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XII
SOUS L’ORAGE

Table des matières

Le temps, qui jusqu’alors avait été magnifique, changea brusquement; l’air devint lourd, étouffant, le tonnerre gronda, et de grands éclairs sillonnèrent les nuages. C’était à la fois un spectacle effrayant et grandiose.

–Courons, dit Cri-cri, nous nous réfugierons sous les arbres.

–Gardez-vous-en bien, répondit Robert; en déplaçant l’air vous pourriez attirer la foudre. Ne te rapelles-tu pas, Cri-cri, qu’on a trouvé mort le fils Bridois sous le feuillard de la mère Flanchu?

–C’est égal, dit Jean, si tu n’avais pas eu l’idée de reporter tout de. suite la ceinture chez le maire, nous serions à cette heure abrités dans une meule de foin, et nous moquant tous trois de l’orage.

–On n’a point de mérite à faire ce qui ne cause ni peine ni dérangement, objecta Robert; quant à moi, je m’estimerai heureux si je retrouve le propriétaire de la ceinture. quand même je devrais marcher toute la nuit. Veux-tu que je te porte, cher petit? J’ai les reins solides, et tu ne pèseras pas trop à mes épaules.

Cri-cri; un peu honteux d’avoir mérité la leçon qu’il venait de recevoir, essaya de réparer sa faute, en répondant résolûment:

–Je ne suis point las; si Jean marche, je marcherai.

Vraiment on pouvait excuser le pauvre enfant; le temps devenait de plus en plus mauvais, le vent chassait la pluie en tourbillons, la foudre roulait avec fracas. Dans les fermes isolées, les chiens aboyaient d’une façon lamentable. Tout autre que Robert aurait renoncé à l’idée de porter si tard chez le maire du village des Ajoncs la ceinture qu’il venait de trouver.

Les trois enfants, mouillés jusqu’aux os, aperçurent des lumières annonçant des habitations assez nombreuses.

Bientôt ils se trouvèrent dans l’unique rue du village, et, avisant une vieille femme qui, sa cotte de drap relevée au-dessus de sa tête én guise de parapluie, regagnait sa cabane, ils la prièrent de leur indiquer la demeure du maire.

–Tout droit devant vous, dit la femme, une maison couverte d’ardoises.

Au bout de cinq minutes, Robert souleva le marteau de la porte qui retomba bruyamment, etune servante, d’aspect revêche, vint ouvrir.

A la vue de ces trois enfants ruisselants d’eau, elle s’imagina qu’ils venaient implorer la charité, et leur dit avec brusquerie:

–La mendicité est interdite dans cette commune; passez votre chemin, vagabonds!

–Madame, répondit Robert en maîtrisant l’émotion que lui causait l’injuste accueil de la servante, nous ne. sommes pas des vagabonds, car nous avons des papiers; nous ne mendions pas, car nous apportons... Pouvons-nous parler à monsieur le maire?

–Parler à monsieur le maire! Vous me la baillez belle! A l’heure qu’il est, et quand on est fait de la sorte! Tirez-vous à la conscription, ou venez-vous faire publier vos bans de mariage, pour être si pressés? Monsieur le maire est en train de dîner.

–Madame, reprit Robert, nous savons que le maire d’un village est le protecteur et le père de ceux qu’il administre... Et nous ne croyons pas avoir tort en gardant bonne opinion de votre maître... C’est ainsi qu’on pensait chez nous, du moins.

–Et c’est de même qu’il faut penser ici, mon enfant! s’écria d’une voix ronde et joyeuse un brave et gros homme qui apparut subitement dans le couloir. Vous ne vous corrigerez jamais, Marianne! Voyons, mes petits, que voulez-vous?

Robert enhardi regarda le maire en souriant:

–Nous voudrions vous parler, monsieur.

Le maire poussa doucement les trois enfants dans la salle à manger. La servante n’avait point menti; le maire dînait, copieusement, lentement, comme un homme ayant grand appétit, beaucoup de temps libre, et assez de revenus pour couvrir sa table de mets plantureux.

Il reprit sa place en face de son couvert, avala un verre de vin, et s’adressant à Robert:

–Qu’apportes-tu donc, petit?

L’enfant releva sa blouse, sous laquelle il avait roulé la ceinture, et la posa sur la table, en disant simplement:

–Ça, monsieur; c’est plein de louis d’or.

–Et tu as trouvé cette ceinture...?

–Sur la grande route

–Sais-tu à peu près ce qu’elle contient?

–Dame! monsieur, une centaine de pièces dans chaque rang, et il y a cinq rangs... ça fait assez pour acheter un village, quoi!

Le maire se sentit profondément ému.

–Approche, dit-il; toi et tes frères, vous êtes de braves enfants! et ça fait plaisir de voir la jeunesse honnête! Mais vous avez soupé, au moins?

–Non, monsieur, pas encore, mais nous avons mangé à midi.

–Eh bien! fit le maire nous souperons ensemble... Je ne sais pas plus que vous qui a perdu cette ceinture, mais je donnerais gros pour que son propriétaire vous récompensât comme vous le méritez.

–Nous sommes payés, monsieur, dit Robert, nous avons rempli notre devoir.

Le maire se fit raconter l’histoire des enfants de Jeanne, commanda à Marianne de mettre des draps blancs dans l’immense lit à colonnes d’une chambre d’amis, puis, sitôt que les enfants seraient couchés, de sécher et de repasser leurs vêtements transpercés par l’orage.

Il souhaita ensuite le bonsoir à ses jeunes hôtes.

Les robinsons de Paris

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