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XI
UNE TROUVAILLE.

Table des matières

Du plus loin qu’il aperçut Martin et ses frères, Robert leur cria:

–Victoire! victoire!

Brisque, s’élançant de ses bras, bondit vers l’aveugle, le couvrant de caresses, lui léchant les mains, tournant autour de lui avec une joie folle, tandis que Martin, vivement ému, essayait de l’apaiser en répétant:

–Paix donc! Brisque, mon bon chien! Eh bien, oui, nous voilà ensemble! remercie le brave enfant qui t’a sauvé!

Brisque alla de l’un à l’autre. Robert avait une large part de caresses; le chien léchait sa main blessée, il aboyait d’une façon plaintive.

–Tu souffres beaucoup? lui demanda Jean.

–Bah! fit Robert, les vieux soldats sont fiers de leurs cicatrices... Un enfant fait ce qu’il peut... les marques de la morsure de Mathurin me rappelleront le vieil aveugle et le bon caniche.

Après avoir déjeuné en commun, les voyageurs se séparèrent; les trois frères prirent la route de Paris, et Martin un sentier de traverse.

Pendant la première lieue, les enfants s’entretinrent des incidents de leur voyage. Après avoir franchi la seconde, ils durent suivre un chemin encombré de charrettes, de chevaux, d’ânes et de moutons. Une foire importante se tenait dans les environs, et les éleveurs, les cultivateurs, les propriétaires, s’empressaient d’y conduire leur bétail, ou de s’y rendre pour faire leurs acquisitions. La nouveauté de ce spectacle amusa beaucoup les orphelins. Ils écoutaient les chansons des paysans; suivaient du regard les jeunes poulains gambadant auprès des juments, graves et patientes; riaient en voyant les bandes de porcs, roses d’épiderme, blancs de soie, aux oreilles mobiles, à la queue tirebouchonnée, se massant contre la truie fouillant le sol de son groin. Les bandes de moutons pressés, bousculés, montant effrayés les uns sur les autres, tandis que de grands chiens maigres les remettaient en lignes, les intéressaient au moins autant que les ânes chargés de paniers d’osier dans le fond desquels gloussaient les volailles, et que la mine ahurie des veaux heurtant de leur grosse tête lourde le bouvier qui les menait au marché.

Vers le soir, malgré la variété des épisodes, les enfants se sentirent un peu las, et ils se disposaient à coucher comme la veille à l’hôtellerie de la Belle-Etoile, lorsque, à la mourante clarté du jour, Cri-cri aperçut sur la route un objet dont il lui fut impossible de définir la nature.

–Robert, dit-il, vois donc ce que j’ai trouvé.

–Une ceinture de cuir1répondit le frère aîné.

1–Elle est lourde, ajouta Jean.

–Si elle contenait de l’argent! fit Cri-cri.

Robert la soupesa et comprit qu’elle était bien garnie.

–Nous voilà riches! dit Cri-cri en battant des mains.

–Mais cette ceinture ne nous appartient pas, fit observer Robert.

–Cependant nous l’avons trouvée! Un objet perdu est à celui qui le relève. Songe donc, Robert, comme nous serions heureux si nous avions de l’argent! D’abord, au lieu d’aller à Paris, nous rentrerions au village! Plus d’isolement, plus de misère... Notre mère ne manquerait de rien et ferait la charité à nos voisins pauvres... Oui, nous serions tous heureux!

–Tu te trompes, répondit Robert, chaque jour, à toute heure, nous songerions à l’homme inconnu qui a perdu cette bourse... Nous nous dirions: «Faute de cette somme, il n’a pu faire honneur à ses affaires.» Non, mon cher Jean; non, mon petit Cri-cri, il ne faut jamais charger sa concience d’un vol; et garder ce que l’on trouve, sans en chercher le propriétaire légitime, c’est voler.

–Je te demande pardon, dit Jean; tu as raison, grand frère.

–Eh bien! nous rendrons demain la ceinture, ajouta Cri-cri.

–Non pas demain, répliqua Robert; tout de suite; celui qui a perdu cette somme est sans doute en souci, nous devons le tirer de peine le plus vite possible.

–Je suis si las! objecta Cri-cri.

–Aussi, dit Robert, je ne vous oblige point à me suivre. Nichez dans la première meule que vous trouverez; je courrai au prochain village avertir le maire de ma trouvaille, puis je me hâterai de vous rejoindre.

–Non, s’écria Jean; que deviendrions-nous sans toi?

–Vous dormiriez sous la grâce de Dieu, et il ne vous arriverait aucun mal.

–Non! fit Jean résolùment, nous irons avec toi.

Cri-cri était bien tenté de dire que la lune était blafarde, que l’ombre des peupliers s’allongeait énorme sur la route, et que les vieux saules ébranchés ressemblaient à des fantômes noirs; mais, n’osant pas se montrer poltron, il se contenta de se placer entre Jean et Robert dont il saisit les deux mains.

Les robinsons de Paris

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