraire elle la désirait, je lui rendis littéralement tout ce que le capitaine m’avait dit.
Henriette, avec la plus noble franchise à laquelle une légère teinte de honte donnait un nouveau prix, me confirma la vérité du récit de son ami ; mais elle me pria de lui dire qu’elle ne pouvait le satisfaire touchant les aventures de sa vie. « Dites-lui, je vous prie, que le même principe qui ne me permet pas de mentir, me défend de dire la vérité. Quant aux trente sequins qu’il a l’intention de me donner, veuillez l’assurer que je n’en accepterai pas un seul, et qu’il m’affligerait s’il s’avisait d’insister. Je désire qu’arrivés à Parme il me laisse aller loger seule où bon me semblera, sans s’informer de ce que je puis être devenue, et s’il vient à me rencontrer par hasard, qu’il daigne ajouter à ses bontés en ne faisant point semblant de me reconnaître. »
En achevant cette petite harangue, qu’elle avait débitée avec beaucoup de sérieux et le ton modeste et ferme de la résolution, elle embrassa son vieil ami d’une façon où le sentiment se peignait plus que la tendresse. L’officier, qui ne savait pas à quel propos elle l’embrassait ainsi, fut très mortifié quand je lui eus rendu le discours d’Henriette. Il me pria de lui dire que pour qu’il lui fût possible de lui obéir sans répugnance, il était nécessaire qu’il sût que lorsqu’elle serait dans cette ville elle était sûre d’avoir tout ce qu’il lui fallait pour ses besoins.
« Vous pouvez l’assurer, me dit-elle, qu’il ne doit avoir aucune inquiétude sur mon sort. »
Après cette conversation, aussi tristes les uns que les autres, nous restâmes longtemps les yeux baissés et sans proférer une parole : mais, fatigué de cette situation, je me levai en leur souhaitant une bonne nuit, et je vis la figure d’Henriette tout en feu.
Dès que je fus dans ma chambre, ému par le plus vif sentiment d’amour, de surprise et d’incertitude, je commençai à me parler à moi-même à haute voix, comme je le fais toujours quand je suis profondément pénétré de quelque idée. La pensée muette ne me suffit pas ; il faut que je parle et je mets tant de vivacité et d’action dans ces colloques avec moi-même que je finis par oublier que je suis seul.
L’explication absolue d’Henriette me mettait aux champs. « Qui est donc cette fille, disais-je à l’air, qui mêle les sentiments les plus élevés à l’apparence d’un libertinage cynique ? A Parme, dit-elle, elle veut rester ignorée, être sa maîtresse ; et je n’ai pas le droit de me flatter qu’elle ne m’imposera pas la même loi qu’elle a imposée à l’officier à qui elle s’est déjà donnée. Adieu mon espoir, mes dépenses et mes illusions ! Mais qui peut-elle être ? Il faut ou qu’elle ait un amant ou un mari à Parme, ou qu’elle appartienne à des parents respectables, ou qu’enfin, par un esprit de libertinage sans bornes et confiant dans ses charmes, elle veuille défier la fortune de la plonger dans l’abîme de l’abjection, dans l’alternative de trouver quelque grand seigneur qui s’attache à son char. Ce serait le projet d’une folle ou d’une personne désespérée, et Henriette ne me semble pas dans ce cas. Elle n’a cependant rien, et comme si elle était pourvue de tout, elle ne veut rien accepter d’un honnête homme qui peut lui offrir et dont à bon droit elle peut recevoir sans rougir, puisqu’elle n’a pas rougi d’avoir pour lui des complaisances que l’amour ne commandait pas.
« Croit-elle qu’il y ait moins de honte à s’abandonner aux désirs d’un homme qu’on ne connaît pas et qui ne peut inspirer un tendre sentiment, qu’à recevoir un présent d’un ami qu’on estime, et surtout au moment de se trouver dans la rue, dépourvue de tout et au milieu d’une ville étrangère dont elle ne connaît pas même la langue ?
« Voudrait-elle par là justifier le faux pas qu’elle a fait avec le capitaine, et lui faire comprendre qu’elle ne s’est livrée à lui que pour échapper à l’officier qui la possédait à Rome ? Mais elle doit être bien sûre que le capitaine ne peut pas avoir une autre idée ; car il se montre trop raisonnable pour qu’on puisse lui supposer l’idée de lui avoir inspiré une vive passion pour en avoir été vu à Civita Vecchia une seule fois au travers d’une fenêtre. Elle pouvait donc avoir raison et se croire justifiée envers lui, mais non pas envers moi ; car avec son esprit, elle devait bien savoir que si elle ne m’avait rien inspiré, je ne serais pas parti avec eux ; et elle ne pouvait ignorer qu’elle n’avait qu’un seul moyen de se faire pardonner. Elle pouvait avoir des vertus, me disais-je ; mais elle n’a pas celle qui doit m’empêcher de prétendre à la seule récompense réelle qu’un homme peut attendre de la femme dont il est, épris.
« Si elle croit pouvoir jouer la vertu à mon égard et me rendre sa dupe, je crois mon honneur engagé à lui prouver qu’elle se trompe. »
Après ce monologue qui m’avait encore irrité davantage, je me déterminai à m’expliquer le lendemain matin avant de partir. « Je lui demanderai, me dis-je, les complaisances que son vieux capitaine en a obtenues si facilement, et si elle me les refuse, je m’en vengerai en lui témoignant un froid et profond mépris avant que nous arrivions à Parme. » Il me semblait évident qu’elle ne pouvait me refuser des marques de tendresse vraies ou fausses qu’en affectant une vertu qu’elle n’avait pas ; or, je pensais que, cette vertu n’étant que simulée, je ne devais pas en être le jouet.
Quant à l’officier, j’étais sûr, d’après ce qu’il m’avait dit, qu’il ne trouverait point mauvais que je fisse ma déclaration, car avec un sens droit, il ne pouvait être que neutre.
Satisfait de mes raisonnements et ferme dans ma résolution, je m’endormis. Henriette occupait trop ma pensée pour que son image ne vint pas m’occuper en songe ; mais ce songe, qui dura toute la nuit, était si fort empreint de vérité, qu’à mon réveil je la cherchais encore à mes côtés ; et mon imagination était si vivement frappée des charmes de cette nuit, que si ma porte n’eût pas été fermée au verrou, je me serais persuadé qu’elle m’avait quitté pendant mon sommeil pour reprendre sa place auprès du bon Hongrois.
A mon réveil, je trouvai que le songe continuel de cette heureuse nuit m’avait rendu fou de cette belle personne ; et cela ne pouvait être autrement. Que le lecteur se figure un pauvre diable qui se couche accablé de fatigue et mourant de faim : il succombe au sommeil, le plus impérieux des besoins, mais il se croit en songe devant une table abondamment servie, et qu’arrive-t-il ? Le résultat nécessaire. Son estomac, plus vif que la veille, ne lui laisse point de repos ; il faut qu’il se satisfasse ou qu’il meure d’inanition.
Je m’habille, déterminé à me rendre certain de la possession de celle qui m’enflammait même avant de monter en voiture. Si je ne réussis pas, me dis-je, je ne vais pas plus loin. Mais pour ne point blesser les convenances et n’avoir rien à me reprocher envers un honnête homme, je sentis qu’il était de mon devoir de m’expliquer préalablement avec mon compagnon de voyage.
Il me semble entendre un de ces lecteurs sensés, calmes et de sang froid, qui ont eu ce qu’on appelle l’avantage d’une jeunesse exempte de fortes passions, ou bien un de ceux que l’âge a rendus sages par force, s’écrier : Peut-on ajouter tant d’importance à une bagatelle ! L’âge a calmé mes passions en les rendant impuissantes ; mais mon cœur n’a point vieilli et ma mémoire a toute la fraîcheur des jeunes ans : et loin de considérer ces sortes de choses comme de pures bagatelles, lecteur, toute ma peine est de ne pouvoir en faire jusqu’à ma mort la principale affaire de ma vie.
Étant prêt, je passe dans la chambre de mes deux compagnons de voyage, et après leur avoir fait compliment sur leur bonne mine, je dis à l’officier que j’étais fortement amoureux d’Henriette, et je lui demande s’il trouverait mauvais que je tâchasse de lui persuader de devenir ma maîtresse.
« Ce qui l’oblige, ajoutai-je, de vous prier de la laisser dans cette ville sans que vous fassiez semblant de la connaitre ne peut être qu’un amant qu’elle doit espérer d’y trouver ; et je me flatte, si vous me voulez laisser une demi-heure tête à tête, de lui persuader de me sacrifier cet amant. Si elle me refuse, je reste ici ; vous irez à Parme avec elle, et vous laisserez ma voiture à la poste en m’en envoyant un reçu pour que je puisse la retirer à ma volonté.
- Dès que nous aurons déjeuné, me dit le brave capitaine, je sortirai pour aller voir l’Institut et vous resterez seul avec elle. Tâchez de réussir, car je serais ravi qu’en la quittant elle passât en vos mains. Si elle persiste dans la résolution qu’elle a énoncée, je trouverai facilement ici un voiturier et vous garderez votre voiture. Je vous remercie de votre proposition et je vous quitterai avec chagrin. »
Enchanté d’avoir fait la moitié du chemin et de me voir près du dénouement, je demande à ma belle Française si elle était curieuse de voir ce que Bologne renfermait de curieux.
« Je le voudrais volontiers, me dit-elle, si j’avais les habits de mon sexe ; mais, comme je suis, je ne me soucie pas d’aller me montrer à toute la ville.
- Vous ne sortirez donc pas ?
- Non.
- Je vous tiendrai compagnie.
- J’en serai charmée. »
Nous déjeunâmes gaiement, ensuite le capitaine sortit. Dès qu’il fut parti, je dis à Henriette que son ami sortait pour me laisser seul avec elle, parce que je lui avais dit que j’avais besoin d’un tête-à-tête.
« L’ordre que vous lui avez fait donner hier de vous oublier, de ne point s’informer de vous, de ne pas faire semblant de vous connaître quand le hasard le fera vous rencontrer, aussitôt que nous serons arrivés à Parme, me regarde-t-il aussi ?
- Ce n’est pas un ordre que je lui ai donné ; je n’en ai pas le droit et je ne m’oublierais pas à ce point ; ce n’est qu’une prière que je lui ai faite, un service que les circonstances m’ont forcée à lui demander ; et comme il n’a nul droit de me le refuser, je n’ai pas douté un seul instant qu’il ne me l’accordât. Pour ce qui vous regarde, il est certain que je n’aurais pas manqué de vous faire la même prière, si j’avais pu penser que vous eussiez quelques vues sur moi. Vous m’avez donné des marques d’amitié ; mais vous devez sentir que si, d’après les circonstances, les soins que le capitaine voudrait me rendre pouvaient me nuire, les vôtres ne pourraient que me nuire davantage. Puisque vous avez de l’amitié pour moi, vous auriez pu deviner tout ceci.
- Puisque vous savez que j’ai de l’amitié pour vous, vous devez deviner aussi qu’il ne m’est pas possible de vous laisser seule, sans argent, sans moyens, au milieu d’une ville où vous ne pouvez pas même vous faire entendre. Trouvez-vous qu’un homme auquel vous avez inspiré la plus tendre amitié puisse vous abandonner après vous avoir connue, lorsqu’il sait par vous-même la situation où vous êtes ? Si vous le croyez, vous n’avez pas une idée juste de l’amitié, et si cet homme vous accorde ce que vous demandez, il n’est pas votre ami.
- Je suis sûre que le capitaine est mon ami, et vous l’avez entendu : il m’oubliera.
- Je ne sais ni de quelle espèce est l’amitié que ce brave homme peut avoir pour vous, ni quel fonds il peut faire sur son propre pouvoir ; mais je sais que, s’il peut vous faire le plaisir que vous lui avez demandé, son amitié est d’une toute autre nature que la mienne ; car je me crois obligé de vous dire que non-seulement il ne m’est pas possible de vous faire avec facilité le singulier plaisir de vous abandonner dans l’état où je vous vois, mais même que l’exécution de ce que vous désirez m’est impossible si je vais à Parme ; car je vous aime d’une manière telle qu’il faut, ou que vous me promettiez d’être à moi ou que je reste ici. Alors vous irez à Parme seule avec le capitaine, car je sens que si je vous accompagnais plus loin, je deviendrais le plus malheureux des hommes, soit que je vous visse avec un autre amant, avec un mari ou au sein de votre famille, enfin si je ne pouvais pas vous voir et vivre avec vous. Oubliez-moi, sont deux mots faciles à prononcer ; mais sachez, belle Henriette, que si l’oubli est possible à un Français, un Italien, si j’en juge par moi, n’a pas ce singulier pouvoir. Enfin, Madame, mon parti est pris ; il faut que vous ayez la bonté de vous expliquer maintenant, et me dire si je dois vous accompagner à Parme, ou si je dois rester ici. Répondez oui ou non. Si je reste ici, tout est dit. Je pars demain pour Naples, et je suis certain de me guérir de la passion que vous m’avez inspirée ; mais si vous me dites que je puis vous accompagner à Parme, il faut m’assurer la possession de votre cœur tout entier. Je veux être seul en possession de vos charmes, avec la condition, si vous le voulez, que vous ne me rendrez complètement heureux que quand vous jugerez que je m’en suis rendu digne par mes soins et mes attentions. Choisissez avant que ce trop heureux brave homme rentre. Il sait tout ; je lui ai tout dit.
- Que vous a-t-il répondu ?
- Qu’il serait charmé de vous laisser entre mes mains. Que signifie ce sourire à demi-bouche ?
- Laissez-moi rire, je vous en prie ; car je n’ai de ma vie eu l’idée d’une déclaration d’amour furieuse. Comprenez-vous bien ce que c’est que de dire à une femme, dans une déclaration d’amour qui devrait être vive, mais tendre et douce : « Madame, l’un des deux ; choisissez sur-le-champ ! Ah ! ah ! ah ! »
- Je le comprends à merveille. Cela n’est ni doux, ni galant, ni pathétique, mais c’est passionné. Songez que c’est une affaire sérieuse et que je ne me suis jamais trouvé si pressé. Sentez-vous à votre tour la situation pénible d’un homme amoureux qui se voit dans le moment de devoir prendre un parti qui peut décider même de sa vie ? Veuillez faire attention que malgré tout mon feu, je ne vous manque en rien ; que le parti que je vais prendre, si vous persistez dans votre idée, n’est pas une menace, mais bien un effort héroïque qui doit me rendre digue de toute votre estime. Enfin je vous prie d’observer que nous n’avons pas de temps à perdre. Le mot choisissez ne doit pas vous paraître dur ; au contraire, puisqu’il vous rend l’arbitre de mon sort comme du vôtre. Pour être persuadée que je vous aime, voudriez-vous que je vinsse à vos pieds, comme un benêt, vous prier en pleurant d’avoir pitié de moi ? Non, madame, cela vous déplairait sans doute et ne me mènerait à rien. Sûr que je suis en état de mériter votre cœur, je vous demande de l’amour et non de la pitié, Allez, quittez-moi, si je vous déplais ; mais laissez-moi partir ; car, si par un sentiment d’humanité vous désirez que je vous oublie, souffrez que j’aille loin de vous me rendre cet effort moins pénible. Si je vous suis à Parme, je ne répondrai pas de moi ; car j’y serais dans une sorte de désespoir. Réfléchissez actuellement ; je vous le demande en grâce, et vous verrez que vous auriez à mon égard un tort impardonnable, si vous me disiez : « Venez à Parme, quoique je vous prie de ne point chercher à me voir. Convenez-vous qu’avec justice vous ne pouvez pas me dire cela ?
- J’en conviens, s’il est vrai que vous m’aimiez.
- Dieu soit loué ! Oui, soyez sûre que je vous aime bien sincèrement. Choisissez donc et prononcez.
- Et toujours sur le même ton ?
- Oui.
- Mais savez-vous que vous avez l’air en colère ?
- Non, car cela n’est pas ; je ne suis que dans une espèce de paroxysme et dans un moment décisif, mais dans une incertitude affreuse. Je dois en vouloir à ma bizarre fortune, et à ces maudits sbires de Césène ; car sans eux je ne vous aurais pas vue.
- Vous êtes donc fâché de m’avoir connue ?
- Eh ! n’ai-je pas bien raison ?
- Point du tout, car je n’ai rien décidé encore.
- Je commence à respirer ; car je gage que vous allez me dire de vous suivre à Parme.
- Oui, venez à Parme. »