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II
LA VEUVE

Table des matières

Jeanne ne perdit pas courage; elle étouffa ses regrets, se résigna chrétiennement au coup douloureux qui la frappait, et songea à trouver le moyen de faire vivre sa petite famille.

Les meubles vendus pour payer le loyer, Jeanne quitta la maison où elle avait vécu heureuse, et se contenta d’une cabane en pisé recouverte de paille.

Elle s’y installa avec Jean, Robert et Cri-cri.

Malgré leur âge, les enfants comprenaient qu’ils venaient de faire une perte irréparable. Robert surtout, quand il voyait pleurer sa mère à la dérobée, sejetait dans ses bras, et lui disait entre deux baisers: «Tu penses à celui que nous avons perdu1» Alors, la veuve serrait son fils sur sa poitrine pour le remercier de s’associer à sa douleur.

Hélas! la peine qu’elle ressentait à n’avoir plus à ses côtés le compagnon de sa vie, n’était pas la seule. La jeune veuve devait vivre du produit de son métier de fileuse. Les enfants allaient bien comme autrefois moissonner dans les champs, le long des sentiers: mais ce qu’ils rapportaient augmentait peu les profits du pauvre ménage, et Jeanne comprit bientôt avec épouvante qu’elle se verrait forcée d’envoyer ses enfants demander l’aumône de ferme en ferme.

Cette prévision l’attrista profondément. Travailler reléve celui qui exerce un état quel qu’il soit; mendier au contraire est un abaissement. C’est pour cette raison que ceux qui font la charité doivent y mettre une grande délicatesse: le malheureux qui implore redoute toujours le refus et l’affront.

Dieu seul compta les larmes versées par la pauvre Jeanne, tandis qu’elle songeait à cette alternative, ou de voir ses enfants dépérir à force de souffrir du froid et de la faim, ou de les envoyer de porte en porte chercher du pain qu’ils n’auraient point gagné par leur labeur.

Du reste, les trois enfants, comme si déjà un sentiment de dignité leur eût interdit toute démarche de ce genre, préféraient souffrir que d’aller mendier. Jeanne les voyait souvent assis près du foyer, pâles, amaigris, regardant cuire avec une impatience douloureuse les misérables pommes de terre insuffisantes pour satisfaire leur appétit.

Enfin le malheur de Jeanne devint complet; la pauvre créature, clouée dans son lit par d’intolérables douleurs, comprit qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre. Elle regrettait si cruellement son cher Maclou qu’elle se fût rejouie à la pensée d’aller le rejoindre, si l’idée de laisser ses enfants seuls au monde ne l’eût épouvantée.

La façon terrible dont les chers petits avaient été frappés par la mort de leur père faisait redouter à Jeanne de les rendre témoins de sa propre agonie.

Dans sa générosité maternelle, elle résolut de leur épargner ce spectacle navrant, et de devancer volontaiement l’heure d’une séparation prochaine.

Les mères sont capables de tous les sacrifices, quand il s’agit d’épargner un chagrin à leurs enfants, et Jeanne était la meilleure des mères.

Pourtant, avant de rien décider, elle souhaita consulter un homme en qui elle avait une entière confiance, et, appelant Robert, elle lui dit:

–Cours au presbytère, mon enfant, et prie le curé de venir me voir.

–Mon Dieu! demanda Robert avec inquiétude, seriez-vous plus malade?

–Non, mon chéri, au contraire, je respire mieux ce matin.

Jeanne ne mentait pas; depuis qu’elle avait pris une résolution généreuse, elle sentait son cœur allégé d’un grand poids.

L’enfant embrassa tendrement sa mère, et, sans perdre une minute, se dirigea vers le presbytère.

Les robinsons de Paris

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