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VIII
L’HOTELLERIE DE LA BELLE-ÉTOILE

Table des matières

Robert et ses frères, vivement émus, quittèrent le voisinage de l’auberge et de la ménagerie ambulante et recommencèrent à marcher. Le temps était beau, la route superbe, une petite brise leur apportait la bonne odeur des foins nouvellement coupés. Ils marchaient en se tenant par la main, comme si la fatigue s’oubliait mieux en se partageant.

Le spectacle dont ils venaient d’être témoins les avait rendus silencieux. Cri-cri se sentait près de pleurer. Robert songeait, avec un sentiment profond de reconnaissance envers Dieu, qu’il avait cette joie et cette bénédiction de posséder une mère chrétienne, dont chaque parole avait été un enseignement religieux ou moral. Elle leur avait prodigué le pain gagné par son travail avec ses plus tendres caresses. Il comparait sa vie à celle de cet orphelin battu par un maître implacable, qui l’obligeait à risquer sa vie entre une hyène féroce et un ours redoutable, et le fils de Jeanne remerciait la divine Providence de la part qu’elle lui réservait.

Si courageux que fussent les pauvres enfants, la fatigue ne tarda pas à se faire sentir. Ils marchaient depuis le matin, la nuit descendait, il fallait songer au repos.

–Je suis las, dit Cri-cri d’une voix dolente.

–Et bien, répondit Robert, entrons dans l’auberge.

–Je ne vois point de maisons! ajouta Cri-cri.

–Et l’hôtellerie de la Belle-Étoile? demanda Robert, est-ce que tu l’oublies? Tiens, vois-tu au milieu de ce champ de gros meulons de foin? nous allons dormir là plus à l’aise que des princes en campagne... Comme nous aurons chaud! et comme cela sentira bon!

Il prit la main de Jean, enleva Cri-cri qui passa un bras autour du cou de chacun de ses frères, et tous trois se dirigèrent vers la meule de foin.

Cri-cri sauta à terre; Robert creusa trois lits dans l’herbe fauchée, rangea le bissac de provisions, puis, rapprochant près de lui les deux petits confiés à sa garde, il leur dit doucement:

–Nous allons prier, prier sous la voûte du ciel bleu parsemée d’étoiles brillantes comme les regards des anges.

Ensuite, rassemblant dans ses mains les doigts de Jean et de Cri-cri, il récita lentement et avec respect la belle prière commençant par ces paroles: Notre père qui êtes aux cieux...

Quand elle fut achevée, Robert enfonça douillettement Cri-cri dans son lit de trèfle, ramena sur lui une couverture de luzerne rose, en fit autant pour Jean, s’inquiéta de Bijou qui dormait déjà la tête sous l’aile, et se coula dans le troisième lit qu’il avait préparé.

–Hein! dit-il, quand il fut roulé dans sa couche, avais-je tort de vous dire que l’on était bien et à bon marché dans l’hôtellerie de la Belle-Étoile?

–Non certes répondit Jean.

–Moi, ajouta Cri-cri, je regrette de ne pas avoir Mulot près de moi, il serait bien mieux qu’avec cet affreux Mucidor. Grand frère, tu disais ce matin qu’il n’existait pas d’ogres, mais le saltimbanque est aussi cruel que le géant qui voulait manger Poucet et ses frères.

–Il n’y a pas d’ogres, répéta Robert, mais il existe de méchants hommes.

–On peut les tuer comme des chiens enragés?

–Non, Cri-cri, il faut leur conseiller d’agir autrement.

–Tu rendrais service à Mucidor, si tu le pouvais?

–Oui.

–Cependant il ne se montrerait pas reconnaissant!

–On fait le bien pour Dieu, pour soi, et non dans l’espoir de recueillir de la reconnaissance.

Les yeux de Cri-cri se fermèrent,

–Bonsoir, frérot.

Jean l’imita bientôt. Robert seul resta longtemps éveillé. Il songeait à la mission qu’il devait remplir, à la difficulté de la tâche. Il se demandait combien de temps il marcherait de la sorte, avant d’arriver à Paris. Sa responsabilité de chef de famille lui apparaissait dans toute son étendue. Robert supplia son père de veiller sur les trois pauvre brebis tondues, qu’allaient menacer l’orage et les loups, et il s’endormit en regardant les étoiles scintillantes.

Les robinsons de Paris

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