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XXI
COMMENT S’AIDENT LES PAUVRES GENS

Table des matières

La mère Bonie, restée seule, posa ses coudes sur ses genoux et son menton dans le creux de sa main. Elle ne regardait point en ce moment les cendres chaudes de la cheminée sur lesquelles chauffait son modeste repas, elle songeait à ce que venait de lui apprendre Marcel.

–Un bon cœur, cet enfant! pensait-elle; jamais il ne passe à-côté d’une bonne action sans l’accomplir... Quand j’eus l’an dernier mes pauvres jambes roidies parlesrhumatismes, il m’a soignée comme une grand’mère.. Il y a six mois, je sais bien qui passait des gros sous par la chatière de la porte du vieux soldat notre voisin... Et quand sa petite fille, la pauvre Nicole, sort le matin avec un lourd paquet de linge qu’elle porte au lavoir, est-ce que je n’ai pas vu vingt fois Marcel charger le paquet sur sa tête et marcher lestement, tandis que la petite, grandement soulagée dans sa peine, mais toute honteuse d’accepter l’aide de Marcel, le suivait en trottinant? Il me semble même que cette complaisance de Marcel lui a valu sa première bataille. Un camarade d’atelier l’a surpris accomplissant cette bonne action et l’a appelé «lavandière!» Marcel a répliqué qu’un lâche pouvait seul insulter un brave garçon venant en aide à la petite fille d’un vieux brave. Le railleur a joué des poings... et dame! un moment après, il n’était pas fier! car si Marcel a le cœur sur la main, il a le poignet solide... Et le vieux monsieur presque aveugle qui habite près de chez nous? Marcel va lui lui lire le journal ou les premières feuilles d’épreuves d’un livre nouveau...

J’en aurais pour toute l’année à raconter les bontés de cet enfant, et je veux l’aider à mon tour, puisque l’idée lui est venue de fonder un orphelinat en chambre...

Tout en causant, la mère Bonie s’était levée; elle époussetait la chambre, lissait la courte-pointe sur le lit, posait sur la table bien luisante trois grands bols, un sucrier et de superbes rôties qu’elle couvrait de beurre frais.

Ces préparatifs terminés, elle ouvrit la porte de la chambre de Marcel; le pigeon voletait déjà, et les trois frères s’éveillaient.

A la vue de la bonne physionomie de la mère Bonie, ils sourirent avec confiance.

–Eh bien! dit celle-ci, le déjeuner est servi, et je pense que l’appétit est ouvert.

Cri-cri et Jean répondirent d’une façon affirmative, et Robert s’habilla rapidement; puis il inspecta la toilette de ses frères. Tous trois, suivant la mère Bouie, entrèrent dans sa chambre brillante de propreté. Le café au lait fumait dans les bols, et déjà Cri-cri saisissait une des rôties, quand Robert lui arrrêta la main.

–Madame, dit-il doucement à la mère Bonie, nos parents nous ont toujours recommandé de ne pas faire de dettes... Ilne nous reste plus que dix sous, comment pourrions-nous payer votre déjeuner?

–Mes mignons, dit la mère Bonie, je ne vous défends point de m’embrasser pour me remercier, quoique à vrai dire je n’aie fait que suivre les instructions de Marcel... Vous le cherchez des yeux... Il est à l’atelier, et ne rentrera que ce soir... Vous passerez ici toute la journée... Prenez votre café sans crainte, l’amitié a mis le couvert.

Ses scrupules levés, Robert déjeuna avec l’appétit de son âge. Quand les enfants eurent terminé ce repas modeste, la mère Bonie passa dans la mansarde de Marcel, et, se faisant aider par les enfants, elle la rangea, l’aéra, et rétablit partout un ordre minutieux.

–Voyez-vous, disait-elle en essuyant les meubles, il n’est point d’étroit espace pour qui sait en tirer parti, tandis que rien ne semble commode à celui qui manque de soin et de propreté. On ne sait pas l’influence que l’eau exerce sur l’esprit des gens qui savent s’en servir... Qui aime le rangement autour de soi gardera sa conscience nette et paisible... Défiez-vous en général des enfants sales et déguenillés... Regardez Marcel! je ne lui connais pas plus de défauts dans le caractère que de brins de paille et de vieux papiers dans sa chambre... maintenant que tout est prêt, vous pouvez revenir chez moi... c’est plus gai... les vieilles femmes ont tant de souvenirs et de reliques du passé!

Les trois enfants s’accoutumaient vite aux allures de la mère Bonie. Elle portait un bonnet campagnard qui leur donnait confiance; les deux petits inspectaient curieusement le mobilier, tandis que Robert regardait un livre à images.

–C’est un souvenir de ma chère maîtresse, dit la mère Bonie; en mourant elle me laissa l’Evangile pour force et pour consolation. Quand je souffre, quand je me sens isolée, je l’ouvre, je lis un passage, et je me trouve tout de suite raffermie...

Vous comprenez cela, Robert; votre mère est chrétienne...

Quand Marcel rentra, Cri-cri lui sauta au cou, le pigeon vola sur son épaule; on soupa gaiement; puis Marcel, devenu subitement grave, dit à Robert:

–Ce n’est pas par curiosité que je vais vous adresser une demande, mais par intérêt pour vous: voulez-vous me montrer vos papiers.

Robert les tira de son sac et les tendit a Marcel.

Les robinsons de Paris

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