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XIII
LE CERTIFICAT

Table des matières

Le lendemain matin, le maire du village des Ajoncs s’éveilla tout joyeux. Il venait d’avoir une bonne idée, et rien ne rend heureux comme la pensée d’accomplir une œuvre charitable qui a germé dans le cœur avant de grandir dans l’esprit.

Dès que Marianne eut achevé d’allumer son feu, le maire lui ordonna de préparer trois bols de lait frais, son sucre le plus blanc, sa miche la plus tendre, et lui-même chaussant ses sabots alla dans l’écurie surveiller le déjeuner de la Joliette qu’il attela ensuite soigneusement à une carriole bien bâchée de toile, et au fond de laquelle il étala de belles bottes de paille.

Ces soins pris, il rentra dans la cuisine, où Jean, Robert et Cri-cri l’attendaient. Il fit signe à chacun de prendre son bol de lait, et pendant qu’il savourait son café à petites gorgées, le maire dit aux trois frères:

–Je me suis souvenu que j’ai une commission à faire à la ville voisine... la retarder serait m’exposer à manquer un marché avantageux; je viens d’atteler Joliette, vous ferez avec moi le voyage... ce sera autant de fatigue de moins pour vos petites jambes...

–Quel bonheur! s’écria Cri-cri, c’est si bon d’aller en voiture!

–Je vous remercie bien, monsieur, ajouta Robert; Jean et Cri-cri sont si jeunes...

–Avant de partir, ajouta le maire, je vais vous donner un certificat constatant que vous m’avez, à la date du30juin1871, rapporté une ceinture de cuir, marquée des initiales B A., et renfermant cinq cents louis. La lettre de votre curé témoigne de l’honnêteté de votre famille, mon attestation prouvera que vous savez déjà faire acte de probité...

–Monsieur, dit Jean, dont les joues se couvrirent d’une rougeur ardente, ne mettez pas mon nom sur le certificat.

–Pourquoi, mon petit ami?

–Je ne l’ai pas mérité... J’ai conseillé à Robert de garder la ceinture pour que nous soyons tous riches...

–Tu possèdes du moins une grande qualité, mon petit Jean, et bien à toi celle-là, c’est la franchise... A ton âge on ne se rend pas aussi bien compte qu’à celui de Robert de ce qu’est la propriété; tu l’apprendras en suivant ses conseils.

M. Moniot embrassa Jean, puis il se mit à écrire sur une grande fouille de papier timbré d’une grosse écriture assez inhabile. Il relata le fait arrivé la veille, signa, et apposa au bas de cette pièce le cachet bleu de la mairie.

Robert ouvrit le petit sac de toile dans lequel il enfermait ses papiers, joignit le certificat à la lettre du curé, cacha le tout dans sa poitrine, et suivit M. Moniot, qui criait gaiement:

–En route! en route!

Jean, Cri-cri et Robert s’installèrent sur la banquette, tandis que le maire secouait doucement le licou de Joliette pour activer sa marche.

La matinée était superbe; il ne restait plus dans le ciel aucune trace de l’orage de la veille. Les enfants regardaient de tous leurs yeux la campagne rafraîchie et souriante.

M. Moniot remarqua la physionomie à la fois grave et satisfaite de Robert, et lui dit avec bonté:

–Je parie que ce matin tu te trouves grandi.

–C’est vrai, monsieur, repondit Robert, surpris de se voir si bien deviné.

–Je vais te dire d’ou vient ce sentiment: de la conscience que tu as, toi enfant, d’avoir agi comme un homme. Ayant trouvé une grosse somme d’argent, non-seulement tu n’as point songé à te l’approprier, mais encore tu me l’as rapportée en hâte, afin d’éviter l’angoisse d’une mauvaise nuit à son propriétaire. Tu n’as fait que ton devoir, c’est vrai, mais tu as donné un salutaire exemple à tes frères qui en profiteront. Pour la première fois aussi, tu crois mériter la confiance que ta mère t’a témoignée. Il en sera de même pendant toute ta vie; quand tu feras une bonne action, tu te sentiras satisfait. Le bien accompli ne rapporte souvent que cette joie intime; il ne faut même jamais attendre d’autre récompense en ce monde que le témoignage de sa conscience.

–Je me souviendrai toute ma vie de vos paroles, dit Robert d’une voix émue.

Quelques minutes après, Cri-cri poussa une exclamation:

–Tiens! fit-il, les gendarmes!

–Et un prisonnier, ajouta Jean.

Le maire arrêta Joliette, afin d’échanger quelques mots avec le brigadier.

A mesure que les gendarmes approchaient conduisant un homme marchant la tête basse, les mains prises dans des menottes, le maire reconnaissait le malheureux.

–Brigadier, demanda-t-il, c’est bien Langlumé que vous emmenez?

–Oui, monsieur le maire, la prison est la seule chose qu’il n’aura pas volée. Figurez-vous qu’hier il trouva en plein champ de foire la bourse de peau d’anguille du père Boitel, et une heure après il commençait à en dépenser le contenu dans un cabaret.

–Allons, dit le maire, c’est le premier pas dans la route qui mène au bagne. Sa mère aura bien du chagrin, une si brave femme! Misérable! si tu avais songé comment cette honnête créature a vécu laborieusement et pauvrement pour t’élever, tu n’aurais jamais eu le courage de commettre cette honteuse action. Brigadier, ajouta le maire, comme compensation je vous apprends que les trois petits camarades que voici ont trouvé une ceinture renfermant cinq cents pièces d’or et qu’ils me l’ont rapportée; si vous entendez parler de celui qui l’a perdue, envoyez-le-moi!

–Oui, monsieur le maire, répondit le brigadier en saluant. Adieu, mes petits! vous serez dignes d’être soldats dans une armée d’élite.

Puis s’adressant au prisonnier:

–En avant, canaille!

M. Moniot rendit la main à Joliette, qui prit un temps de galop.

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