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XXII
LE POST-SCRIPTUM DE LA LETTRE

Table des matières

Les enfants de Jeanne ne savaient pas lire; ils ne pouvaient donc connaître la teneur exacte de la lettre écrite par le curé à leur oncle Magioire Reboux.

Marcel la parcourut rapidement d’abord, puis il la recommença lentement. Il fut frappé du caractère douloureux de ces pages. Il lui sembla entrevoir, sous le voile de certaines phrases, des vérités terribles.

Ce qui corrobora cette idée, ce fut le post-scriptum de la lettre du curé. L’abbé Trumelle disait à Magloire;

Faites traduire pour vous seul les deux lignes suivantes...

Marcel vit que ces lignes étaient écrites en latin . Sans nul doute elles renfermaient un important secret.

Tout à coup il se rappela que son voisin, M. Beloir, connaissait le latin, la grec et l’hébreu.

Il sortit vivement et entra chez le savant.

Bien vite il lui expliqua ce qu’il attendait de lui.

Marcel commença par lire la lettre par laquelle Jeanne confiait à son frère ses trois enfants, puis, tout en hésitant sur la prononciation de la phrase latine, il parvint à la lire.

–Pauvres petits! dit M. Beloir; le digne curé n’a pas voulu leur apprendre l’étendue du malheur qui les menace. Leur mère était mourante. Ils sont orphelins. Il supplie Magloire de ne point repousser ses neveux; la campagne est si pauvre que les enfants pourraient y manquer de pain.

–Ainsi, demanda Marcel, les voilà seuls au monde?

–Oui, répondit M. Beloir, tout seuls.

–Que faire, monsieur? demanda Marcel.

–Porter cette lettre au commissaire de police et lui conduire les orphelins.

–Que deviendront-ils, monsieur?

–On les gardera jusqu’à leur majorité.

–Oh! je comprends: la détention, presque la prison. ils n’auront plus ni les distractions ni les tendresses dont l’enfance a besoin.

–C’est la loi, mon enfant.

La tête de Marcel se pencha sur sa poitrine; le jeune garçon réfléchit profondément, puis levant sur le savant ses yeux couverts d’un voile de larmes:

–Si je les gardais, monsieur?

–Toi! Marcel.

–Oui, moi! Je sais bien que cela peut sembler lourd, mais on m’a toujours dit que le bon Dieu fait des miracles, et je le crois. Je gagne trente sous par jour; avant deux mois j’espère être augmenté et recevoir de bonnes journées. Robert trouvera dans peu le moyen de se suffire; ses frères, quoique bien petits, me viendront en aide. Nous serons pauvres tous quatre; nous mangerons peut-être du pain sec, mais nous serons libres et nous nous aimerons. Mon terme de juillet est payé depuis deux jours; la fille du vieux soldat nous blanchira à crédit, dans le quartier il ne manque pas de braves gens et l’on nous soutiendra.

M. Beloir attira Marcel près de lui.

–C’est bien! dit-il,–c’est bien! Tu tentes peut-être la Providence, mais elle ne laisse pas protester les lettres de change que l’on tire sur elle... Va donc, ce soir môme, chez le commissaire avec les trois petits, annonce-lui ta résolution, et fais ce que t’inspire ton cœur, mon bon et honnête garçon... Si tu fais ces orphelins semblables à toi, tu auras rendu un plus grand service à la famille, au pays, que bien des hommes très-fiers d’eux-même, car rien n’est plus beau que de former pour la vertu le cœur de la jeunesse.

Réconforté par M. Beloir, Marcel rentra chez la mère Bonie et déclara aux enfants que, le départ de l’oncle Magloire les privant du soutien sur lequel ils devaient compter, il les garderait chez lui, en attendant le retour de l’épicier.

–Notre vie sera rude, leur dit-il; nous ne mangerons peut-être pas plus que le pigeon, mais nous vivrons en frères, sous ce toit égayé par les moineaux... Si ça vous va, embrassez-moi; demain je me mettrai en règle avec l’autorité

En effet, le lendemain Marcel se rendit chez le commissaire de police.

Le magistrat, d’abord surpris de la résolution du jeune garçon, l’encouragea, lui aussi, dans son œuvre de dévouement.

–Vous entrez dans la vie par une bonne voie, lui dit-il; soyez tranquille; l’appui des honnêtes gens ne vous manqura pas.

Le soir, le pacte d’adoption était signé, et Marcel avait une petite famille à nourrir.

Les robinsons de Paris

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