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XVII
UNE RENCONTRE

Table des matières

Quand les fils de Jeanne se trouvèrent dans la rue, il pouvait être dix heures; la soirée était belle, et l’aspect du ciel bleu consolait des tristesses de la terre.

–Où allons-nous, Robert? demanda Jean.

–La Providence nous guidera, répondit le jeune garçon.

Il avait entendu répéter par le curé que la Providence est la mère des malheureux. En ce moment, il souffrait d’une façon si cruelle qu’il éprouvait le besoin d’implorer le secours de cette divine puissance émanée de Dieu.

Il savait qu’elle avait désigné du doigt, à Agar désespérée et perdue dans le désert, la source d’eau pure à laquelle pouvait se désaltérer son fils; que plus tard elle avait pris pour messager le corbeau nourrissant Elie dans la grotte des Prophètes; que la veuve de Sarepta lui avait dû la multiplication de sa farine; et qu’enfin, dans les temps où l’Evangile était annoncé aux hommes par le Seigneur Jésus, elle avait centuplé par ses mains, pour ceux qui le suivaient, les cinq pains et les poissons séchés.

Il se fiait, l’honnête enfant, à cette Providence qui veille sur l’orphelin, protège le faible, adoucit la souffrance du malade, et se fait toute à tous pour les abandonnés.

Dans le fond de sa jeune âme, il l’invoqua plein de ferveur et de confiance. D’ailleurs, si l’insuccès de son voyage à Paris et l’angoisse causée par l’incertitude du lendemain lui poignaient le cœur, il croyait devoir le cacher à ses frères, moins capables que lui de supporter un gros chagrin. Il était l’aîné, le père, le tuteur de Jean et de Cri-cri; il leur devait, il devait à Jeanne de rassembler ses forces pour lutter contre le découragement. A cet âge d’ailleurs, Robert comptait douze ans, on se rend à peine compte des grandes difficultés de la vie. Il avait quitté, pour la grande route, la campagne où chacun le connaisait, l’aidait et l’aimait.

Le long du chemin, il avait rencontré des paysans parlant son langage; il ne comprenait pas encore bien quelle différence distingue l’existence d’un ouvrier de celle d’un laboureur. Il portait d’ailleurs sur sa poitrine deux talismans suffisants, croyait-il, pour triompher de tous les obstacles: la lettre de l’abbé Trumelle et le certificat de M. Moniot, maire des Ajoncs.

Sans savoir de quel côté il se dirigeait, Robert traversa la rue des Moineaux et marcha tout droit, sans but, s’attendant à voir apparaître devant lui la Providence lui tendant les bras.

Il descendit de la sorte jusqu’à la Seine. Les petits commençaient à être fatigués.

–Robert, dit Jean, dans la ville de Paris il n’y a donc pas de meules? où dorment les enfants pauvres?

–Bah! fit Robert, s’il n’y a pas de meules, il doit y avoir autre chose.

Et Robert prit la rue des Saints-Pères. En sortant de la rue de Tournon, les orphelins se trouvèrent un quart d’heure après devant le jardin du Luxembourg.

–Des arbres! dit Cri-cri; entrons-là.

Il ne savait point qu’à Paris on enclôt les arbres entre des murs et des grilles, et que nul ne peut dormir à leur ombre.

A défaut du jardin du Luxembourg restait le boulevard Saint-Michel. Des bancs s’offraient aux promeneurs; les trois enfants s’assirent sur l’un d’eux.

–Nous coucherons encore ce soir à l’hôtellerie de la Belle-Éloile, dit Robert.

Jean et Cri-cri appuyèrent leur front sur son épaule, tandis que Bijou, blotti dans la poitrine de Jean, roucoulait un affectueux bonsoir.

–Robert, demanda Jean, que ferons-nous demain?

Robert ne voulait point mentir, en annonçant avec certitude des choses irréalisables; il répondit simplement:

–Nous avons quitté le village avec quatre écus dans notre poche; en chemin, le maire des Ajoncs nous en a donné trois; grâce à l’aide des âmes charitables, nous avons pu arriver jusqu’ici... Pour l’avenir, Dieu nous inspirera ce que nous devons faire.

Depuis un moment, de l’autre côté du banc occupé par les trois frères, avait pris place un jeune garçon d’un quinzaine d’années.

D’une façon d’abord inconsciente, puis avec un naissant intérêt, il écouta l’entretien des enfants de Jeanne.

Voyant l’embarras des pauvres petits et pensant pouvoir leur être utile, il se tourna vers Robert et lui demanda d’une bonne et franche voix:

–Voulez-vous que je vous parle en ami? Nous sommes à peu près du même âge, et vous semblez de bons enfants; je serais heureux de vous rendre service.

Les robinsons de Paris

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