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III
LE PIGEON

Table des matières

Robert traversa le jardin rempli de roses que l’on effeuillait chaque année devant le reposoir de la Fête-Dieu, et d’espaliers dont le digne prêtre soignait les fruits avec d’autant plus de zèle qu’il les réservait pour les malades du bourg.

L’abbé Trumelle disait son bréviaire, tout en marchant dans les allées sablées du gravier de la rivière, et, détail touchant, une nuée d’oiseaux, pigeons, moineaux, mésanges, hirondelles, suivaient ses traces, volaient au-dessus de sa tête, agitaient autour de lui leurs ailes avec des cris de joie.

Robert imita les oiseaux; il marcha à la suite du vieux pasteur absorbé par la lecture des psaumes, jusqu’à ce que celui-ci, étant arrivé à l’extrémité de l’allée, se retournât et aperçût en face de lui le petit garçon, qui, les yeux rouges, la voix tremblante, tournant entre ses doigts son chapeau de paille, n’osait plus ni s’avancer ni parler.

–Que souhaites-tu, mon cher enfant? demanda le vieillard.

–Monsieur, répondit Robert, ma mère serait bien reconnaissante si vous pouviez la venir voir. Mais vous êtes occupé, vous ne pouvez peut-être pas?

–Je n’ai rien de plus pressé que de visiter mes paroissiens, mon petit Robert. Ta mère souffre-t-elle davantage?

–Vous le savez, elle ne se plaint jamais, monsieur le curé; mais depuis hier elle garde le lit: vous savez combien elle est vaillante, il faut croire qu’elle souffre beaucoup.

–Oui, oui, c’est une brave et digne femme, tu dois l’honorer et la chérir... Après Dieu, tu ne peux rien aimer davantage... Rentre chez toi, mon enfant, je te rejoindrai dans une heure.

–Merci, monsieur le curé, dit Robert avec l’expression de la gratitude.

Il salua le vieux prêtre et marcha avec précaution dans l’allée, tremblant à l’idée de blesser un des oiseaux qui s’y pressaient. Il avait grande envie d’adresser une question au vieillard, mais il n’osait pas, et il se contentait de regarder, d’admirer le petit bataillon emplumé qui s’ébattait sur le sable et sur les plates-bandes.

–A quoi penses-tu? demanda M. Trumelle qui remarquait la préoccupation de Robert.

–Je me demande comment il se fait que ces friquets, si sauvages d’habitude, soient devenus si familiers? les mésanges vous suivent au vol, et vous avez privé une nuée de pigeons...

–Je les aime, répondit simplement le vieux curé,

–Ah! vous aimez aussi les bêtes?

–Oui, mon enfant, et, en le faisant, je crois accomplir la loi du Seigneur, qui les créa pour l’utilité et l’agrément de l’homme. Celui qui martyrise le plus faible insecte, prive un oiseau de sa couvée, ou maltraite l’animal domestique qui l’aide à gagner sa vie, commet un crime dont il sera puni, sinon par la loi, du moins par les suites qu’entraînent les habitudes de brutalité et de cruauté. Quiconque agit en méchant à l’égard des êtres faibles, irresponsables, s’endurcira le cœur et deviendra mauvais. Toutes ces jolies bêtes emplumées savent que je garde pour elles des miettes de pain et des caresses... Tu le vois, elles m’en témoignent leur reconnaissance à leur manière. Le Seigneur qui a dit: Laissez venir à moi les petits enfants, veut que ceux-ci laissent à leur tour venir à eux les petits oiseaux... Si tu me promettais d’en avoir bien soin, je te donnerais un de ces beaux pigeons au cou bronzé qui roucoulent d’une façon si douce. Il est bon que l’enfance, qui a besoin d’être protégée, s’accoutume à protéger à son tour.

–Il est beau, ce pigeon! dit Bobert avec une expression de naïve convoitise. Je l’aimerai tout de suite...

L’abbé Trumelle appela le pigeon, qui s’enleva de terre et vint se poser sur son bras. Après l’avoir caressé, le vieux curé lui dit en lissant les plumes du doigt:

–Je te donne un nouveau maître, ou plutôt un nouvel ami...

Le pigeon secoua ses ailes, tourna ses grands yeux d’or vers l’enfant, puis, paraissant comprendre le regard du curé, il tournoya autour de Robert et finit par se percher sur son épaule.

–A bientôt, mon enfant! dit l’abbé Trumelle.

Robert salua avec respect et quitta le jardin, tandis que le vieillard achevait sa sainte lecture.

Quand Robert parut dans la cabane, Jeanne eut un sourire de contentement; Jean et Cri-cri s’emerveillèrent de la beauté de l’oiseau, et Robert le leur confia après mille recommandations. Pendant que les deux petits jouaient avec le pigeon, Robert s’occupa du déjeuner; il commençait ses fonctions de chef de famille.

Les robinsons de Paris

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