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PREMIÈRE PARTIE
Les Oisillons hors du nid.

Table des matières

I
JEAN, ROBERT ET CRI-CRI

Table des matières

La maison de la mère Jeanne était la plus humble du village, et l’on n’aurait pu trouver aux alentours une misère aussi grande que celle de la pauvre veuve. Par son âge, elle touchait encore à la jeunesse, mais de nombreux chagrins l’avaient prématurément vieillie, et Dieu sait combien Jeanne comptait déjà d’épreuves. Née dans une famille de journaliers honnêtes, elle apprit le travail avant de connaître les jeux de l’enfance. Toute petite, elle ramassait, sur les épines des buissons, la laine abandonnée par les brebis; elle glanait dans les champs quand les moissonneuses achevaient de nouer les javelles; elle cherchait pour sa chèvre les traînées de foin laissées dans les chemins creux par les charrettes remplies d’herbes nouvellement coupées. Lorsque la saison avançait, elle cueillait pour les vendre les prunelles violettes, les fruits rouges et jaunes du cormier, les châtaignes tombées des arbres, tout ce que la main de la Providence répand aux pieds des indigents.

A mesure qu’elle grandissait, elle gagnait quelques écheveaux de lin ou de chanvre, en aidant les fermières à les rouir dans les mares; elle récoltait des pommes de terre pour ses voisins et en rapportait au logis une petite provision.

Lorsque Jeanne compta dix-huit ans, c’était une fille robuste, alerte, au teint bruni par le soleil. Elle ne possédait point de beauté, mais un caractère égal, une bonne humeur souriante, et cette douceur avec les faibles et les petits qui est l’indice d’un bon cœur.

Un honnête homme, la voyant si sage et si laborieuse, la demanda en mariage.

Jeanne se trouvait seule au monde: elle accepta d’être la femme de Maclou, et s’installa avec lui dans une maison modeste. Pendant cinq ans Jeanne fut la plus heureuse des épouses et des mères. Trois enfants lui avaient été envoyés: Robert, Jean et le dernier que ses frères appelaient en riant Cri-cri, parce qu’il chantait toujours comme les grillons de l’âtre.

Robert annonça vite qu’il était un garçon intelligent, brave et bon. Jean un peu mélancolique gardait la touchante douceur de sa mère. Quant à Cri-cri, le moins robuste de tous, il promettait un esprit inventif et de grandes dispositions pour les arts mécaniques. Il n’avait pas trois ans qu’il savait déjà faire un sifflet avec un morceau de tige de blé vert, des bonshommes en moelle de sureau, et des moulins à vent à l’aide d’une noix, d’une ficelle et d’une pomme verte.

Le mari de Jeanne gagnait de bonnes journées, et la petite famille vivait dans l’aisance. Jeanne ne contractait jamais de dettes, ses ènfants portaient des habits simples, mais propres.

La courageuse femme se levait à l’aube pour blanchir le linge de la famille. Tandis qu’elle suivait la route poudreuse, portant aux champs le repas de son mari, elle tricotait des bas pour les petits, car jamais les enfants de Jeanne ne marchaient les pieds nus dans des sabots garnis de paille, comme la plupart de leurs camarades. Il fallait voir en été Jean, Robert et Cri-cri, pimpants sous une blouse de toile bleue, ou en hiver chaudement habillés de futaine, s’en aller faire la récolte du bois. Chacun d’eux ramassait un fagot qui s’entassait en provision sous le hangar.

Dans la maison de Jeanne, Maclou, le brave mari, trouvait, toujours en revenant du travail, sa soupe chaude et son dîner cuit à point. Le bonheur, fruit de l’affection, de l’entente et de l’ordre uni à la prévoyance, régnait dans le jeune ménage.

Malheureusement Maclou tomba malade; les économies de Jeanne passèrent en remèdes; la gêne succéda au bien-être, et la pauvre femme en fut réduite à implorer le secours de ses voisins. Chacun lui vint en aide; mais les paysans ne disposent pas de grandes ressources; Jeanne épuisa bientôt la bonne volonté de ses amis. Maclou, loin de guérir, tomba en langueur, et, deux ans après son premier accès de fièvre, il expira dans les bras de sa femme, en bénissant ses petits enfants.

Les robinsons de Paris

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