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IX
MARTIN L’AVEUGLE.

Table des matières

Quand Robert ouvrit les yeux, le jour se levait; le pigeon secouait, en les dilatant, ses ailes aux reflets changeants; Jean et Cri-cri achevaient leurs derniers rêves.

–Debout! dit Robert en les éveillant par un baiser; la route est longue, et le soleil fait honte aux paresseux.

Après une toilette matinale, dont l’eau de la fontaine fit tous les frais, les enfants se mirent en route. Ils allaient allégrement dans les chemins ombragés, admirant les buissons fleuris, s’égayant du chant des oiseaux, s’emplissant le cœur de tous les bons sentiments que nous communique l’étude de la grande œuvre de Dieu.

Ils voyaient déjà poindre la flèche aiguë d’un clocher, quand, en passant devant un fossé, un cri lamentable leur causa une douloureuse inquiétude. Robert tourna vainement les yeux autour de lui, et pour la seconde fois un appel déchirant frappa ses oreilles. Presque au même moment, un homme couvert de haillons apparut sur le talus du fossé voisin.

–Qui que vous soyez, dit-il, venez en aide à un pauvre aveugle!

Ces mots éveillèrent dans le cœur des trois enfants la généreuse pitié du jeune âge; Robert courut au vieillard et lui aida à gagner la route; puis Cri-cri lui demanda avec une curiosité ingénue.

–Vous êtes aveugle, et vous n’avez pas de chien?

–On me l’a volé... s’écria le malheureux d’une voix sourde.

–Volé! qui cela? reprit Jean.

–Des enfants,.. répondit l’aveugle, comme s’il avait honte pour ces jeunes êtres du crime qu’ils avaient commis.

–Oh! fit Robert, pardonnez-leur. Ils n’ont sans doute pas compris la gravité de leur faute.

–De quel côté sont allés ces enfants? ajouta Jean.

–Ils habitent le village voisin, sans aucun doute. Je sais bien que le pauvre Brisque n’est pas beau... Brisque c’est mon chien. Il a de grands poils tordus comme des câbles et qui traînent jusqu’à terre... Il est poussiéreux en été, crotté en hiver... Qu’est-ce que cela me fait, à moi! il est si bon, si doux, si intelligent, si docile!.. Il m’accompagne depuis sept ans, c’est-à-dire depuis que je suis aveugle... Nous couchions ensemble dans les granges, et je partageais avec lui le pain que je reçois de la charité...

–Vous êtes seul au monde? demanda Robert.

–Tout seul. Ma femme est morte... et mon enfant...

–Votre enfant est mort aussi? ajouta Jean.

:–Je ne sais pas, répondit l’aveugle, dont les joues se mouillèrent de grosses larmes; on me l’a pris!...

–On vous l’a pris!

–Oui, une bande de bohémiens, de saltimbanques se trouvait dans le pays un jour de foire. Dans la même journée deux enfants disparurent: mon petit Paul, et Marcelle, la fille d’une de mes voisines.

–Vous n’avez jamais pu retrouver ses traces?

–Jamais. Un mois après la goutte sereine me fit perdre mes pauvres yeux. Brisque me restait seul pour compagnon, pour guide. Il semblait me comprendre, quand je lui parlais du petit Paul qu’il avait porté sur son dos. Il me léchait les mains et il aboyait pour me répondre qu’il s’associait à ma peine. Et sa pitié allégeait mes regrets...

–Ecoutez, dit Robert; nous allons au village, venez avec nous; peut-être aurons-nous des nouvelles de Brisque.

–Prenez ma main en attendant, ajouta Cri-cri, et si cela vous console, parlez-moi du petit Paul.

–Vous êtes des enfants secourables et bons, répondit l’aveugle, Dieu vous bénira... vous aimez les pauvres.

Cri-cri prit l’aveugle par la main, et marcha avec une sorte de fierté!

Le bien accompli communique au cœur un légitime orgueil.

Robert regardait avec attendrissement Cri-cri et l’aveugle, à qui Jean demanda:

–Voulez-vous nous apprendre votre nom? Quand nous serons à Paris, chez notre oncle, nous lui raconterons tout ce qui nous est arrivé en voyage: la rencontre de Mulot et de Mucidor, la perte de Brisque, votre malheur...

–Je me nomme Martin, dit le pauvre homme.

Un moment après, les trois frères et leur compagnon entraient dans le village. Comme ils traversaient une ruelle remplie de fumier et de purin, dans lequel barbotaient des canards, une clameur soudaine, dominée par un cri plaintif, s’éleva du milieu de la place voisine.

Martin devint pâle et tremblant.

–Mon chien! on assassine mon chien!

–Restez là, dit Robert à ses frères

Et s’élançant du côté d’où partaient les cris, le brave enfant se trouva bientôt en face d’un cruel spectacle.

Les robinsons de Paris

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